Médias
Le Monde trouve une planche de salut
(Montage : RFI)
Le projet soumis à l’appréciation des journalistes apporte 55 millions d’euros en numéraire au capital du Monde SA, alors que Le Monde, comme les autres grands quotidiens nationaux français, connaît incontestablement d’importantes difficultés financières. Après un été 2004 qualifié d’«exécrable» par la direction du journal, Le Monde a annoncé la suppression de 100 emplois sur la base de départs volontaires. Le déficit total enregistré en 2004 était de 52 millions d’euros: aux lourdes pertes d’exploitation du journal (11 millions d’euros) s’étaient en effet ajoutées des charges exceptionnelles liées aux restructurations dans l’imprimerie du Monde et aux départs volontaires. Une prochaine échéance bancaire de 59 millions devrait encore alourdir le bilan. Donc, en ouvrant ainsi son capital au niveau du Monde SA, Le Monde trouve une réponse ponctuelle à ses problèmes de trésorerie, et la SRM, actionnaire de référence du journal (29,5%) a massivement approuvé le projet.
Toutefois, cette recapitalisation importante pour le premier quotidien national français a suscité des commentaires de journalistes à l’issue de l’Assemblée générale de la SRM, tels que «c’est un oui de raison, sinon de résignation» ou «on n’a pas de choix», ou bien encore «nous étions nombreux à vouloir exprimer notre défiance, mais on a tout aussi la trouille d’un dépôt de bilan». Ces remarques rejoignent l’appréciation de la situation par le directeur de la rédaction, Gérard Courtois, considérant, quant à lui, que «la recapitalisation est indispensable pour sortir la tête de l’eau et repartir de l’avant». D’où le résumé de la situation, par le conseil de gérance de la SRM, selon lequel «c’est un oui à un rendez-vous économique imposé par une situation d’urgence».
«Ce n'est pas un chèque en blanc»
En effet, s’il représente une issue de secours, cet investissement extérieur inquiétait les journalistes: en apportant 25 millions d’euros, le groupe français Lagardère obtiendra alors une participation d’environ 15% à 17% dans le capital du Monde SA, société tête du groupe, et avec la même somme apportée par Prisa, la participation de l’éditeur de El Pais se situera entre 12,9% et 14,8%. D’autres inquiétudes viennent du fait que «les accords avec Lagardère prévoient la mise en place de partenariats commerciaux, de management, de ‘back office‘ avec les régies publicitaires qui sont et seront définis conformément au protocole d’accord signé avec Lagardère», affirme-t-on à la direction du Monde. Tandis que le groupe de presse espagnol étudie quant à lui pour Le Monde une politique de produits dérivés (tels que encyclopédies, et DVD par exemple), déjà pratiquée avec succès pour le quotidien espagnol.
Le conseil de gérance a précisé dans un communiqué qu'il acceptait «d’ouvrir la porte à de nouveaux investisseurs après s’être assuré que leur arrivée ne mettrait pas en péril ni la place d’actionnaire de contrôle de la SRM, ni l’indépendance éditoriale du journal». Mais cette approbation du projet ne constitue pas pour autant un «chèque en blanc» à la direction car le conseil de gérance déplore «les modes de gestion et de gouvernance en partie responsables de la situation du journal». En juin prochain, la SRM devra désigner le directeur du quotidien alors filialisé : «La SRM sera amenée à se prononcer sur l’éventuelle séparation des fonctions de président de directoire du groupe et de directeur de publication du quotidien [ndlr: assumée actuellement par Jean-Marie Colombani). Ce qui sera alors l’occasion pour l’actionnaire de référence, conformément à sa culture et son histoire, d’accorder ou non sa confiance à la direction du journal et à son projet éditorial».
par Dominique Raizon
Article publié le 09/03/2005 Dernière mise à jour le 09/03/2005 à 18:01 TU