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Médias

Journalistes de Radio France toujours en grève

De source syndicale, les journalistes de Radio France n’ont jamais été aussi mobilisés depuis 10 ans. Les journalistes dénoncent d’une part une érosion lente de leurs salaires, et une disparité des rémunérations avec France Télévisions. Au-delà de cette érosion, ils craignent un démantèlement du service public.
La grève entamée le 27 janvier dernier par les journalistes de Radio France (qui comprend France Inter, France Info, France Bleue, France Culture, France Musique, Le Mouv’ et Fip) est toujours bien suivie selon les porte-parole de l’intersyndicale qui affirment «détermination et sérénité pour continuer le mouvement». Vendredi 6 février «les directeurs de chaînes et de stations ont reçu des consignes très strictes de la Présidence de Radio France sur tous les journalistes en grève, afin de les remettre au travail lundi». Or, on avançait à l’assemblée générale du lundi 9 février 95% de la rédaction de France Info en grève –69,57 selon la direction-, 75% de celle de France Inter –51,47 selon la direction-, 100% concernerait Le Mouv’ –83,33 selon la direction- 65% pour France Culture et France Musique, 70 à 100% dans les locales de Radio France.

Les journalistes multiplient leur rencontres avec leur auditoire, autour d’une «table ouverte» à la maison de la radio pour les auditeurs parisiens, et sur les marchés en province pour les auditeurs des radios locales. Le mouvement est accompagné d’une pétition de soutien de «la France d’en bas», selon une expression empruntée au Premier ministre, et de signataires connus du grand public.

A l’origine du conflit, un mouvement de colère lié au gel des salaires: «Le point d’indice qui sert à leur calcul est bloqué depuis huit ans , et le sera pour toujours. Les promotions sont mangées par l’inflation. Le système salarial de Radio France, c’est Venise dans sa lagune. Il s’enfonce», et Hubert Huertas de dénoncer une «cacophonie» liée à une partie de ping-pong entre le PDG de Radio France et le ministre de tutelle Jean-Jacques Aillagon pour «combler les disparités salariales entre les journalistes de Radio France et ceux de France télévisions. Notre PDG, Jean-Marie Cavada, était d’accord avec nous. Le rendez-vous de fin janvier, c’était le sien. Il se trouve que le gouvernement, inflexible sur le point d’indice, l’est aussi sur les disparités, qu’il nous renvoie à Cavada, qui nous renvoie à Aillagon. L’un nous crie c’est pas moi, et l’autre c’est pas nous».

Parallèlement aux campagnes d’information, les journalistes cherchent des outils pour régler un différend qu’ils estiment donc s’embourber «dans une partie de poker menteur» selon les termes d’Hubert Huertas. L’intersyndicale a contacté un avocat et a entrepris une assignation en justice pour non respect des engagements pris, discrimination selon eux inacceptable touchant les travailleurs rattachés à une même convention. Elle annonce par ailleurs, sans vouloir donner de précisions, des «actions tout aussi exceptionnelles et spectaculaires pour la semaine prochaine».

«Qui veut gâcher des millions ?»
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«Nous sommes prêts à étudier tous les outils pour sortir de cette situation bloquée, ou qui à l’air de l’être mais qui ne l’est pas vraiment», déclarait les porte-parole de l’intersyndicale. «La pression s’exerce sur Jean-Marie Cavada dans le cadre du budget 2004. Existe-t-il une marge de manœuvre, alors qu’on nous dit ici que c’est borduré ?». Le personnel de Radio France semble insatisfait de la gestion du navire: les tracts de l’intersyndicale titrent dans les couloirs de la maison de la radio: «De la marche du siècle à Qui veut gâcher des millions ?».

Après une assemblée générale en fin de matinée, les grévistes se sont rendus dans un bâtiment proche de la maison de la radio, loué par Radio France en vue d’un futur déménagement, bâtiment toujours vacant depuis le 1er août 2003. Le choix du lieu proposé pour la conférence de presse était symbolique: l’intersyndicale tenait à souligner «les gaspillages budgétaires de la direction», en divulguant le coût annuel d’une location s’élevant à 3 540 348 euros, «de quoi, sur huit mois, augmenter de 150 euros par mois le salaire des seuls journalistes et sur huit mois celui de tous les salariés de Radio France», précisait encore Hubert Huertas.

Si la situation est encore bloquée, elle ne l’est pas définitivement. Les politiques sont interpellés: le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, à Bayonne, et le Premier secrétaire du parti socialiste François Hollande ce lundi. Par ailleurs le porte-parole du gouvernement, Jean-François Copé, a précisé que les «revendications des journalistes devaient être entendues». La direction de Radio France, quant à elle, a fait savoir «qu’elle aurait peut-être des choses à dire ce jour» mais aucun rendez-vous n’a été fixé. Les journalistes envisagent une manifestation mercredi 11 février.



par Dominique  Raizon

Article publié le 09/02/2004