Médias
Journalistes de Radio France, silence micro
En 1994, après 17 jours de grève, le gouvernement de l’époque et Radio France signaient le «Plan Servat» prévoyant un rééquilibre progressif des disparités de salaire au sein de l’audiovisuel public. «Engagement non respecté» selon les syndicats; depuis le 27 janvier les journalistes des différentes antennes de Radio France sont en grève.
Dans la lettre adressée aux parlementaires, l’intersyndicale de Radio France soulignait que les journalistes «ne réclamaient pas la lune mais une négociation. Ils n’exigeaient pas une augmentation mais la fin d’une érosion». «Si vous ne nous entendez plus, ce n’est pas pour gagner quelques dizaines d’euros supplémentaires, déclarait ce lundi la Société des Journalistes de Radio France (SDJ), mais aussi pour défendre un service public menacé».
L’historique du conflit remonte à la grève de 1994 qui dénonçait une différence de traitement des différentes sociétés rattachées à une même convention collective. Depuis 1974 en effet, «toutes les entreprises de l’audiovisuel public dépendent d’une même convention collective. Dans ce cadre, nos salaires sont censés être les mêmes, ce qui n’a jamais été le cas» souligne la SDJ. Après 17 jours de grève en 1994, le «Plan Servat» prévoyait que chaque année ces disparités entre les grilles de salaire devaient être réexaminées : «ce n’est plus le cas depuis 4 ans et selon notre direction, le gouvernement ne veut plus entendre parler de comparaison entre nos salaires et ceux de France Télévision. Cette attitude qui enterre de facto le Plan Servat brise le lien qui nous unissait.»
A fonction et ancienneté égales, «nos salaires sont inférieurs de 15 à 20% à ceux de nos confrères de France 3» déclare Claude Cordier, du SNJ. Les syndicats disent avoir obtenu en octobre dernier un engagement du PDG de Radio France, Jean-Marie Cavada, d’«ouvrir des négociations sur les disparités salariales entre la Maison de la radio et France Télévisions avant la fin janvier, (qui) devaient s’achever fin mars». Mais, la direction du développement des médias (qui dépend de Matignon et du ministère de la culture et de la communication) a annoncé «le principe même de ce débat n’a pas lieu d’être ». La direction de Radio France a donc indiqué que ces discussions ne relevaient pas de sa responsabilité et François Desnoyers, directeur général délégué à la stratégie et au développement, d’expliquer: «Radio France a pour bras armé son actionnaire, l’Etat, qui le finance à 95%. Etant donné son refus, le PDG na pas mandat pour ouvrir une négociation sur les disparités de salaires ; il ne peut agir en dehors de sa tutelle.». Il s’agit là d’une impasse qui inquiète l’intersyndicale s’adressant au premier ministre Jean-Pierre Raffarin: «cela signifie en clair que France Télévisions et Radio France seraient de fait des sociétés devenues étrangères l’une à l’autre et qu’il n’existerait plus de service public de l’audiovisuel».
En effet, à la demande des journalistes en grève estimant qu’il fallait «des moyens exceptionnels pour répondre à une situation exceptionnelle», et demandant à Jean-Jacques Aillagon, autorité de tutelle, la désignation d’un médiateur, la réponse a été catégorique: «pas de médiateur». Jean-Jacques Aillagon a précisé à Jean-Marie Cavada qu’il était, avec ses collaborateurs, «le seul interlocuteur possible dans cette affaire», et que «l’Etat ne saurait approuver le principe d’une discussion salariale fondée sur le principe de comparaisons avec d’autres sociétés (…) fussent-elles publiques et soumises à la même convention collective ».
La mobilisation des journalistes reste forte et stable
Aujourd’hui le carnet de bord en ligne de la grève des journalistes de Radio France, tenu par l’intersyndicale (SNJ, SJA-FO, SNJ-CGT, CFDT, CFTC, CGC), inscrit 90% de grévistes, et indique une participation de 100% des rédactions des radios locales.
Les journalistes déplorent «une situation inédite et inquiétante, qui dépasse de beaucoup la question salariale» (…) «c’est un ballon d’essai du gouvernement pour dissocier radios et télés publiques» estime Anne-Laure Dagnet, de FO, qui évoque un «deuxième éclatement de l’ORTF». Le syndicat CGT apporte son soutien aux journalistes dans un communiqué publié aujourd’hui lundi, estimant que l’exigence des grévistes «pose le problème de l’unité du service public (…) l’éclatement du service public, même par le biais des salaires, serait lourd de menaces pour son avenir» ; la CGT considère que le ministre de la culture et de la communication «serait bien inspiré en répondant aux interrogations de l’intersyndicale des journalistes et à ses revendications». De son côté, Christophe Girard, élu municipal Vert, adjoint au Maire de Paris chargé de la culture, estime que le refus du gouvernement de nommer un médiateur dans ce conflit «est l’indication d’une politique particulièrement ambiguë».
Dans leur lettre adressée aux auditeurs, les journalistes de la SDJ s’expriment «A terme, nous craignons qu’il y ait deux pôles : la télévision publique d’un côté, la radio publique de l’autre. La seconde devenant le parent pauvre, n’ayant plus les moyens de fournir des programmes de qualité, non soumis à des impératifs publicitaires. (…) nous voici donc à la croisée des chemins. Si nous acceptons ce diktat, nous, journalistes de Radio France, qui avons choisi l’audiovisuel public pour son éthique, nous acceptons la fin d’une époque. Croyez bien que nous sommes désolés de vous imposer ce silence».
Selon l’intersyndicale, soit «l’Etat se place dans l’illégalité en refusant d’appliquer la convention collective» commune à l’ensemble de l’audiovisuel public, soit la tutelle prend des décisions qui vont à l’encontre du cadre juridique de Radio France «mais l’Etat ne peut pas déchirer le droit antérieur sans le remplacer par un nouveau droit».
En déclarant en effet qu’«il n’y a plus d’audiovisuel public mais des sociétés séparées, cela revient à nier la Convention collective qui régit nos métiers» soulignait l’intersyndicale dans la lettre adressée aux parlementaires. «Aujourd’hui sa tutelle nous place de fait dans une zone de non-droit» a écrit Jean-Marc Four, envoyé spécial permanent à Londres de France Inter, à ses collègues.
L’historique du conflit remonte à la grève de 1994 qui dénonçait une différence de traitement des différentes sociétés rattachées à une même convention collective. Depuis 1974 en effet, «toutes les entreprises de l’audiovisuel public dépendent d’une même convention collective. Dans ce cadre, nos salaires sont censés être les mêmes, ce qui n’a jamais été le cas» souligne la SDJ. Après 17 jours de grève en 1994, le «Plan Servat» prévoyait que chaque année ces disparités entre les grilles de salaire devaient être réexaminées : «ce n’est plus le cas depuis 4 ans et selon notre direction, le gouvernement ne veut plus entendre parler de comparaison entre nos salaires et ceux de France Télévision. Cette attitude qui enterre de facto le Plan Servat brise le lien qui nous unissait.»
A fonction et ancienneté égales, «nos salaires sont inférieurs de 15 à 20% à ceux de nos confrères de France 3» déclare Claude Cordier, du SNJ. Les syndicats disent avoir obtenu en octobre dernier un engagement du PDG de Radio France, Jean-Marie Cavada, d’«ouvrir des négociations sur les disparités salariales entre la Maison de la radio et France Télévisions avant la fin janvier, (qui) devaient s’achever fin mars». Mais, la direction du développement des médias (qui dépend de Matignon et du ministère de la culture et de la communication) a annoncé «le principe même de ce débat n’a pas lieu d’être ». La direction de Radio France a donc indiqué que ces discussions ne relevaient pas de sa responsabilité et François Desnoyers, directeur général délégué à la stratégie et au développement, d’expliquer: «Radio France a pour bras armé son actionnaire, l’Etat, qui le finance à 95%. Etant donné son refus, le PDG na pas mandat pour ouvrir une négociation sur les disparités de salaires ; il ne peut agir en dehors de sa tutelle.». Il s’agit là d’une impasse qui inquiète l’intersyndicale s’adressant au premier ministre Jean-Pierre Raffarin: «cela signifie en clair que France Télévisions et Radio France seraient de fait des sociétés devenues étrangères l’une à l’autre et qu’il n’existerait plus de service public de l’audiovisuel».
En effet, à la demande des journalistes en grève estimant qu’il fallait «des moyens exceptionnels pour répondre à une situation exceptionnelle», et demandant à Jean-Jacques Aillagon, autorité de tutelle, la désignation d’un médiateur, la réponse a été catégorique: «pas de médiateur». Jean-Jacques Aillagon a précisé à Jean-Marie Cavada qu’il était, avec ses collaborateurs, «le seul interlocuteur possible dans cette affaire», et que «l’Etat ne saurait approuver le principe d’une discussion salariale fondée sur le principe de comparaisons avec d’autres sociétés (…) fussent-elles publiques et soumises à la même convention collective ».
La mobilisation des journalistes reste forte et stable
Aujourd’hui le carnet de bord en ligne de la grève des journalistes de Radio France, tenu par l’intersyndicale (SNJ, SJA-FO, SNJ-CGT, CFDT, CFTC, CGC), inscrit 90% de grévistes, et indique une participation de 100% des rédactions des radios locales.
Les journalistes déplorent «une situation inédite et inquiétante, qui dépasse de beaucoup la question salariale» (…) «c’est un ballon d’essai du gouvernement pour dissocier radios et télés publiques» estime Anne-Laure Dagnet, de FO, qui évoque un «deuxième éclatement de l’ORTF». Le syndicat CGT apporte son soutien aux journalistes dans un communiqué publié aujourd’hui lundi, estimant que l’exigence des grévistes «pose le problème de l’unité du service public (…) l’éclatement du service public, même par le biais des salaires, serait lourd de menaces pour son avenir» ; la CGT considère que le ministre de la culture et de la communication «serait bien inspiré en répondant aux interrogations de l’intersyndicale des journalistes et à ses revendications». De son côté, Christophe Girard, élu municipal Vert, adjoint au Maire de Paris chargé de la culture, estime que le refus du gouvernement de nommer un médiateur dans ce conflit «est l’indication d’une politique particulièrement ambiguë».
Dans leur lettre adressée aux auditeurs, les journalistes de la SDJ s’expriment «A terme, nous craignons qu’il y ait deux pôles : la télévision publique d’un côté, la radio publique de l’autre. La seconde devenant le parent pauvre, n’ayant plus les moyens de fournir des programmes de qualité, non soumis à des impératifs publicitaires. (…) nous voici donc à la croisée des chemins. Si nous acceptons ce diktat, nous, journalistes de Radio France, qui avons choisi l’audiovisuel public pour son éthique, nous acceptons la fin d’une époque. Croyez bien que nous sommes désolés de vous imposer ce silence».
Selon l’intersyndicale, soit «l’Etat se place dans l’illégalité en refusant d’appliquer la convention collective» commune à l’ensemble de l’audiovisuel public, soit la tutelle prend des décisions qui vont à l’encontre du cadre juridique de Radio France «mais l’Etat ne peut pas déchirer le droit antérieur sans le remplacer par un nouveau droit».
En déclarant en effet qu’«il n’y a plus d’audiovisuel public mais des sociétés séparées, cela revient à nier la Convention collective qui régit nos métiers» soulignait l’intersyndicale dans la lettre adressée aux parlementaires. «Aujourd’hui sa tutelle nous place de fait dans une zone de non-droit» a écrit Jean-Marc Four, envoyé spécial permanent à Londres de France Inter, à ses collègues.
par Dominique Raizon
Article publié le 02/02/2004