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Chronique Médias

Le rachat de la Socpresse par Dassault avalisé par la Commission européenne

Amaury de Rochegonde
Amaury de Rochegonde
Serge Dassault a en effet reçu cette semaine le feu vert de la Commission européenne pour racheter aux héritiers de Robert Hersant cet empire de papier qui totalise 80 titres de presse quotidienne ou magazine. Pour mettre la main sur la Socpresse, Dassault s’est engagé à régler les problèmes de concurrence posés dans la presse économique et financière où il occupe, en l’état actuel, une position dominante. Il avait le choix entre vendre Le Journal des Finances et La Vie Financière, c’est finalement le plus gros morceau, La Vie Financière, la VF, que l’industriel s’apprête à céder dans un délai de neuf mois, ce qui suscite l’inquiétude des salariés. Et si Dassault a choisi de se défaire de son plus gros titres financier, c’est parce qu’il a voulu à tout prix éviter de contrarier Bruxelles qui était en droit de demander une enquête approfondie sur ce rachat. Or l’industriel a vu ce qu’une telle enquête a coûté à Lagardère: de nombreux mois d’attente pour, au final, céder 60% du périmètre d’Editis. Il s’est donc montré très prudent et il se prépare désormais à faire un grand nettoyage dans les titres qu’il vient de reprendre. Témoin, cette déclaration hier sur l’antenne de BFM où il n’a pas caché son intention de vendre les journaux qui perdent de l’argent. Les premiers concernés sont le Progrès de Lyon, qui vient justement de renoncer à investir dans une rotative, Presse-Océan ou encore Nord-Eclair.

Et Serge Dasssault se montre surtout intéressé, Amaury, par le Figaro et ses magazines… Comme il le dit lui-même, le Figaro est un coup de cœur. Serge Dassault rêve de posséder un journal pour y exprimer ses idées qu’il qualifie de «saines». Il a commencé à le faire il y a quelques semaines en prenant position contre le mariage gay dans les pages débat et opinion du journal. Dassault aime les journaux faciles à lire et le journalisme positif, où on parle -comme il dit- des choses qui marchent bien et pas uniquement des choses qui marchent mal. En fait, l’homme a une vision purement instrumentaliste de la presse et la grande question est bien sûr de savoir pourquoi il s’y intéresse tant. On évoque le plus souvent la nécessité pour lui de laisser un patrimoine à ses enfants. Son fils aîné, Olivier Dassault, est déjà propriétaire de Valeurs Actuelles et on le verrait bien reprendre l’empire du papivore. Mais il y a aussi l’influence politique que peut exercer à travers cet organe de presse un Serge Dassault qui est maire UMP de Corbeil-Essonne, ami de Jacques Chirac, et candidat malheureux aux dernières législatives. Ensuite, il y a tout simplement les idées fiscales du clan Dassault, notamment pour un allègement des successions en ligne directe, qui doivent trouver un relais d’opinion efficace dans la presse. Enfin, et sans doute surtout, il faut se souvenir que Dassault est une entreprise qui dépend considérablement de l’Etat français. Le Rafale par exemple, son célèbre avion de chasse, n’a été vendu jusqu’ici qu’à l’armée française. On comprend mieux, dans une telle position, quand on est aussi dépendant de la commande publique, l’intérêt d’entretenir un levier d’influence sur les hommes politiques. Le Rafale sera d’ailleurs désormais construit en partenariat avec le consortium EADS, où on retrouve Lagardère. A eux deux, selon le SNJ CGT, ces deux groupes d’armement contrôlent 70% des titres de presse en France.

Une chronique publiée en collaboration avec l’hebdomadaire Stratégies.


par Amaury  de Rochegonde

[19/06/2004]