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Serbie

Boris Tadic visite le Kosovo

Le voyage au Kosovo du président Tadic intervient dans un contexte politique très tendu.(Photo: AFP)
Le voyage au Kosovo du président Tadic intervient dans un contexte politique très tendu.
(Photo: AFP)
Le Président démocrate de la République de Serbie Boris Tadic doit effectuer dimanche un voyage événement au Kosovo, le premier d’un chef de l’État serbe depuis 1999. Pourtant, Belgrade n’a toujours pas de stratégie lisible sur les évolutions du statut du Kosovo.
De notre correspondant à Belgrade

Boris Tadic a l'intention de visiter les principales enclaves serbes de la province placée sous administration provisoire des Nations unies, notamment Orahovac, Strpce, Cernica, Gorazdevac, Velika Hoca et le monastère médiéval de Visoki Decani. «Le président se rend au Kosovo pour rencontrer les citoyens et visiter les enclaves, il se fait accompagner par la presse pour qu'elle puisse rapporter sur les conditions dans lesquelles vivent les Serbes au Kosovo», a précisé le cabinet de Boris Tadic. Pour entreprendre ce voyage, le Président serbe a cependant dû demander le feu vert à la Mission des Nations unies au Kosovo (MINUK).

Boris Tadic devrait rencontrer Soren Jensen-Petersen, le chef de la MINUK. Ce dernier s’est rendu à Belgrade à la mi-janvier, mais les dirigeants serbes n’ont pas voulu évoquer avec lui les questions prévues à l’agenda, notamment la décentralisation, et se sont uniquement focalisés sur la question des coupures de courant. En effet, la Compagnie publique d’électricité du Kosovo (KEK) a coupé le courant à plusieurs villages serbes, en raison de l’accumulation de factures impayées. Au cœur d’un hiver particulièrement rigoureux, ces mesures ont été perçues comme discriminatoire, même si elles frappent aussi des villages albanais. Le non-paiement des factures d’électricité est une véritable tradition au Kosovo : la dette des consommateurs auprès de la KEK serait de l’ordre de 200 millions d’euros, et chaque mois, les consommateurs ne payeraient qu’environ 30% de l’énergie fournie. La compagnie, menacée de banqueroute, a donc décidé des mesures collectives de rétorsion, en coupant le courant à des villages et des quartiers entiers de mauvais payeurs.

Le voyage de Boris Tadic intervient dans un contexte politique très tendu. En théorie, les discussions sur le «statut final» du Kosovo doivent s’ouvrir dès le printemps. Tout le monde s’accorde en effet pour constater que le statu quo ne peut plus durer, et que le bilan du protectorat international est accablant. Certains cercles diplomatiques influents, notamment aux USA, font pression pour une accession rapide du Kosovo à l’indépendance, la perspective souhaitée par la communauté albanaise.

Dissensions chez les Serbes du Kosovo

Cette hypothèse demeure inacceptable pour Belgrade et les Serbes du Kosovo, mais ceux-ci ont bien du mal à se faire entendre et à parler d’une même voix. L’Église orthodoxe serbe et le Premier ministre conservateur de Serbie, Vojislav Kostunica, avaient appelé au boycott des élections parlementaires du 23 octobre, tandis que Boris Tadic s’était prononcé en faveur d’une participation des Serbes à ce scrutin. Le Président a essuyé un camouflet, puisque 97,7% des Serbes ont boudé les urnes.

Deux approches s’opposent à Belgrade, le Président prenant le camp de la coopération avec la communauté internationale et les institutions provisoires du Kosovo, tandis que le Premier ministre pose en préalable des conditions comme le retour des réfugiés serbes chassés du Kosovo et la liberté de circulation pour les Serbes des enclaves. Le chef du «Corps de coordination» serbe pour le Kosovo, l’ancien vice-Premier ministre Nebojsa Covic, semble tenir une position moyenne, mais ses compétences exactes sont incertaines.

La même confusion prévaut chez les dirigeants serbes du Kosovo. Très proche du Parti démocratique de Boris Tadic (DS), Oliver Ivanovic avait pris le risque de conduire une liste rapidement improvisée pour les élections du 23 octobre. Le succès massif du boycott a donc représenté un échec personnel pour l'ancien leader charismatique des Serbes de Mitrovica, qui a choisi de ne pas siéger au Parlement du Kosovo.

Alors que tous les autres dirigeants serbes de premier plan du Kosovo appelaient au boycott, un inconnu a monté une liste «d’initiative citoyenne» serbe qui, faute de concurrent, a fait main basse sur les dix sièges réservés aux Serbes au sein du Parlement du Kosovo. Le meneur de cette liste, Slavisa Petkovic, un ancien membre des commandos de la police serbe, réfugié à Nis depuis juin 1999, a même fait son entrée fin janvier au gouvernement du Kosovo, où il a pris la tête du ministère chargé des retours des réfugiés et déplacés.

Alors que Slavisa Petkovic fait figure d’ovni sur la scène politique serbe du Kosovo, les courants radicaux serbes, accusent Boris Tadic et Oliver Ivanovic de «trahison» pour avoir appelé à participer aux élections du 23 octobre. Mercredi, une bombe a détruit la voiture d’Oliver Ivanovic, alors qu’elle était garée dans une rue de Mitrovica, heureusement sans faire de victimes. Le message était probablement adressé à Boris Tadic, pour lui rappeler qu’il n’est pas forcément le bienvenu au Kosovo.

par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 12/02/2005 Dernière mise à jour le 14/02/2005 à 11:04 TU

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Laurent Rouy

Journaliste, correspondant de RFI à Belgrade

«Tadic veut montrer au monde entier les conditions de vie très difficiles de la minorité serbe du Kosovo.»

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