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Burundi

Une nouvelle Constitution pour sortir de la transition

Opérations de recensement en vue du scrutin du lundi 28 février 2005. (Photo: AFP)
Opérations de recensement en vue du scrutin du lundi 28 février 2005.
(Photo: AFP)
Quelque trois millions de Burundais inscrits sur les listes électorales vont se prononcer lundi par référendum sur une nouvelle Constitution. Ce scrutin sera le premier d’une série de sept consultations chargées de mettre fin à la transition. Celle-ci consiste en un partage négocié du pouvoir entre l’ensemble des anciens belligérants (à l’exception d’un dernier groupe rebelle), en conflit depuis le coup d’Etat de 1993. L’objectif est de revenir à un fonctionnement «normal» des institutions et du système électoral. L’ultime scrutin sera une présidentielle à laquelle ne pourra pas participer l’actuel président hutu de la Transition, Domitien Ndayizeye. Ce dernier a finalement renoncé à ses velléités de remanier la charte fondamentale qui devrait emporter la majorité des suffrages burundais malgré la résistance des partisans de l’ancien pouvoir tutsi.

Si tout va bien, la date de la présidentielle sera bientôt fixée. Elle sera le point d’orgue d’une série de scrutins globalement chargés de désigner les tenants des différentes institutions, locales et nationales, sur une base électorale et non plus selon le mécanisme de cooptation générale – pour ne pas dire de foire d’empoigne – qui a prévalu ces dernières années. Au préalable, il faut donc adopter la nouvelle Constitution concoctée selon les recommandations du médiateur sud-africain Nelson Mandela. Ce dernier avait au préalable accouché un accord politique, en août 2000, à Arusha, en Tanzanie, où il avait pris la relève de Julius Nyerere, mort en 1999 et initiateur en 1998 de négociations inter-burundaises. Après la transition dotée de présidence et de vice-présidences tournantes (entre Tutsi et Hutu), la Constitution se préoccupe elle-aussi de dosage ethnique, essentiellement pour répondre aux angoisses de la minorité tutsi.

Dosage ethnique

Le projet de Constitution prévoit une clause particulière pour le président de la République qui sera élu au sortir de la transition. En effet, à la différence de ses successeurs, ce «premier» chef d’Etat ne sera pas élu au suffrage universel direct mais «par l'Assemblée nationale et le Sénat réunis en congrès, à la majorité des deux-tiers des membres». Cela induit la recherche d’un certain consensus intercommunautaire sur la personne du candidat à la magistrature suprême, une manière de donner aux Tutsi un peu plus que leur poids démographique face à la majorité hutu (85% de la population selon les estimations en vigueur). L’article 122 de la nouvelle charte prévoit que le président de la République sera assisté de deux vice-présidents appartenant «à des groupes ethniques et à des partis politiques différents». La précision est d’importance car au-delà de l’expression d’un ethnisme parfois radical, les cloisons ne sont pas étanches et les communautés d’intérêt sinon d’idées ont toujours limité l’homogénéité ethnique des partis burundais.

L’idée du dosage ethnique parcourt le texte, précisant par exemple que «l'Assemblée nationale est composée d'au moins 100 députés, à raison de 60% de Hutus et de 40% de Tutsis élus au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans». La plus petite branche de la trilogie communautaire burundaise, celle des Twa (estimée à 1 %) aura royalement le droit de coopter trois députés. D’ailleurs dans tous les cas, à défaut d’électeurs suffisamment nombreux pour permettre de remplir le quota tutsi, «il est procédé au redressement des déséquilibres au moyen du mécanisme de cooptation». Complication supplémentaire, le texte exige 30% de femmes députés. Le Sénat sera à l’avenant et il devra déterminer la période pendant laquelle il sera utile de faire en sorte que «les corps de défense et de sécurité ne comptent pas plus de 50% de membres appartenant à un groupe ethnique». Bien évidemment, la fonction publique est un enjeu d’importance et l’article 143 prévoit que «la représentation ethnique dans les entreprises publiques est pourvue à raison de 60% au plus pour les Hutus et 40% au plus pour les Tutsis».

«En votant oui à la constitution, le peuple donne aussi un ticket de sortie au président Ndayizeye qui peut profiter du refus de la constitution pour prolonger son mandat», lance un observateur résolument favorable au texte. Face aux pressions internationales mais aussi nationales – et cela jusque dans son parti, le Frodebu – le deuxième et dernier président de la transition, Domitien Ndayizeye, a en effet tenté de prolonger pour une durée indéterminée son mandat de dix-huit mois. Celui-ci lui avait été transmis en mai 2002 par le Tutsi Pierre Buyoya, le tombeur du pouvoir Frodebu qui avait tenté de se maintenir après octobre 1993 et l’assassinat de son candidat, Melchior Ndadayé, premier Hutu élu à la magistrature suprême. Une douzaine d’année plus tard, les Burundais vont tenter de renouer avec la démocratie noyée dans le sang par une armée dont les commanditaires politiques ont choisi de rester en coulisses.

Le pays des mille collines devra bientôt élire des micro-conseils de cinq membres parmi lesquels un chef de colline. Quadrillage et hiérarchie sont en effet des maîtres mots au Burundi du plus petit échelon local, la colline, jusqu’au 117 conseils et administrateurs communaux. Le législateur s’est aussi intéressé au dosage ethnique dans ce paysage local où les communautés vivent ensemble, sans territoires distincts. Aucune ethnie ne doit être représentée à plus de 67% des administrateurs communaux au niveau national, écrit-il. Là aussi, il prévoit le cas échéant des correctifs par cooptation.

L’appel du oui

Après toutes ces années funestes qui auraient vu au moins 300 000 morts, le président de la toute nouvelle Commission électorale nationale indépendante (Ceni), Paul Ngarambe, «invite les Burundaises et les Burundais à prendre pacifiquement d'assaut les bureaux de vote pour exercer leur devoir civique». Il est vrai que le dernier assaut électoral, celui de juin 1993, avait vu l’enthousiasme se muer en désolation et les électeurs se transformer en déplacés, en réfugiés, voire en combattants. Aujourd’hui, tout est à reconstruire et les ruines ne sont pas seulement matérielles. Elles ont donné figure d’épouvante à la démocratie jadis promise par les politiciens. Nombre d’entre eux avaient pris l’habitude d’en découdre par populations interposées. Un lancer de cadavres en quelque sorte. Les Burundais ont toutes les raisons de rester anxieux. Mais la guerre a commencé à reculer.

Même la dernière rébellion encore active dans la région de Bujumbura, les Forces nationales de libération du Parti pour la libération du peuple hutu (Palipehutu-FLN) se déclare disposée à laisser parler les urnes. «Nous n'avons touché à aucune personne, alors que des milliers de personnes étaient alignées au moment de l'inscription sur les listes électorales, nous n'allons pas le faire lundi au moment du référendum», promet le porte-parole des FNL, Pasteur Habimana. Il est vrai que le parti est affaibli, non seulement par des guerres intestines, mais surtout par l’entrée au gouvernement de transition de l’autre grand mouvement de rébellion, le Comité national pour la défense de la démocratie (CNDD) qui a abandonné la lutte armée l’année dernière et dont les anciens combattants sont promis à un avenir économique un peu moins désolé, dans les nouvelles forces de défense et de sécurité nationale en cours de construction.

Alors qu’une majorité de partis se réclamant de la communauté tutsi se déclarent finalement opposés au projet de nouvelle charte fondamentale – mais surtout affolés à l’idée des scrutins à venir – tous les partis hutu, à l’exception des FNL qui ne se prononcent pas, appellent à voter oui au référendum. Ils ne sont pas pour autant sur la même longueur d’ondes vis-à-vis des élections suivantes. Fort de sa lutte armée, le CNDD menace de damer le pion politique du Frodebu. Ses dirigeants en proviennent pourtant pour la plupart. Ils avaient fait scission au milieu des années quatre-vingt-dix pour cause de divergence stratégique sur la question de la lutte armée justement. Pour leur part, les 3 129 136 (exactement) électeurs burundais recensés par la Ceni ne sont pas, loin s’en faut, tous capables de lire le texte qui va leur être soumis lundi. Mais par esprit de discipline et surtout par volonté de changement, une majorité répondra certainement à l’appel au Oui lancé par les politiciens qui se réclament d’elle, en espérant, par dessus tout, que la paix soit au rendez-vous.


par Monique  Mas

Article publié le 27/02/2005 Dernière mise à jour le 27/02/2005 à 16:00 TU

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Susan Linnee

Représentante au Burundi de l'International Crisis Group

«Le référendum au Burundi va être représentatif...»

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