Commerce mondial
Coton : les subventions américaines condamnées par l’OMC
(Photo : AFP)
« Nous allons étudier la décision avec attention et travailler étroitement avec le Congrès et nos agriculteurs sur nos prochaines mesures ». C’est ainsi que le porte-parole du représentant américain pour le Commerce a réagi vendredi, au lendemain de la condamnation des Etats-Unis pour les subventions versées aux producteurs de coton. Richard Mills a précisé : « Pour obtenir les résultats souhaités par nos agriculteurs, le meilleur moyen est d’obtenir une réforme ambitieuse de l’agriculture dans le monde par le biais des négociations multilatérales en cours qui traitent de l’accès au marché, de la concurrence en matière d’exportations et des soutiens nationaux, y compris pour le coton ».
« Un préjudice grave » aux autres producteurs
Jeudi, l’OMC a donc confirmé en appel une décision prise il y a quelques mois. L’émanation de l’organisation internationale chargée de régler les contentieux a une nouvelle fois condamné les subventions américaines versées aux producteurs de coton. Après la plainte déposée par le Brésil, les Etats-Unis avaient été condamnés en première instance en septembre dernier et avaient fait appel le mois suivant. L’OMC donne donc raison au Brésil car « les programmes de garantie du crédit à l’exportation des Etats-Unis étaient des subventions prohibées ». Cette instance indique également que les versements aux producteurs de coton américains causent un « préjudice grave » aux autres producteurs car ces aides ont pour effet « d’empêcher des hausses de prix dans une mesure notable».
Le Brésil avait porté plainte en mars 2003 devant l’OMC parce que les subventions américaines accordées au coton pèsent sur les prix mondiaux et pénalisent les autres pays. Le ministre brésilien des Affaires étrangères, actuellement en visite au Kenya, justement pour une réunion ministérielle de l’OMC, estime que la décision prise à Genève est « une importante victoire pour les pays en développement en général. Les subventions agricoles sont le dossier le plus douloureux (des négociations commerciales) qui doit être réformé ».
Gagner du temps
Maintenant les Etats-Unis ont six mois pour appliquer la décision de l’OMC, sinon le Brésil aura toute latitude pour prendre des sanctions contre Washington. Le gouvernement américain n’a pas indiqué s’il allait tenter d’obtenir un délai du côté de Brasilia. On peut cependant imaginer que les responsables américains cherchent à gagner du temps puisque dès l’annonce de la condamnation américaine, le porte-parole du représentant pour le Commerce l’a laissé entendre : les subventions seront revues dans le cadre de la réforme mondiale de l’agriculture.
« Nous continuons de croire qu’il vaut mieux négocier que de se lancer dans des contentieux », a encore déclaré Richard Mills, tout en précisant que les négociations multilatérales restent « le moyen le plus efficace pour régler les distorsions dans le commerce mondial des produits agricoles ». « Actuellement, nos agriculteurs doivent faire face à d’importantes barrières commerciales étrangères, c’est pourquoi il est crucial d’obtenir une réforme du commerce mondial ».
« Soulager les producteurs en difficulté dans les pays pauvres »
En attendant un bouleversement mondial du secteur agricole, l’association Oxfam, qui parle au nom des petits producteurs, déclare : « Eliminer les subventions au coton est nécessaire pour respecter les obligations vis-à-vis de l’OMC et soulager les millions de producteurs en difficultés dans les pays pauvres ». Les Etats-Unis versent chaque année 3,2 milliards de subventions à leurs producteurs de coton qui s’ajoutent à 1,6 milliard de dollars d’aide à l’exportation, indique l’association. Elle estime que pour la période 2001-2003, ces aides représentent un manque à gagner de 400 millions de dollars pour des pays africains comme le Bénin ou le Mali. « Les Etats-Unis doivent prendre conscience que les petits pays en développement ont aussi des droits dans le système commercial mondial », a encore déclaré Oxfam. Par ailleurs l’association estime, elle aussi, que le jugement de l’OMC a une portée plus grande que le seul coton. « L’ensemble du système de subventions est secoué jusque dans ses fondations ». La décision de Genève offre « une occasion de réforme ».
Plusieurs pays africains avaient fortement critiqué la politique de subventions des pays du nord. C’était en 2003, à l’occasion de la réunion de l’OMC à Cancun. La conférence ministérielle s’était terminée par un échec, les pays du sud étant prêts à se retirer de l’organisation si une baisse des subventions n’était pas programmée. Depuis, des négociations ont abouti à la signature d’un accord d’intention entre Africains et Américains. Cet accord annonce une future réduction des subventions américaines. Et l’OMC a mis en place un « sous-comité sur le coton », travaillant, au sein de l’organisation, dans la perspective de l’aboutissement du cycle de Doha. Il s’agit des négociations sur le commerce mondial. Elles doivent en principe aboutir fin 2006.
Du coton équitable
Tout le monde semble espérer que la décision prise par l’OMC fasse tache d’huile et ouvre la discussion sur toutes les subventions agricoles. Pour le moment, la nouveauté vient du côté du commerce équitable. Après les succès remportés dans le domaine du café ou du chocolat, l’association Max Havelaar vient de certifier un premier produit non alimentaire. Il s’agit de coton, venant de quatre pays africains : Mali, Sénégal, Cameroun, et bientôt Burkina Faso. Le coton « équitable » sera vendu presque deux fois plus cher mais il répondra à des normes sociales et environnementales précises comme le regroupement des agriculteurs en coopératives, une agriculture raisonnée c’est-à-dire employant le moins possible de produits chimiques, et l’utilisation de semences non-ogm. 20 000 producteurs africains sont impliqués dans le démarrage de ce label. Et huit marques françaises ont reçu l’agrément de Max Havelaar pour utiliser ce coton équitable : les chaussettes Kindy, Active Wear et Soft Grey de La Redoute, le fabriquant de textile breton Armor Lux, la marque de coton Bocoton, le prêt-à-porter Celio, le linge de maison Hacot et Colombier, et le fabricant de vêtements de sport Eider. L’association reconnaît que la tache s’annonce « complexe », notamment en matière de contrôles sur le terrain, inhabituelspar Colette Thomas
Article publié le 04/03/2005 Dernière mise à jour le 04/03/2005 à 16:39 TU