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France

Ministre cherche appartement, loyer modéré exigé

Façade de l'immeuble où Hervé Gaymard avait son appartement de fonction.(Photo: AFP)
Façade de l'immeuble où Hervé Gaymard avait son appartement de fonction.
(Photo: AFP)
L’affaire de l’emménagement du ministre de l’Economie, Hervé Gaymard, dans un duplex de 600 mètres carrés situé dans l’un des quartiers les plus chics de Paris, dont le loyer s’élève à 14 000 euros mensuels, n’en finit plus de rebondir. Les explications de l’intéressé n’ont pas obtenu l’effet escompté. Au contraire, la bonne foi du ministre est désormais mise en cause tant sur les conditions de la location de son logement de fonction que sur les aménagements réalisés, ou encore sur l’usage qu’il fait, pendant qu’il est logé aux frais de l’Etat, de son appartement personnel. Même si Hervé Gaymard a annoncé son déménagement immédiat et son intention de rembourser tous les frais occasionnés par la location du duplex, il est désormais sur la sellette.

Il n’est pas question de démission pour le moment. Hervé Gaymard l’a déclaré, Matignon l’a confirmé. Et pourtant, la position du ministre de l’Economie est particulièrement difficile. L’incendie déclenché par les révélations du Canard Enchaîné sur le duplex loué aux frais de l’Etat pour loger le ministre, sa femme Clara et leurs huit enfants, n’a pu être éteint. Il est vrai que les déclarations d’Hervé Gaymard pour se justifier d’avoir, sans état d’âme, ainsi alourdi les dépenses publiques n’ont été qu’une succession de gaffes et de contre-vérités qui n’ont pas manqué d’être pointées par les médias. En une semaine, on est passé de la bourde au scandale dont le gouvernement devra peut-être essuyer les conséquences politiques.

Et pour cause. Lorsque le montant très élevé du loyer de son appartement a été divulgué, Hervé Gaymard a joué la naïveté du ministre trop occupé à servir la France pour gérer ces choses-là. Il a expliqué qu’il n’avait pas été personnellement impliqué dans la location du duplex alors qu’il a ensuite été confirmé qu’il était venu le visiter. Il a aussi insisté sur le fait qu’il ne connaissait pas le prix de la location et que, lorsqu’il l’avait appris, il en avait déduit qu’il ne pourrait pas y rester. Dommage du coup d’avoir engagé autant de travaux pour casser la dalle entre les deux appartements situés l’un au-dessus de l’autre mais qui n’étaient pas reliés par l’escalier intérieur construit en prévision de l’emménagement de la famille ministérielle. Ou encore d’avoir transformé une cuisine aménagée en salle de fitness. Au moins 31 000 euros auraient donc été dépensés pour rendre ce logement de fonction adapté aux besoins de la nombreuse famille du ministre.

Un studio à Bercy en attendant mieux

Conscient du caractère pour le moins dérangeant de cette situation, Hervé Gaymard qui a tout de même rappelé à plusieurs reprises que la location de cet appartement avait été avalisée par le Secrétariat général du gouvernement, a annoncé sans tarder qu’il quittait les lieux. Puis qu’il s’engageait à rembourser personnellement l’ensemble des frais occasionnés pour son emménagement. Malgré cette bonne volonté affichée et les mises au point de Jean-Pierre Raffarin sur les normes en vigueur concernant le logement des ministres, destinées à éviter tout nouveau dérapage (80 m2 pour un couple et 20 m2 supplémentaires par enfants à charge), la polémique a gonflé.

Il est vrai qu’en démentant louer l’appartement dont il est par ailleurs propriétaire (environ 200 mètres carrés au centre de Paris), Hervé Gaymard n’a pas arrangé son cas puisqu’il a été ensuite prouvé que, contrairement à ses dires, il percevait auprès d’un locataire détenteur d’un bail en bonne et due forme, un loyer de 2 300 euros par mois. Dans ce contexte, quelques déclarations précédentes du ministre ont pris une saveur particulière. Hervé Gaymard avait ainsi affirmé à l’hebdomadaire Paris-Match : «Evidemment, si je n’étais pas fils d’un cordonnier-marchand de chaussures, si j’étais un grand bourgeois, je n’aurais pas de problème de logement. Je serais propriétaire de mon appart et il n’y aurait pas toute cette affaire». Des paroles pour le moins malheureuses qui n’ont pas aidé à faire pleurer sur le sort du ministre qui a confié habiter dans un modeste studio à Bercy, en attendant de trouver une solution pour loger ses huit enfants… qui sont au ski pour les vacances scolaires.

Gaymard n’est plus crédible

La première conséquence de cette affaire est de porter atteinte à la crédibilité politique d’Hervé Gaymard. Il est, en effet, difficile pour un ministre de l’Economie de défendre une politique en faveur de la diminution des dépenses publiques alors même qu’il n’hésite pas à utiliser son titre pour obtenir des avantages exorbitants. Le paradoxe n’a pas échappé aux représentants de l’opposition qui réclament au moins des explications crédibles, au plus un départ du gouvernement. Bien que fidèle parmi les fidèles de Jacques Chirac, Hervé Gaymard risque de traîner ce duplex comme un boulet pendant très longtemps.

Au-delà des retombées sur la carrière du ministre de l’Economie, cette affaire a aussi des conséquences pour l'ensemble des membres du gouvernement. Les conditions de logement de tous les autres ministres ont été examinées. Et certains se sont retrouvés dans l’obligation de justifier eux aussi certains avantages dont ils bénéficiaient. Jean-François Copé, le ministre délégué au Budget, qui jouit d’un logement de fonction de plus de 200 mètres carrés pour 5 500 euros mensuels, alors qu’il est lui aussi propriétaire d’un appartement, s’est par exemple trouvé dans l’obligation de proposer le paiement sur ses deniers personnels d’une partie du loyer puisqu’il dispose d’une trop grande surface au regard des normes établies par le Premier ministre.

Décidément le logement des représentants de l’Etat est de tout temps une source de polémique. Ce n’est pas Alain Juppé qui dira le contraire, lui qui en 1995, à peine nommé Premier ministre, avait dû déménager d’un appartement de 180 mètres carrés loué sous le prix du marché à la Ville de Paris et dans lequel des travaux avaient été effectués par la mairie pour un montant de 1,1 million de francs. Cette affaire était tombée d’autant plus mal qu’au même moment le Canard Enchaîné avait aussi dévoilé que le fils d’Alain Juppé louait de la même manière à la mairie un trois pièces à un prix très avantageux. Tout comme Jacques Chirac avait lui aussi auparavant bénéficié de conditions exceptionnelles pour louer un appartement avec jardin acquis par une société civile immobilière contrôlée par la ville de Paris, dont il était maire. François Mitterrand lui-même avait, lorsqu’il était président de la République, eu à subir des attaques pour avoir logé sa fille cachée, Mazarine, aux frais de l’Etat dans un appartement de fonction normalement réservé aux collaborateurs du président de la République, quai Branly.

par Valérie  Gas

Article publié le 24/02/2005 Dernière mise à jour le 24/02/2005 à 17:16 TU