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Médias

Canal+ gagne la bataille du foot

La Ligue de football professionnel a attribué l’exclusivité des droits de télévision du championnat de France pour la période 2004-2007 à la chaîne cryptée Canal+. Moyennant la coquette somme de 480 millions d’euros par an.
C’était une question de survie. Canal+, qui revendique 4,5 millions d’abonnés (dont 41% venus pour le football et principalement le championnat de France de première division) était dans l’obligation de remporter les enchères face à son adversaire, le bouquet satellitaire TPS (contrôlé par les chaînes privées TF1 et M6), au risque de voir une partie de sa clientèle le quitter. Canal+ a payé le prix fort, 480 millions d’euros, chaque année pour la période 2004-2007, s’assurant l’exclusivité du football sur ses antennes au prix d’un engagement record, à un moment où on pensait que les tarifs seraient pourtant revus à la baisse. Dans certaines circonstances, cruciales pour son avenir, il faut savoir prendre des risques et engager un pari sur l’avenir. Canal+, détenu en grande partie par le groupe Vivendi Universal qui vit des moments très difficiles, ne pouvait pas perdre le football et s’est retrouvé dans l’obligation de casser une tirelire déjà fortement mise à mal.

Reste à savoir si la chaîne à péage réussira, non pas à rentabiliser (ce qui paraît peu plausible) sa mise, mais au moins à ne pas perdre trop d’argent dans une aventure qui paraît à bien des égards, hasardeuse, compte tenu d’un certain désengagement du public qui ne semble plus afficher le même enthousiasme pour le football que lors de la décennie précédente. En raison de la déroute de l’équipe de France à la dernière Coupe du monde et de l’appauvrissement de la compétition nationale consécutive au départ de tous les meilleurs joueurs pour des championnats plus attrayants, Angleterre, Italie et Espagne.

Frédéric Thiriez, président de la Ligue professionnelle de football, a joué un coup de maître en obtenant une enchère record, mais son pari n’est pas garanti à cent pour cent, compte tenu de la situation précaire de Canal+, obligé ces derniers mois à une profonde refonte en raison de ses pertes. La chaîne qui ambitionnait de devenir numéro un en Europe a été contrainte de se débarrasser de ses multiples filiales en Europe, elles aussi déficitaires, et son retour à l’équilibre n’est pas pour demain. Toutes les chaînes à péage connaissent de sérieuses difficultés, en Italie, en Espagne, en Angleterre. Faut-il ici rappeler la faillite de certaines d’entre elles, celle du tout puissant groupe allemand Kirch Media ou encore celle de l’incontournable groupe suisse de marketing sportif ISL. La Fédération Internationale de Football, elle-même, traverse une période difficile. Le marché du football s’est brusquement dégonflé, en large partie en raison de la crise qui affecte depuis deux bonnes années l’ensemble des places boursières.

La bataille des droits télévisés continue à faire rage

La bulle football n’est pas sans rappeler la bulle nouvelles technologies dont on sait ce qu’il est advenu, même si le foot est un jeu universel qui demeure encore le sport le plus populaire de la planète. L’inflation des salaires est devenue si folle que les présidents des grands clubs européens se sont récemment mis d’accord pour un plafonnement comme celui qui existe au sein de la NBA (ligue de basket-ball nord-américaine) depuis quelques années.

Canal+ a donc préservé le football sur ses écrans, à moins que le Conseil de la concurrence, saisi par TPS, ne trouve à redire sur un contrat qui fait la part quasi exclusive à son rival. Il examinera le dossier le 8 janvier. Si TPS était débouté de sa plainte, alors il n’est pas impossible que les deux bouquets satellitaires finissent par fusionner comme beaucoup le suggèrent actuellement. Mais c’est un autre dossier.

Une autre bataille est désormais engagée, celle de la Ligue européenne des champions. Mais cette fois les tarifs devraient être revus à la baisse, car la compétition à rallonge perd chaque année des téléspectateurs. L’absence d’équipes françaises lors de la seconde phase de la compétition va accentuer le phénomène et TF1, détenteur des droits, va y laisser des plumes. Pour autant la bataille des droits télévisés du football continue de faire rage, au moins en Angleterre et en France. Reste à savoir si elle ne constitue pas une menace terrible pour les chaînes à péage qui semblent moins que jamais pérennes. Trop de football menace de tuer le football et avec lui ces chaînes de télévision mises à genou par des contrats totalement déraisonnables.



par Gérard  Dreyfus

Article publié le 16/12/2002