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Que reste-t-il des revues africanistes ?

Politique africaine, vient de fêter son vingtième anniversaire, au moment où disparaît Afrique contemporaine, autre pilier des publications universitaires françaises consacrées à cette partie du monde. Que reste-t-il des revues africanistes à l’heure de la «banalisation» du continent noir ? Etat des lieux.
Le 24 janvier dernier, l’équipe de Politique africaine était réunie à Paris pour célébrer deux décennies de parution, vingt et un an plus exactement. Son principal initiateur, Jean-François Bayart, ancien directeur du Centre d’étude et de recherche internationale (CERI), de même que l’équipe actuelle animée par Richard Banegas et Roland Marchal, avaient tenu à marquer l’événement. En quelques années, cette revue trimestrielle est effectivement devenue incontournable en matière de recherche sur les évolutions politiques du continent africain, tout en parvenant à attirer un public dépassant les seuls chercheurs africanistes.

Née d’une volonté de rompre avec une vision de l’Afrique qualifiée à l’époque de néo-coloniale, elle a aujourd’hui pris sa vitesse de croisière, en affinant le postulat initial de ses fondateurs consistant à offrir autre chose qu’une analyse de la politique par le haut. Au fil des numéros, la revue s’est, au fond, adaptée à l’évolution d’un continent où l’Etat a perdu son rôle central. La dernière livraison, consacrée à la République démocratique du Congo (RDC), exemple extrême de cette déliquescence de l’Etat post-colonial, s’intéresse d’ailleurs à la manière dont la population a vécu les bouleversements intervenus dans ce pays depuis la chute de Mobutu Sese Seko, en mai 1997.

La mort annoncée d’Afrique contemporaine

Avec quelques 700 abonnés, et malgré des ventes stables, l’équipe de Politique africaine a parfois du mal à joindre les deux bouts, admet Richard Banegas. Mais à ses yeux, la revue, qui n’a jamais roulé sur l’or, a encore de beaux jours devant elle. Son optimisme tranche néanmoins avec la tendance générale, en France. «L’Afrique n’est plus prioritaire dans l’agenda diplomatique. On a tendance même à remettre en cause l’idée d’études africanistes, au nom de la globalisation», reconnaît le rédacteur en chef de Politique africaine. Afrique contemporaine, publiée par la Documentation française en a fait les frais. Victime directe du désengagement de la France dans son ancien «pré-carré», cet autre pilier des revues africanistes va cesser ses activités au profit d’une publication internationale.

La recherche africaniste serait-elle en train de perdre ses rares espaces d’expression ? La question s’impose avec la disparition d’Afrique contemporaine. En fait, d’autres publications continuent à paraître, souvent prestigieuses, bien que moins accessibles pour un public non spécialisé. Les Cahiers d’études africaines, revue d’anthropologie et d’histoire publiée par l’Ecole des hautes études en Sciences sociales (EHESS), propose chaque trimestre un épais dossier thématique. Le dernier numéro paru est ainsi entièrement consacré aux langues africaines et à leur évolution. De son côté, la vénérable Société des africanistes du Musée de l’homme, à Paris, publie depuis 70 ans son Journal des africanistes, (qui s’appelait au départ Journal de la société des africanistes), dont la très riche édition 2000 était consacrée à l’esclavage.

Plusieurs revues tentent aussi de faire entendre leur voix au sud du Sahara, malgré le manque chronique de moyens des universités. A Dakar, le Conseil pour le développement de la recherche en sciences sociales en Afrique (CODESRIA), un institut de recherche panafricain, offre une tribune aux universitaires de cette partie du monde à travers trois périodiques (la Revue africaine de sociologie, Afrique Azamani et Identité et Culture).

Dans le reste de la zone francophone, les publications régulières sont rares, mais elles existent. Ainsi au Cameroun, la revue Polis (http://www.cean.u-bordeaux.fr/polis ), qui a trouvé avec l’Internet un moyen d’obtenir une meilleure diffusion, réunit régulièrement d’intéressants travaux de science politique. A noter également, la parution à Yaoundé, depuis bientôt deux ans, d’Enjeux. Ce nouveau bulletin d’analyses géopolitiques pour l’Afrique centrale, qu’on doit à la Fondation Paul Ango Ela, propose chaque trimestre un dossier sur des thèmes tels que la sécurité intérieure, l’environnement ou les transports.

-Politique africaine, éditions Khartala 22-24 bd Arago, 75013 Paris, France
(http://www.cean.u-bordeaux.fr/pubcean/polaf.html )
-Cahiers d’Etudes Africaines, EHESS, 54 Bd Raspail 75006 Paris, France (http://www.ehess.fr/centres/ceaf/pages/publications.html )
-Société des africanistes, Musée de l’homme 7116 Paris (http://www.multimania.com/africanistes/ )
-CODESRIA, BP 3304. Dakar. Sénégal, E-mail: codesria@sonatel.senet.net
-Polis, G.R.A.P.S (Groupe de Recherches Administratives, Politiques et Sociales), B.P. 7759 Yaoundé-Cameroun.
-Enjeux, Fondation Paul Ango Ela pour la promotion de la géopolitique en Afrique Centrale, BP 164, Yaoundé, Cameroun. E-mail : fpae@gcnet.cm



par Christophe  Champin

Article publié le 11/02/2002