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Ouganda

Dans le Nord, la victoire par élimination

Le chef de l'Etat ougandais, Yoweri Museveni, compte sur la fin des soutiens à la guérilla de l'Armée de résistance du Seigneur pour remporter un troisième mandat présidentiel.(Photo: AFP)
Le chef de l'Etat ougandais, Yoweri Museveni, compte sur la fin des soutiens à la guérilla de l'Armée de résistance du Seigneur pour remporter un troisième mandat présidentiel.
(Photo: AFP)
Dans un an, Yoweri Museveni se présentera pour un troisième mandat présidentiel. La paix au Soudan voisin est l’un des leviers sur lequel il compte s’appuyer pour l’emporter. La guérilla de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) ayant en effet perdu ses principaux appuis.

Pressé par ses bailleurs de fonds d’imiter ses voisins soudanais, le président ougandais Yoweri Museveni a achevé l’année 2004 en invitant une nouvelle fois les rebelles de la LRA à déposer les armes. Une délégation gouvernementale s’est même rendue dans le nord du pays pour rencontrer le brigadier Sam Kolo, l’un des proches de Joseph Kony, dans l’espoir de la signature d’un cessez-le-feu. Mais hormis Sam Kolo, qui fait désormais partie de l’armée ougandaise et bénéficie de tout le confort dont peut rêver un officier, et Betty Bigombe, une ancienne ministre chargée des contacts avec la guérilla, personne ne croit à la solution pacifique.

Le chef de l’Etat a en fait d’autres idées en tête : rassembler des voix pour les élections de 2006 ; et préserver ce qu’il a jusqu’à présent réussi à obtenir des Occidentaux :  leur bienveillance*. Pour lui, la guerre avec la LRA est une manière d’assurer la bonne entente entre son gouvernement et les militaires, durement critiqués pour leurs actions en République démocratique du Congo. Elle lui évite d’abord, d’entreprendre la réforme de l’armée, notamment d’éliminer les officiers corrompus, et lui donne des arguments face aux pays donateurs qui voudraient voir réduire celle-ci de 100 000 à 40 000 hommes, et alléger ainsi quelques factures. 

Que lui apporterait une négociation avec un homme, parfait candidat pour la Cour pénale internationale, dont le programme politique demeure l’application des Dix commandements de la Bible ? C’est un discours qui peut fédérer les membres d’une secte, mais pas des électeurs.

«J’ai fait un rêve»

«J’ai fait un rêve….. Dieu m’a demandé d’appliquer ses Commandements». C’est en débutant avec une parodie de la formule historique de Martin Luther King,  que Joseph Kony  a raconté l’histoire de sa reprise en mains de l’Armée de Résistance du Seigneur, le groupe armé d’Alice Auma «Lakwena» (la messagère), sa fondatrice,  à l’envoyé spécial de l’Uganda Monitor en avril 2004. L’entretien –exceptionnel– avec le chef rebelle, se déroule sous la pression des récents événements : le gouvernement soudanais vient de signer à Naïvasha au Kenya, le protocole d’accord sur le partage des revenus pétroliers avec le mouvement de John Garang. La paix entre le Nord et le Sud Soudan est en marche. Par ailleurs, les derniers alliés de Kony, la milice sudiste des Forces de défense de l’Equatoria (EDF), financée par Khartoum, vient de le chasser de son territoire.

Joseph Kony raconte au journaliste l’entraînement de ses premiers volontaires par les officiers de l’armée ougandaise. Des officiers acholi qui viennent d’être limogés par Milton Obote –le chef de l’Etat de l’époque–  et qui se sont repliés au Soudan pour former l’Armée de défense du peuple ougandais (ADPO). C’était en 1987. La LRA compte alors 3 000 hommes.

Après une série de massacres contre des populations civiles acholi, l’ADPO prend ses distances avec «le prophète».  La réintégration des dirigeants acholi dans le processus «démocratique» national consomme la rupture avec les rebelles au début des années 2000. L’armée soudanaise et la milice sudiste de l’Equatoria prennent le relais. La LRA leur donnera «un coup de main» pour la reprise de la ville de Torit, alors que les discussions Nord-Sud débutent au Kenya.

Jusqu’au bout, la guerre

En 2004, l’armée de Kony, dont les exactions «au nom de Dieu» ont provoqué le déplacement de plus d’un million  et demi d’Ougandais, et qui a kidnappé près de 20 000 enfants pour en faire ses soldats, cherche une nouvelle base. Lorsque le journaliste lui demande pourquoi, alors que Yoweri Museveni lui a transmis son numéro de téléphone personnel, il ne l’appelle pas pour négocier une trêve, Joseph Kony rétorque : «je n’ai pas besoin de téléphone, je parle à Museveni par l’intermédiaire des esprits».

Une série de défections suivra la perte du soutien des Soudanais. Cela n’empêchera pas la LRA de mener une nouvelle offensive quelques mois plus tard, en novembre. Mais, à cette occasion, l’armée ougandaise, autorisée par Khartoum à poursuivre les rebelles par-delà les frontières depuis la fin 2002, manquera de peu de s’emparer de son leader. Aujourd’hui, Kampala alterne offre de paix et offensive dans l’espoir d’isoler encore un peu plus Joseph Kony, … et de l’éliminer.

* le régime instauré par le général Yoweri Museveni limite les libertés d’expression de l’opposition. Une partie du parlement est encore nommé par le chef de l’Etat, lui assurant confortablement la majorité présidentielle.


par Marion  Urban

Article publié le 13/03/2005 Dernière mise à jour le 13/03/2005 à 11:34 TU