Médias
Bouygues renonce aux journaux Dassault
(Photo : AFP)
Le coup de théâtre a eu lieu. L’alliance entre les groupes Dassault et Bouygues n’aura finalement pas lieu. Du moins dans l’immédiat. L’annonce a été des plus succintes. Le groupe Bouygues et sa filiale audiovisuelle l’ont rendue publique vendredi dans un communiqué commun : «n'ayant pu trouver d'accord avec le groupe Dassault, Bouygues et TF1 mettent un terme aux négociations relatives à une entrée au capital du groupe Socpresse». Toutes les parties se sont refusées à plus de commentaires.
La semaine dernière, l’affaire était pourtant presque bouclée. Le groupe de BTP et sa filiale, la chaîne de télévision TF1, avait prévu chacun de prendre 5% du capital de la Socpresse, société éditrice du Figaro, de l’Express, de l’Expansion et de nombreux quotidiens régionaux. De bonne source, l'entrée de TF1 et de Bouygues dans la Socpresse était censée s'élever à 100 millions d'euros. Plusieurs points d’achoppement expliquent l’arrêt des négociations. Principal point de blocage : la question du droit de préemption qui aurait pu permettre à Bouygues d'acquérir en moins de deux ans 35% du capital de la Socpresse, soit la minorité de blocage.
Un manque de visibilité
Pour nombre d’observateurs, le droit de préemption que réclamait TF1 a du inquiéter sérieusement Serge Dassault qui s’est dit «qu’il n’aurait plus la paix chez lui». TF1 a en effet l'habitude, lorsqu'il prend des participations minoritaires, de monter ensuite au capital pour peser sur les décisions stratégiques, comme il l'a fait au sein de la chaîne thématique Eurosport, qu'il détient maintenant à 100%, ou dans le satellite TPS, dont il a actuellement 66%.
Des questions de droit mais également des enjeux financiers expliquent l’échec des discussions. Et notamment le fait que les comptes de la Socpresse ne sont pas disponibles, ce manque de visibilité sur la santé financière a fait peur au tandem Bouygues-TF1. En nouant une telle alliance, Serge Dassault qui a racheté le 22 juin dernier 82 % des parts de la Socpresse, misait apparemment sur les compétences de son futur partenaire Bouygues pour l’aider à redresser les comptes de la Socpresse largement déficitaire : 220 millions d’euros de pertes estimées en 2002.
Dassault cherche un autre partenaire
Le rapprochement annoncé du numéro un français de la presse écrite et du numéro un de la télévision avait par ailleurs suscité une levée de boucliers dans certains journaux et dans les partis de l'opposition qui dénonçaient à la fois une concentration excessive et la naissance d'un rouleau compresseur publicitaire. Dans Libération, Serge July s’alarmait du risque de voir, avec l'alliance du Figaro à TF1, «deux colosses à la Une», estimant que «la concentration qui allait s’opérer, spécialement dans la publicité, était d'une ampleur telle qu'elle constituait une véritable menace pour la concurrence».
La crainte était de voir ces deux grandes puissances médiatiques truster les revenus publicitaires, la principale source de financement de la presse. Dès le début des négociations, le Syndicat général du Livre et de la Communication écrite CGT n’a pas manqué de faire valoir les dangers d’un éventuel mariage entre TF1 qui rafle 55% du marché publicitaire de la télévision, et la Socpresse qui pèse entre 30 et 40% du marché de la presse écrite. Pour l’heure, les négociations sont rompues. «De manière définitive», affirme-t-on chez Bouygues. De son côté, le groupe Dassault s’est déjà mis à la recherche d’un autre partenaire.
par Myriam Berber
Article publié le 20/07/2004 Dernière mise à jour le 20/07/2004 à 12:32 TU