Burundi
La transition joue les prolongations
(Photo : AFP)
Le sommet régional (Afrique du Sud, Kenya, Ouganda, Rwanda, Tanzanie) consacré au Burundi s’est refermé vendredi à Nairobi sur le report des élections qui devaient clôturer la transition burundaise le 1er novembre 2004. Initialement, les Burundais devaient être appelés aux urnes ce 20 octobre pour se prononcer sur le projet de Constitution que les parrains du Burundi veulent donc voir entrer en vigueur immédiatement, à titre «intérimaire». C’est dire que l’adoption finale du projet ne fait à leurs yeux pas l’ombre d’un doute. Le délai supplémentaire annoncé samedi pour le référendum ne laisse en tout cas guère de marge de manœuvre pour l’imposer à ses détracteurs ou même pour le présenter aux électeurs. Le président de la Ceni le reconnaît. «La date du 26 novembre est proche, surtout quand on sait qu'il sera précédé par un recensement général de la population, un recensement électoral, une phase d'éducation civique et électorale de la population, une explication de la future Constitution».
Rafale de scrutins
Il est vrai que rien ne paraît de nature à convaincre les adversaires tutsi du projet de charte fondamentale. Pour eux, ce n’est pas une question de temps – sauf à tenter d’en gagner –, mais un problème de fond. Ils jugent en effet que le dosage ethnique du partage du pouvoir leur est défavorable. Rien n’indique qu’ils renonceront à lui faire obstacle, la loi du nombre leur interdisant tout espoir d’action par les urnes. Finalement, la leçon de Nairobi, c’est que le projet de constitution est à prendre ou à laisser. Ses partisans auront quand même fort à faire de leur côté pour tenir le rythme des scrutins en rafale qui doivent clore la très longue transition ouverte par l’accord de paix d’Arusha en août 2000 après deux ans d’âpres négociations.
La Ceni vient de livrer l’agenda des votes qui partiront des collines avec l’échelon le plus bas des collectivités locales, le 9 février 2005, jusqu’à la présidentielle de l’année prochaine, en passant par l’élection des conseillers communaux le 23 février, les législatives le 9 mars et les sénatoriales le 23 mars. Pour sa part, le président hutu Domitien Ndayizeye était demandeur d’une prolongation de la transition et d’un calendrier moins serré pour toutes ces élections, le temps, expliquait-il, de venir à bout de sa tâche.
En mai 2003, le président Ndayizeye a succédé pour dix-huit mois au titulaire tutsi de la première tranche de la transition (dix-huit mois également), Pierre Buyoya. Sous son mandat, l’une des deux principales rébellions armées, les Forces de défense de la démocratie, branche militaire d’un Comité éponyme (CNDD-FDD) a quitté le sentier de la guerre pour entrer au gouvernement. Ce CNDD dirigé par Pierre Nkurunziza était pour sa part pressé d’en venir à la présidentielle et de concurrencer Domitien Ndayizeye, issu comme lui du Frodebu, le parti qui, en juin 1993, avait porté à la victoire Melchior Ndadaye, assassiné le 22 octobre 1993. Reste l’autre rébellion, celle des Forces nationales de libération (FNL) du Parti pour la libération du peuple hutu (Palipehutu), qui se poursuit autour de la capitale, Bujumbura.
«Le sommet, se basant sur la réalité du terrain, accepte que les élections ne peuvent intervenir avant le 1er novembre 2004», indique le communiqué final du sommet de Nairobi, ajoutant, «en outre, le sommet a noté que la durée des institutions et de l'administration de transition doit être prolongée». Domitien Ndayizeye voit donc son mandat reconduit pour un semestre et les Burundais devront patienter au moins d’autant, avant d’espérer renouer avec une normalité politique et une légitimité institutionnelle perdues depuis plus d’une décennie et jamais vraiment acquise durant les trente années de parti unique et de bains de sang à répétition qui ont précédé. Aujourd’hui encore, l’insécurité la plus grande pèse sur les scrutins promis.
par Monique Mas
Article publié le 17/10/2004 Dernière mise à jour le 17/10/2004 à 12:39 TU