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Médias

Grandes manoeuvres dans la presse française

En moins d’une semaine, le paysage de la presse écrite française s’est sensiblement modifié, avec la cession de deux groupes de presse parmi les plus connus : L’Express et PVC (Publications Vie catholique).
Fin août la Socpresse - la société contrôlée par l’avionneur Dassault qui détient notamment Le Figaro - a racheté à Vivendi Universal deux de ses fleurons : L’Express et L’Expansion. Le 3 septembre c’est autour du groupe PVC (Publications de la Vie catholique) de changer de propriétaire, en approuvant la prise de participation de 30% du quotidien Le Monde dans son capital. Ce qui signifie que deux autres importants hebdomadaires - Télérama (662 000 exemplaires) et La Vie - tombent ainsi sous la coupe du quotidien fondé par Hubert Beuve-Méry, qui contrôlait déjà Courrier International et Les Cahiers du cinéma.

Ce bouleversement était attendu, depuis que Le Monde, dirigé par Jean-Marie Colombani, tente d’étendre son influence et de constituer un véritable groupe de presse. Au centre de l’intérêt croissant du quotidien du soir, les trois principaux «news magazines» de France : le Nouvel Observateur (509 000 exemplaires), l’Express (429 000) et le Point (329 000). Après avoir vainement tenté de prendre possession de l’Express, et alors que le Point préférait entrer dans le giron de l’entrepreneur François Pinault (un proche de Jacques Chirac), Le Monde a finalement réussit son opération avec l’un des deux grands groupes de presse catholiques de France, qui contrôle, outre Télérama et La Vie, d’autres magazines (Ulysse, Notre Histoire, Actualité des religions), une librairie et les éditions Desclée de Brouwer. Un groupe qui avait été créé dans l’après-guerre par Georges Hourdin : actuelement il compte en tout dix-huit publication et a réalisé en 2001 un chiffre d’affaires de 282 millions d’euros.

Vers la constitution de deux grands "pôles" opposés?

Le Monde poursuit par ailleurs une autre stratégie, visant l’hebdomadaire de Claude Perdriel, le Nouvel Observateur, et travaille actuellement à un échange de participations avec ce groupe. Ce qui inquiète la plupart des journalistes du premier «news magazine» de France. Il en a été de même des membres de la rédaction de L’Express, qui ont constamment fait savoir qu’ils ne souhaitaient pas tomber entre les mains du quotidien Le Monde. Finalement ils ont accepté la cession de l’hebdo à la Socpresse, et donc à l’avionneur Dassault, après avoir obtenu du nouvel actionnaire la promesse de la mise en place d’une «Charte sur l’identité et l’indépendance de l’Express». Une démarche du même type a été effectuée par la rédaction des hebdomadaires de PVC vis-à-vis du Monde.

Le Figaro - classé au centre-droit - fait désormais figure de navire amiral d’un groupe comprenant, outre ses propres magazines (dont Figaro magazine et Figaro Madame), ceux qui appartenaient autrefois à Vivendi universal : L’Express, L’Expansion, L’Etudiant et les publications gratuites de la Comareg. Un groupe qui en 2001 a réalisé un chiffre d’affaires de 250 millions d’euros. L’Express, le plus prestigieux des hebdomadaires français, a été créé en 1953 par Jean-Jacques Servan-Schreiber et Françoise Giroud, et de cette rédaction sont issus les deux créateurs du Nouvel Observateur et du Point.

En ce qui concerne la presse régionale, la Socpresse continue de détenir d‘importants groupes de presse tels que Le Progrès et Le Dauphiné Libéré, tandis que Le Monde a commencé lui aussi à bâtir ces dernières années son propre réseau régional, en entrant dans le capital de quelques quotidiens (dont Midi Libre).

Ainsi, peu à peu, semble se constituer en France deux pôles de presse écrite, en concurrence ouverte sur le plan médiatique comme politique : autour du Figaro et de L’Express, un grand groupe de centre-droit plutôt proche de la majorité actuelle, et de l’autre côté un ensemble de centre-gauche proche de l’opposition comprenant, outre le groupe du Monde, le Nouvel Observateur et le groupe PVC. Sans oublier un troisième groupe important, autour du groupe Hachette-Filipacchi, qui comprend notamment l’hebdomadaire à grand tirage Paris-Match.

Le bouleversement en cours dans les médias français n’est sans doute pas terminé. L’importante chute des recettes publicitaire, notamment à partir des attentats du 11 septembre 2001, impose des révisions parfois dramatiques, et menace l’existence même de certains médias. Mais ce n’est sans doute pas la seule raison de la crise actuelle. Voir à ce propos les vicissitudes sans fin d’un quotidien aussi prestigieux - autrefois ! - que France Soir, dont on annonce régulièrement la disparition. Et le rôle plutôt marginal et modeste que continue de jouer Libération, dont la propriété n’a cessé de fluctuer ces dernières années.



par Elio  Comarin

Article publié le 04/09/2002 Dernière mise à jour le 03/09/2002 à 22:00 TU