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Bolivie

Carlos Mesa reste président

Largement conforté dans ses fonctions par le Congrès, Carlos Mesa dispose désormais d'une plus grande marge de manœuvre.(Photo : AFP)
Largement conforté dans ses fonctions par le Congrès, Carlos Mesa dispose désormais d'une plus grande marge de manœuvre.
(Photo : AFP)
La démission du président de la République a été rejetée mardi à l´unanimité des membres du Congrès. Pour mettre fin à la situation de crise qui paralyse le pays, un «accord pour la nation » a été signé par l´ensemble des partis, à l´exception du mouvement indigène d´Evo Morales.

De notre correspondante à Lima

Ovationné par près de deux mille Boliviens rassemblés sur la place Murillo de La Paz, le président Carlos Mesa a fait une entrée triomphale, mardi soir, devant le Congrès. Quelques instants plus tôt, les 130 députés et 27 sénateurs avaient rejeté sa démission à l´unanimité, sans débat et à main levée. Carlos Mesa devrait donc rester à la tête de l’Etat bolivien jusqu´à la fin de son mandat présidentiel prévu en août 2007.  «Nous vivons un moment particulièrement important de cette courte histoire commencée le 17 octobre 2003, a commencé le président, faisant référence à son arrivée au pouvoir voilà 17 mois suite à la fuite de Gonzalo Sanchez de Lozada. Un moment «particulièrement important parce qu´il marque la décision de ce pays de résoudre de manière censée et responsable la crise institutionnelle » que vivait la Bolivie depuis deux jours.

Dimanche soir, le président s’était adressé à la nation dans un message télévisé pour annoncer sa volonté de démissionner. «Je ne peux continuer à gouverner, assiégé par un mouvement qui étrangle le pays, quand des ultimatum, grèves, menaces ne font que détruire l’appareil productif, notre confiance et notre futur», avait-il précisé, lundi, dans sa lettre de démission remise au Congrès. Une annonce qui a poussé des centaines de Boliviens dans les rues pour manifester leur soutien au chef de l´Etat. Carlos Mesa a aussi reçu le soutien de l´ensemble des pays voisins et organisations régionales, inquiets pour la stabilité de la zone andine.

Un «accord pour la nation»

Depuis plusieurs semaines, le pays est paralysé par plusieurs mouvements sociaux déclenchés notamment par le Mouvement vers le socialisme (MAS, gauche radicale), dirigé par Evo Morales, influent leader des cultivateurs de feuilles de coca. «C’est très commode, cher Evo Morales, de bloquer la Bolivie. Venez gouverner et vous verrez ce qu’est l’administration, les responsabilité d’un homme d’Etat », a défié, dimanche, Carlos Mesa.

Au cœur des divergences opposant le président au chef de l’opposition, la loi sur les hydrocarbures. Le mouvement indigène paysan qui souhaite re-nationaliser les ressources gazières et pétrolières privatisées en 1997, exige l´adoption d´une nouvelle loi augmentant de 18 à 50 % le pourcentage des royalties prélevées par l’Etat auprès des transnationales pétrolières. Une loi jugée «non viable» par M. Mesa  qui a déclaré qu´il n´était «pas disposé à laisser faire le jeu de l’irresponsabilité, dans une comédie honteuse qui amènerait à la destruction de la Bolivie ».

Cette loi a été au centre des négociations qui ont occupé mardi les membres du Congrès et les représentants du gouvernement, Carlos Mesa ayant annoncé qu´il resterait à la tête du pays sous plusieurs conditions. Des conditions finalement acceptées par l´ensemble des partis, à l´exception du MAS d´Evo Morales et du Mouvement indigène Pachakuti (deux partis qui ont tout de même rejeté la démission du président). Les responsables politiques ont donc signé un «accord pour la nation» qui prévoit l´adoption rapide d´une loi sur les hydrocarbures  respectant strictement les résultats du référendum de juillet dernier, la formation d´une assemblée constituante, un référendum sur l´autonomie des régions et l´élection de gouverneurs.

La fronde du quartier El Alto

La décision du Congrès devrait donc ouvrir une nouvelle ère pour l´indépendant Carlos Mesa qui souffrait, jusque-là, du manque de soutien d’une majorité législative ou d’un parti qui l’appuierait totalement. Désormais, il sait qu’il peut compter sur le soutien des parlementaires. «Tout cela n´était pas le produit d´un  coup politique », a tenu à se défendre le président bolivien. «Il  m´a paru indispensable d´obliger le pays a réfléchir, pas pour le sort d´un président de la République mais pour celui de neuf millions de Boliviens. »

Tout est pourtant loin d’être résolu dans cette nation, l’une des plus pauvres d´Amérique Latine, dont plus des deux tiers de la population vivent au dessous du seuil de pauvreté (moins de 2 dollars par jours). S’ils ont levé quelques barrages routiers mardi pour calmer la situation, les manifestants d’El Alto, un quartier périphérique de La Paz, restent en grève et exigent le «départ immédiat» de l’entreprise de distribution d’eau Aguas del Illimani. Ils accusent la filiale de la transnationale française Suez-Lyonnaise des Eaux d’imposer des prix trop élevés pour la population et de ne pas respecter ses engagements. Et Evo Morales a d´ores et déjà déclaré que les mouvements sociaux continueront dans l´ensemble du pays.


par Chrystelle  Barbier

Article publié le 09/03/2005 Dernière mise à jour le 09/03/2005 à 10:29 TU