Médias
L’autre guerre : celle des images
L'autre visage de la guerre, celui des images montrant notamment des cadavres décapités, des personnes blessées, ensanglantées, a pris le relais, il y a quelques jours, des images purement militaires. Contrairement à la précédente guerre du Golfe en 1991, des télévisions arabes, au premier rang desquelles la chaîne du Qatar Al-Jazira, couvrent la guerre en continu, donnant ainsi un point de vue différent de celui des médias américains ou britanniques.
La propagande médiatique des forces alliées américano-britanniques et irakiennes a commencé. Va-t-elle dégénérer ? Les opinions publiques vont-elles être manipulées et dans quels buts ? Telles sont les questions récurrentes qui apparaissent après les premières heures d’un conflit. En France, les chaînes de télévision ont, semble-t-il, la hantise, comme les autres chaînes mondiales d’ailleurs, de ne pas renouveler les erreurs des précédentes couvertures des guerres. Comment vont-elles s’y prendre pour éviter les écueils passés ? Pour Amaury de Rochegonde, chef de la rubrique médias au magazine Stratégies, «les télévisions françaises qui avaient pris pour argent comptant les informations fournies par les officiels américains, lors de la guerre du Golfe de 1991, vont être aujourd’hui vérifiées sur le terrain». «D’autre part, les images de bombardements nocturnes qui ne montraient pas la réalité de la guerre du précédent conflit en Irak vont être confrontées à des débats, des analyses», ajoute-t-il. Jean-Marie Charon, chercheur au CNRS et spécialiste des médias a une analyse identique : «le recours aux experts est une caution évidente». La prudence est donc de mise et la vérification des informations légion.
Dans la chasse effrénée aux scoops, tous les médias essaient de relayer au plus vite des informations et des images. Ainsi, Al-Jazira, la chaîne de télévision du Qatar, a été l’une des premières à diffuser des images montrant au moins cinq militaires présentés comme des Américains tués dans la région de Nassiriya, dans le sud de l’Irak, ainsi que celles de quatre hommes et d’une femme afro-américaine, présentés comme des prisonniers. La polémique n’a pas tardé à enfler et la question de la diffusion mais aussi du floutage - technique utilisée à la télévision pour rendre flou certaines images que l’on ne veut pas totalement dévoilées - de certaines scènes insoutenables est vite reparu. «Le débat est assez classique» rappelle Jean-Marie Charon, avant d’ajouter : «Les journalistes doivent se poser le problème s’il est pertinent ou non pour le sens de l’information de ne pas respecter certaines règles internationales et notamment la Convention de Genève». «Ce qui m’étonne, c’est que cette question de flouter les prisonniers de guerre apparaît seulement aujourd’hui», s’insurge Amaury de Rochegonde.
Internet également dans la course à linformation
A ce propos, en France, le conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a appelé les chaînes de télévisions à ne pas diffuser ces images de prisonniers permettant leur identification. Cette décision est «une volonté de ne prendre aucun risque», déclare Amaury de Rochegonde et d’ajouter : «Il ne faut pas oublier que le rôle du CSA, c’est de se prémunir de toute atteinte de la dignité de la personne humaine». «La position du CSA est conforme à son rôle» renchérit Jean-Marie Charon et «cette position n’aura pas de répercussions graves sur le traitement de l’information».
Aujourd’hui, il est indéniable que l’opinion internationale joue un rôle très important dans l’évolution de la crise et le besoin de mobiliser les énergies paraît évident. Ainsi les propagandes médiatiques américaine et irakienne battent leur plein et les buts recherchés de part et d’autre se rejoignent, affirme Jean-Marie Charon : «Dans tout conflit, tout combattant a besoin d’atteindre l’adversaire y compris par des techniques d’information voire de désinformation». Amaury de Rochegonde a une vision légèrement différente et, selon lui, les Etats-Unis et l’Irak n’ont pas les mêmes buts. «Pour l’Irak, il s’agit de montrer que l’armée irakienne est au combat, que la population résiste, que la situation dans le pays est quasi-normale, en montrant par exemple Bagdad éclairée. Pour les Etats-Unis, la technique de propagande est un peu plus complexe. Ils veulent avant tout encadrer et contrôler la diffusion des images en intégrant les journalistes dans les unités combattantes pour gagner des points dans l’opinion publique mondiale».
Economiquement, ce conflit va coûter très cher aux pays engagés et les médias n’échapperont pas à cette règle. Les programmations ont été bouleversées et de gros moyens déployés. La couverture de cette guerre va inévitablement peser lourdement sur les finances des grands groupes médiatiques mondiaux. «Il y a un besoin de donner une ampleur très grande à la couverture de ce conflit. C’est dans ces moments là que l’on crée ou que l’on renforce la légitimité d’un grand média, comme pour CNN en 1991», explique Jean-Marie Charon, avant d’ajouter : «ce qui coûte très cher pour les télévisions, ce sont les locations des faisceaux satellites pour pouvoir diffuser en continu et bien évidemment toutes les équipes présentes sur les lieux du conflit». «De même que pour le gouvernement américain, tous les médias du monde vont devoir prévoir des rallonges budgétaires car la guerre va être plus longue qu’initialement prévue», annonce Amaury de Rochegonde. D’autre part, la baisse des recettes publicitaires est déjà perceptible, car aucun annonceur ne souhaite que les téléspectateurs associent leur produit ou leur marque à un conflit. Un état de fait qui n’est pas pour renflouer les finances de ces organes de presse.
Depuis quelques années, les plans médias des forces en présence ont pris une importance considérable et sont aussi cruciaux que les tactiques militaires elles-mêmes. «Ce qui est certain, c’est que la communication et la propagande font intégralement partie du dispositif militaire», affirme Amaury de Rochegonde. Même analyse du côté de Jean-Marie Charon : «Il n’y a pas moyen pour un état-major qui s’engage dans une action aussi déterminante que celle qui se passe dans le Golfe de ne pas penser sa stratégie militaire sans penser à sa stratégie de communication».
A tous ceux que les images spectaculaires de combats diffusées en boucle et en direct sur les écrans de télévision ne rassasiaient pas, Internet offre également un flot interrompu de prises de vues en temps réel des opérations militaires. Ce nouveau support est-il aussi un moyen de propagande ? Et dans quelle mesure ? «Ce support est d’autant plus un moyen de propagande qu’il est très souple d’utilisation», affirme Jean-Marie Charon. «Internet est un support très fort dès qu’il s’agit de mettre au jour des vérités cachées (…) La toile peut avoir un rôle de contre-pouvoir avec tous les débordements que cela peut entraîner», précise Amaury de Rochegonde.
Dans la chasse effrénée aux scoops, tous les médias essaient de relayer au plus vite des informations et des images. Ainsi, Al-Jazira, la chaîne de télévision du Qatar, a été l’une des premières à diffuser des images montrant au moins cinq militaires présentés comme des Américains tués dans la région de Nassiriya, dans le sud de l’Irak, ainsi que celles de quatre hommes et d’une femme afro-américaine, présentés comme des prisonniers. La polémique n’a pas tardé à enfler et la question de la diffusion mais aussi du floutage - technique utilisée à la télévision pour rendre flou certaines images que l’on ne veut pas totalement dévoilées - de certaines scènes insoutenables est vite reparu. «Le débat est assez classique» rappelle Jean-Marie Charon, avant d’ajouter : «Les journalistes doivent se poser le problème s’il est pertinent ou non pour le sens de l’information de ne pas respecter certaines règles internationales et notamment la Convention de Genève». «Ce qui m’étonne, c’est que cette question de flouter les prisonniers de guerre apparaît seulement aujourd’hui», s’insurge Amaury de Rochegonde.
Internet également dans la course à linformation
A ce propos, en France, le conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a appelé les chaînes de télévisions à ne pas diffuser ces images de prisonniers permettant leur identification. Cette décision est «une volonté de ne prendre aucun risque», déclare Amaury de Rochegonde et d’ajouter : «Il ne faut pas oublier que le rôle du CSA, c’est de se prémunir de toute atteinte de la dignité de la personne humaine». «La position du CSA est conforme à son rôle» renchérit Jean-Marie Charon et «cette position n’aura pas de répercussions graves sur le traitement de l’information».
Aujourd’hui, il est indéniable que l’opinion internationale joue un rôle très important dans l’évolution de la crise et le besoin de mobiliser les énergies paraît évident. Ainsi les propagandes médiatiques américaine et irakienne battent leur plein et les buts recherchés de part et d’autre se rejoignent, affirme Jean-Marie Charon : «Dans tout conflit, tout combattant a besoin d’atteindre l’adversaire y compris par des techniques d’information voire de désinformation». Amaury de Rochegonde a une vision légèrement différente et, selon lui, les Etats-Unis et l’Irak n’ont pas les mêmes buts. «Pour l’Irak, il s’agit de montrer que l’armée irakienne est au combat, que la population résiste, que la situation dans le pays est quasi-normale, en montrant par exemple Bagdad éclairée. Pour les Etats-Unis, la technique de propagande est un peu plus complexe. Ils veulent avant tout encadrer et contrôler la diffusion des images en intégrant les journalistes dans les unités combattantes pour gagner des points dans l’opinion publique mondiale».
Economiquement, ce conflit va coûter très cher aux pays engagés et les médias n’échapperont pas à cette règle. Les programmations ont été bouleversées et de gros moyens déployés. La couverture de cette guerre va inévitablement peser lourdement sur les finances des grands groupes médiatiques mondiaux. «Il y a un besoin de donner une ampleur très grande à la couverture de ce conflit. C’est dans ces moments là que l’on crée ou que l’on renforce la légitimité d’un grand média, comme pour CNN en 1991», explique Jean-Marie Charon, avant d’ajouter : «ce qui coûte très cher pour les télévisions, ce sont les locations des faisceaux satellites pour pouvoir diffuser en continu et bien évidemment toutes les équipes présentes sur les lieux du conflit». «De même que pour le gouvernement américain, tous les médias du monde vont devoir prévoir des rallonges budgétaires car la guerre va être plus longue qu’initialement prévue», annonce Amaury de Rochegonde. D’autre part, la baisse des recettes publicitaires est déjà perceptible, car aucun annonceur ne souhaite que les téléspectateurs associent leur produit ou leur marque à un conflit. Un état de fait qui n’est pas pour renflouer les finances de ces organes de presse.
Depuis quelques années, les plans médias des forces en présence ont pris une importance considérable et sont aussi cruciaux que les tactiques militaires elles-mêmes. «Ce qui est certain, c’est que la communication et la propagande font intégralement partie du dispositif militaire», affirme Amaury de Rochegonde. Même analyse du côté de Jean-Marie Charon : «Il n’y a pas moyen pour un état-major qui s’engage dans une action aussi déterminante que celle qui se passe dans le Golfe de ne pas penser sa stratégie militaire sans penser à sa stratégie de communication».
A tous ceux que les images spectaculaires de combats diffusées en boucle et en direct sur les écrans de télévision ne rassasiaient pas, Internet offre également un flot interrompu de prises de vues en temps réel des opérations militaires. Ce nouveau support est-il aussi un moyen de propagande ? Et dans quelle mesure ? «Ce support est d’autant plus un moyen de propagande qu’il est très souple d’utilisation», affirme Jean-Marie Charon. «Internet est un support très fort dès qu’il s’agit de mettre au jour des vérités cachées (…) La toile peut avoir un rôle de contre-pouvoir avec tous les débordements que cela peut entraîner», précise Amaury de Rochegonde.
par Clarisse Vernhes
Article publié le 25/03/2003