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Etats-Unis

Le come-back de Howard Dean

Howard Dean arrive aux commandes du Parti démocrate.(Photo: AFP)
Howard Dean arrive aux commandes du Parti démocrate.
(Photo: AFP)
Le perdant des primaires du parti démocrate, Howard Dean, doit samedi renaître de ses cendres et s’emparer de la présidence du parti. Est-il trop à gauche pour reconquérir l’Amérique du Sud et du Midwest qui a réélu George Bush ? Il promet de se concentrer sur la reconstruction de l’appareil démocrate, en laissant à d’autres le soin de fixer la ligne du parti.
De notre correspondant à New York

On le croyait enterré. Howard Dean est pourtant de retour. Son élection à la tête du parti ne devrait être aujourd’hui qu’une formalité, faisant de lui la vitrine des Démocrates jusqu’en 2008. Sous les applaudissements de milliers de militants, il prendra la succession de Terry McAuliffe. Grand favori des primaires démocrates, Howard Dean avait su revitaliser et rajeunir en 2004 la base du parti, ses militants. Il avait révolutionné l’usage de l’Internet pour lever des fonds de campagne. Opposant de la première heure à la guerre en Irak, il s’était frontalement opposé à la politique de George Bush, suscitant une immense vague d’enthousiasme chez des démocrates frustrés de la timidité de leurs dirigeants, tétanisés à l’idée de s’opposer à l’administration Bush dans un monde post-11 septembre. Et puis il y avait eu cet étrange « cri primal », cet épisode au cours duquel, emporté par son enthousiasme, il avait hurlé comme un forcené sur une tribune dans l’Iowa. Ridiculisé, caricaturé en extrémiste, il avait fini par être rattrapé puis dépassé par un John Kerry plus présidentiable. La raison l’avait emporté sur la passion.

Dans la vie politique américaine, on se relève rarement d’une si cuisante défaite. Howard Dean l’a pourtant fait, au grand déplaisir de l’establishment du parti, qui n’a pas su faire émerger un candidat anti-Dean crédible. Patiemment, habilement, le docteur Dean a convaincu un à un les 447 représentants du parti qu’il n’était pas « l’agité » raillé par les cercles Républicains. Lorsqu’il était gouverneur du Vermont, a-t-il rappelé, on le considérait plutôt modéré. Il a aussi séduit en promettant de reconstruire l’appareil militant du parti dans chaque Etat. Il a convaincu en assurant que seul lui saurait « doper » les militants, faire affluer l’argent des donneurs dans les caisses du parti, et attaquer frontalement l’administration Bush sans compromettre les élus du parti les plus en vue. Son rôle, a-t-il expliqué, ne sera pas de fixer la ligne du parti. Il oeuvrera plutôt dans l’ombre pour préparer la machine de guerre démocrate pour les élections parlementaires de 2006 et présidentielle de 2008. Il laissera aux ténors du Congrès, du Sénat, et aux gouverneurs démocrates le soin de décliner les thématiques du moment, tout en prenant garde de ne pas reproduire son « cri primal ».

Sera-t-il candidat à l’investiture démocrate en 2008 ?

Le choix de Howard Dean laisse beaucoup d’analystes perplexes. «Howard Dean peut-il guérir ce dont le parti est malade, ou Howard Dean est-il symptomatique de pourquoi cette maladie est si difficile à guérir», demandait hier le Washington Post. Les Républicains se réjouissent ouvertement. Selon eux, le gouverneur du Vermont fait figure d’épouvantail libéral (de gauche). De nombreux démocrates admettent en privé qu’ils craignent que le nouveau président du parti ait du mal à séduire l’Amérique conservatrice, celle des valeurs qui a tant fait défaut à John Kerry lors de l’élection de novembre dernier. Un ancien gouverneur qui a grandi à New York et représente l’Amérique de la côte est saura-t-il rallier les Etats du Sud, ces fameux «Red States», ou le Midwest aux valeurs conservatrices ? Saura-t-il polir la position du parti sur l’avortement, le mariage gay, l’environnement ou les armes à feu ? Contre la guerre en Irak, pour une séparation claire de l’Etat et de la religion, est-il trop déconnecté de l’Amérique bushienne ? Réponse dans les mois qui viennent.

Mais Howard Dean a affirmé avoir renoncé à ses ambitions présidentielles pour 2008. Il maintient toutefois en vie son organisation, «Democracy for America», née de l’enthousiasme qu’avait suscité sa campagne lors des primaires. Les grands noms démocrates se méfient toutefois de lui. Hillary Clinton avait, avec son  mari, préféré soutenir lors des primaires la candidature du général Wesley Clark. Elle fait de plus en plus figure de favorite des Démocrates pour la présidentielle de 2008 et a déjà commencé à opérer un virage au centre très remarqué. John Kerry n’a lui non plus pas jeté l’éponge. Tout en saluant Howard Dean pour son «énergie et sa chaleur», il a clairement indiqué que le parti démocrate n’avait pas besoin du virage à gauche préconisé par le camp Dean. «Notre grand parti n’a pas besoin d’un changement de look» a-t-il dit. C’est toutefois sa décision de se montrer discret et de ne pas proposer «son» candidat à la tête du parti  qui a permis de propulser la candidature Dean. Et pour partir du bon pied, il a annoncé qu’il donnait un million de dollars au parti. Il a conservé une caisse de campagne de plusieurs millions de dollars qu’il pourrait garder pour une deuxième chance en 2008.

par Philippe  Bolopion

Article publié le 12/02/2005 Dernière mise à jour le 12/02/2005 à 10:35 TU