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Médias

Réquisitoire contre <i>Le Monde</i>

Annoncé depuis six mois, le livre-enquête de Pierre Péan et de Philippe Cohen sur le quotidien Le Monde sortira en librairie le 26 février prochain. Les bonnes feuilles de cet ouvrage de plus de 600 pages et intitulé La face cachée du Monde édité aux éditions Mille et Une nuits, ont été publiées dans l'hebdomadaire L'Express, le 19 février. Ce livre, véritable événement dans le monde de la presse, revient sur les méthodes employées par le quotidien mais également sur le comportement de ses dirigeants : Jean-Marie Colombani, Alain Minc et Edwy Plenel.
Très souvent qualifié de journal de référence et considéré comme un modèle de rigueur intellectuelle, Le Monde, tiré à plus de 500 000 exemplaires, a pourtant fait l’objet d’une enquête poussée menée séparément pendant de long mois par deux journalistes: Pierre Péan et Philippe Cohen, qui ont finalement fusionné leur projet. Et le résultat, selon les auteurs, est édifiant: «Le Monde présente tous les traits de l’imposture, même s’il s’agit d’une imposture moderne», écrivent-ils avant d’ajouter: «Le nouveau Monde n’a plus de filiation morale, politique et culturelle avec le journal d’Hubert Beuve-Méry», sa direction - Jean-Marie Colombani, Alain Minc et Edwy Plenel, étant coupable de «trahison» qui se résume à «dénonciation à sens unique», «cynisme», «abus de pouvoir», «autocratie». Clairement les deux auteurs mettent en cause les méthodes d’investigation du journal.

Ils affirment, d’autre part, que leur «prise de conscience» remonte à 1995, date à laquelle le quotidien a fait discrètement campagne pour Edouard Balladur à la présidentielle, un engagement difficilement compréhensible pour de «vieux lecteurs du Monde». A ce propos, interrogé par l’AFP, Philippe Cohen déclare: «On a affaire à un pouvoir particulier, nouveau, à l’intérieur de ce pouvoir médiatique, Le Monde a une position centrale, étant une sorte d’hypermédia». «Je lis Le Monde depuis l’âge de 14 ans (…) Je suis venu à la politique en lisant ce journal. Or, j’ai le sentiment que depuis 8-9 ans, ce journal, on me l’a volé. Le grand signal a été la campagne présidentielle de 1995, son engagement pour Edouard Balladur», explique-t-il. Parallèlement, la «sobre hiérarchie des événements du jour» aurait fait place à «l’info-spectacle» et au «racolage».

Le Monde annonce qu’il réagira le 26 février

Philippe Cohen et Pierre Péan révèlent également dans leur ouvrage la «relation privilégiée» d’Edwy Plenel - alors en charge de la rubrique police - avec un syndicaliste policier devenu très influent après 1981 à qui il prodiguait officieusement des conseils avisés. Sont aussi mises en cause la déontologie contestable de Jean-Marie Colombani notamment dans ses relations avec le fisc, la mauvaise santé financière du quotidien…etc.

Dans son éditorial Denis Jeambar, directeur de L’Express, écrit que cet ouvrage est un livre-événement sur un journal devenu une «institution au dessus-de tout soupçon» et qui «depuis quelques années distribue au nom de sa morale, bonnes et mauvaises notes». Des piques qui ne sont pas anodines lorsque l’on sait que les deux directeurs, Jean-Marie Colombani et Denis Jeambar ne s’apprécient guère. Un ressentiment qui remonterait à 1997 quand L’Express a repoussé l’offre de rachat par Le Monde. Aujourd’hui, l’hebdomadaire appartient à la Socpresse - qui détient notamment Le Figaro -, puissant rival du Monde.

Au Monde, la direction a refusé de réagir et de commenter les bonnes feuilles parues dans L’Express. Toutefois, le secrétariat d’Edwy Plenel, directeur de la rédaction, a indiqué que ce dernier attendait «d’avoir le livre avant de réagir, et que le lectorat du Monde aurait la primeur de sa réaction». Dans le Landernau politique, le silence était aussi de rigueur.



par Clarisse  Vernhes

Article publié le 21/02/2003