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Guinée

Un remaniement en signe d'apaisement

Moussa Sampil quitte le ministère de la Sécurité. Il est mis à la disposition du ministère de la Justice.(Source : <A href="http://www.guinee.gov.gn/" target=_BLANK>Site du gouvernement guinéen</A>)
Moussa Sampil quitte le ministère de la Sécurité. Il est mis à la disposition du ministère de la Justice.
(Source : <A href="http://www.guinee.gov.gn/" target=_BLANK>Site du gouvernement guinéen</A>)
La nouvelle est tombée le 8 mars en début de soirée par un décret présidentiel lu à la radio nationale. Trois ministres quittent le gouvernement et sont remplacés par des personnalités qui occupent pour la première fois un poste ministériel. Ce remaniement du gouvernement obtenu par le Premier ministre est son premier acte fort pour l'apaisement des querelles politiques en Guinée.

Mme Sidibé Fatoumata Kaba, ambassadeur de Guinée au Nigeria, remplace Mamadi Condé au ministère des Affaires étrangères. Ahmed Tidiane Souaré, haut fonctionnaire au ministère de l’Economie et des finances devient ministre des Mines et de la géologie en remplacement d’Alpha Mady Soumah, dont on annonce le départ à la retraite. Enfin la cerise sur le gâteau a été le départ de Moussa Sampil, le tout-puissant ministre de la Sécurité, remplacé par Ousmane Camara, député à l’Assemblée nationale.

Ce remaniement du gouvernement était souhaité et attendu mais personne n’y croyait plus. Pour la plupart des politiciens, le remaniement entraînerait forcément des compromis et des négociations dont le pouvoir a le secret pour marginaliser encore plus l’opposition. Cette dernière se méfiait des rumeurs qui parcouraient Conakry, estimant qu’elles étaient toutes suscitées par le pouvoir. Les partis de l’opposition n’ont pas participé au débat «du remaniement» mais ils ont soutenu tous les mouvements de protestations qui accusaient le pouvoir d’arbitraire depuis l’attentat manqué contre le président de la République le 19 janvier dernier.

Une enquête sur les événements avait été promise par le ministre de la Sécurité, Moussa Sampil. Au nom du secret de l’instruction, le ministre faisait procéder à des arrestations dans tous les milieux qu’il jugeait suspects. Avocats et journalistes ont fait les frais de la furie du ministre qui n’a pas hésité a jeté certains d’entre eux en prison. «Nous ne pouvons pas accepter que le ministre de la Sécurité Moussa Sampil se substitue à la justice pour arrêter n’importe qui et n’importe comment», s’indignait, dans un communiqué, le collectif des avocats qui en appelait à l’autorité du Premier ministre, Cellou Dalein Diallo. Depuis le 17 février dernier, les avocats guinéens boudent toutes les audiences des tribunaux locaux.

La réponse du Premier ministre, fraîchement nommé, en dit long sur son impuissance à réprimander le ministre de la Sécurité. Tout en reconnaissant le bien fondé des réclamations des journalistes et avocats, il leur avait promis d’intervenir auprès des ministres de tutelle pour qu’ils fassent pression sur leur homologue de la Sécurité. Par ailleurs, Moussa Sampil a toujours joué la carte du zèle au service du général-président. Cette tactique s’est révélée payante puisqu’il avait su gagner l’entière confiance du président. Ce dernier avait opposé à son ancien Premier ministre, François Lousény Fall, une fin de non recevoir lorsque celui-ci lui avait suggéré de «débarquer» le bouillant ministre de la Sécurité.

La méthode Cellou Dalein Diallo

Mais le dévoué ministre n’a pas su mesurer les limites de son engagement total au «service de la cause présidentielle». A trop en faire, il est devenu impopulaire, ce qui a largement entamé la crédibilité du président de la République jusque dans son propre camp. Cellou Dalein Diallo, en a profité pour remettre sur le tapis «le problème Moussa Sampil». Il a enfin eu gain de cause et de nombreuses voix de l’opposition saluent aujourd’hui son calme et sa ténacité. Pour Boubacar Baldé, représentant en France de l’Union des forces républicaines (UFR), «l’éviction de Moussa Sampil est une excellente nouvelle. Il était un obstacle à tout dialogue entre le pouvoir et l’opposition».

Ce remaniement ministériel, qui appelle une cascade de nominations prochaines dans la haute fonction publique guinéenne, révèle en partie «la méthode Cellou Dalein Diallo». Dès sa nomination, il avait exprimé sa volonté de sortir la Guinée du chaos dans lequel elle est plongée. Sans heurter les susceptibilités et bouleverser le système «tout au service du président de la République», il entreprend un changement profond par petites touches pour offrir un aspect policé de la pratique politique en Guinée. Ce remaniement ministériel est un signe d’apaisement et de volonté de changement autant destiné à l’opinion nationale qu’internationale. Il obtenu le changement souhaité au ministère des Mines et de la géologie, un des plus importants portefeuilles qui assume la richesse de la Guinée, pays extrêmement nanti en ressources minières (or, diamant, bauxite…). L’attribution du ministère des Affaires étrangères à Mme Sidibé Fatoumata Kaba, marque aussi la volonté de privilégier la diplomatie afin de rassurer les milieux financiers internationaux. Cellou Dalein Diallo vient de marquer un essai, il lui reste à le transformer.


par Didier  Samson

Article publié le 09/03/2005 Dernière mise à jour le 09/03/2005 à 19:34 TU