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Médias

Dassault prend le contrôle de l’empire Socpresse

Trois mariages et huit enfants rendaient complexe la succession après le décès de Nadine Hersant. C’est aujourd’hui une page importante de l’histoire de la Socpresse et du Figaro qui est en train de se tourner: douze héritiers Hersant -sur les treize- ont accepté jeudi 11 mars la proposition de Serge Dassault de lui céder leur participation. Cet accord doit être soumis aux autres actionnaires et au Conseil de surveillance de la Socpresse, et obtenir également le feu vert de la Commission de la concurrence de la Communauté européenne; l’ensemble devrait se dérouler d’ici le mois de juin. S’il aboutit, cet accord permettait à l’avionneur de prendre le contrôle de 80% du capital de la Socpresse, un empire de la presse comptant 70 titres dont Le Figaro, L’Express et L’Expansion sont les fleurons, mais qui compte aussi de nombreux quotidiens régionaux, et un important réseau d’imprimeries.
Groupe au fonctionnement très secret, notamment dans sa structure et ses comptes, la Socpresse est, avec France-Antilles dirigé par Philippe Hersant, l’un des deux pôles de l’ancien groupe fondé par Robert Hersant. On ne dispose que d’estimations sur les comptes de la Socpresse : «Pour 2002, son chiffre d’affaires s’élèverait d’après une source AFP, à 1,049 milliards d’euros, alors qu’il était de 1,096 milliards d’euros en 2001 à périmètre comparable». Les héritiers de M. et Mme Robert Hersant souhaitent «vendre leur participation au capital de la société Socpresse, société holding du groupe à la société Groupe industriel Marcel Dassault, GIMD, présidée par Serge Dassault» a indiqué Dassault dans un communiqué. Le 30 janvier 2002, les héritiers de Robert Hersant, disparu en 1996, avaient cédé au groupe Dassault 30% du capital et des droits de vote. La famille Hersant conservait alors encore 70% du capital. En augmentant le capital de la Socpresse de 365 millions d’euros, l’apport de Dassault a permis à la Socpresse de racheter, en septembre 2002, le pôle presse grand public de Vivendi Universal Publishing, à savoir le groupe Express-Expansion.

Si le nom de Dassault évoque davantage l’aéronautique, la GIMD est une nébuleuse industrielle qui coiffe de nombreuses autres filiales dans les domaines du logiciel, de l’électronique, des jeux vidéos, des applications de la carte à puce et d’Internet, mais aussi des finances et des médias. La finance constitue une part importante de la holding dont l’objectif est d’investir dans le développement de jeunes entreprises dans le secteur des technologies de l’information. Ainsi, en accédant à 80% des parts, le fils de Marcel Dassault, Serge Dassault, devient à 78 ans, financièrement parlant, un grand patron de presse, un rêve qu’il caressait depuis longtemps pour «diffuser des idées» qu’il «considère comme saines» a-t-il confié dans un entretien dans Entreprendre, et «peut-être aussi de répondre à quelques journalistes qui ont écrit de façon pas très agréable» sur lui a-t-il déclaré sur LCI.

Le personnel est inquiet du changement

Serge Dassault se dit «très satisfait» de cette opération «à laquelle il tenait beaucoup» a indiqué son entourage, soulignant par ailleurs «un excellent climat de travail et de confiance entre Serge Dassault et Yves de Chaisemartin», patron du groupe Socpresse qui se présente comme «garant» de l’indépendance du titre. «Nous restons, Michel Senamaud (administrateur général de la Socpresse) et moi-même, seuls maîtres à bord de cette entreprise» a-t-il affirmé. Toutefois, au sein du Figaro, les réactions sont très réservées. «Nous réclamons la réunion d’un comité d’entreprise extraordinaire dans lequel nous demanderons notamment l’examen de l’ouverture de la clause de cession. Nous demanderons également la mise en place de relance pour le quotidien Le Figaro axées sur une information de grande qualité et une re-mobilisation de la rédaction. Enfin FO espère que l’annonce de la cession ne prélude pas à une reprise en main politique du journal et réclame un renouvellement du comité de groupe pour prendre en compte les évolutions de ce dernier depuis 1990» a expliqué Jocelyne Abonneau, déléguée syndicale du Syndicat général journaliste - FO et représentante au comité du groupe.

L’opération est aussi suspendue à d’autres conditions. Aude Hersant, 23 ans, étudiante en communication en Californie, détient 13% des parts. Elle est la seule à avoir refusé «l’idée de vendre le groupe bâti par feu son grand-père, Robert, qui fut aussi son père adoptif», et Dassault lui proposerait toujours, selon Le Point, 100 millions d’euros pour qu’elle change d’avis, ce qui n’est pas gagné. Aude Hersant dispose également d’un droit de préemption sur les participations des autres membres de la famille. Elle aurait aussi trente-cinq jours pour l’exercer ou non. Enfin, l’opération devant être avalisée par les autorités de la concurrence, à supposer que le processus aille à son terme, la cession ne serait pas effective avant le mois de juin.



par Dominique  Raizon

Article publié le 12/03/2004