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Kosovo

L'ex-Premier ministre affronte la justice internationale

Ramush Haradinaj, le 3 décembre 2004 à Pristina, à l'occasion de la séance inaugurale du Parlement kosovar.(Photo: AFP)
Ramush Haradinaj, le 3 décembre 2004 à Pristina, à l'occasion de la séance inaugurale du Parlement kosovar.
(Photo: AFP)
Inculpé de crimes de guerre par le Tribunal pénal international (TPI), Ramush Haradinaj a démissionné mardi de son poste de Premier ministre du Kosovo et est en route vers La Haye. La rumeur d’une éventuelle inculpation courait depuis sa nomination en décembre dernier.
De notre correspondant à Belgrade

Surnommé «Rambush», Ramush Haradinaj a été l’un des principaux commandant de l’Armée de libération du Kosovo (UCK). Au printemps et à l’été 1998, il faisait régner la terreur dans les villages serbes de l’Ouest du Kosovo, entre Djakovica et Pec. Cette région a été le théâtre de violents combats entre les forces de sécurité serbes et la guérilla albanaise. Ramush Haradinaj était retranché dans son fief de Glodjane, le village dont sa famille est originaire, aux portes de la grande ville de Pec. L’acte d’accusation du TPI évoque l’assassinat de nombreux civils serbes: vingt cadavres ont été retrouvés à Glodjane, d’autres dans des puits de la commune de Decani, d’autres encore dans le plan d’eau de Radonjic. Pour les basses œuvres et les opérations punitives, Ramush Haradinaj avait créé une unité en marge de l’UCK, les Aigles noirs, regroupant essentiellement des proches de sa famille originaires du village de Glodjane.

Ramush Haradinaj est né en 1968. Après avoir effectué son service militaire dans l’armée yougoslave, il est parti à l’étranger à la fin des années 1980, comme beaucoup de jeunes Albanais engagés dans les mouvements nationalistes réprimés par le pouvoir serbe de Slobodan Milosevic. Il a multiplié les «petits boulots» en France et en Suisse, souvent à la limite de la légalité, ce qui lui vaut  un dossier pénal chargé auprès de la justice helvétique. Dès son arrivée en Suisse, Ramush Haradinaj avait été recruté par le Mouvement populaire du Kosovo (LPK), le groupe clandestin ultra-nationaliste d’obédience marxiste-léniniste qui donna naissance à l’UCK.

Il a ensuite effectué un bref passage en France dans les rangs de la Légion étrangère, avant de rejoindre les premiers groupes de combattants qui organisaient une résistance armée contre le pouvoir de Belgrade. Son frère Daut a été tué en 1998 par des garde-frontières alors qu’il acheminait des armes depuis l’Albanie. De premiers attentats revendiqués par l’UCK sont en effet commis dès 1996 dans l’Ouest du Kosovo, et l’UCK développe ses activités après les émeutes qui ravagent l’Albanie au printemps 1997, et qui lui permettent de récupérer d’importantes quantités d’armes.

La crainte d’un regain de violences

Après l’instauration du protectorat des Nations Unies au Kosovo, en juin 1999, Ramush Haradinaj a créé un petit parti, l’Alliance pour l’avenir du Kosovo (AAK), qui  a toujours plafonné à 8% des voix. Il est pourtant directement impliqué dans d’obscurs règlements de compte dans sa région natale. En juillet 2000, accompagné d’une trentaine d’anciens combattants de l’UCK, il attaque la maison de la famille Musaj, dont un membre fut tué. Il est blessé au cours de cette opération, et il fut soigné en Allemagne. La famille Musaj aurait soutenu les Forces armées de la République de Kosovo (FARK), le mouvement de guérilla lié à Ibrahim Rugova, concurrent de l’UCK.

Dans la région de Pec, les règlements de compte entre anciens combattants des FARK et de l’UCK ont fait plusieurs morts depuis la fin de la guerre. Les anciens sympathisants des FARK sont souvent accusés de collaboration avec la police serbe. Un  des frères de Ramush Haradinaj a été condamné pour l’opération de juillet 2000, mais lui-même a été récemment exonéré des charges pesant contre lui par la justice du Kosovo. Dans le même temps, l’ancien commandant est soupçonné d’avoir joué un rôle stratégique dans le développement des guérillas albanaises dans le sud de la Serbie et en Macédoine.

Ramush Haradinaj est devenu Premier ministre du Kosovo en décembre dernier dans le cadre d’une coalition avec la Ligue démocratique du Kosovo (LDK), le parti d’Ibrahim Rugova. Il a entamé son mandat en multipliant les déclarations très fermes sur la nécessité de mettre les fonctionnaires du Kosovo et de lutter contre la corruption. Cette attitude avait été très chaleureusement saluée par le chef de la Mission des Nations Unies au Kosovo (Minuk), Soren Jessen-Petersen, qui a encore salué en Ramush Haradinaj une «personnalité politique remarquable» après son inculpation et sa démission.

Les négociations sur le statut final du Kosovo doivent s’ouvrir normalement dès cette année, et Ramush Haradinaj apparaissait comme l’homme des Américains, très décidés à imposer une solution d’indépendance rapide. Son inculpation risque de remettre en cause les calendriers de négociations qui commençaient à s’esquisser. Et tout le monde craint également que le départ pour La Haye de Ramush Haradinaj ne déclenche une nouvelle vague de violence au Kosovo. Il conserve en effet de nombreux partisans dans son fief de Decani et de Djakovica, qui avaient menacé de représailles armées contre les représentants de la Minuk et de l’Otan en cas d’inculpation de leur leader.


par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 09/03/2005 Dernière mise à jour le 09/03/2005 à 12:44 TU

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Rexhep Ismaili

Président de l'Académie des sciences du Kosovo

«Les Kosovars ont beaucoup de respect et d’espoir dans la justice du TPI.»

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