Conflits sociaux
Les points chauds se multiplient en Afrique
(Photo : AFP)
Au Niger, la contestation sociale a atteint l’ampleur d’un mouvement social conduit par une association de consommateurs qui a rallié à sa cause de nombreuses organisations syndicales. Le sujet de mobilisation lancé par l’Organisation de consommateurs du Niger (Orconi), n’a laissé personne indifférent : lutter contre la flambée sauvage des prix. Autour de ce thème s’est organisée la « Coalition contre la vie chère ». Ce mouvement structuré a été créé en janvier 2005, au lendemain de l’élection présidentielle pendant laquelle les Nigériens ont été abreuvés de promesses d’une vie meilleure. Mais les organisations syndicales et les associations ont reçu comme une duperie insultante la loi de finances 2005 votée par l’Assemblée nationale qui a institué une taxe de valeur ajoutée (TVA) de 19% sur des produits de consommation courante.
« La coalition contre la vie chère », a déploré l’instauration de cette TVA qui selon elle a tout de suite engendré l’augmentation des prix du mètre cube d’eau, de l’électricité, du lait, du thé, du sucre, de l’huile, du pain … Par milliers, les populations ont répondu à l’appel des associations et ont marché dans les rues de la capitale, le 15 mars, en scandant des slogans hostiles au gouvernement et aux députés accusés de « trahison ». A la fin du meeting tenu devant l’Assemblée nationale, les manifestants se sont dispersés, mais de nombreux actes de vandalisme ont été notés et les organisateurs de la manifestation ont été tenus responsables par les pouvoirs publics. Quarante-sept personnes ont été interpellées et placées en garde à vue, dont de nombreux dirigeants de la coalition. Nohou Arzika, président de l’Orconi a été arrêté, mais le président de l’association croisade, Morou Mamadou, et celui de SOS Kandadji, Moustapha Kadi, « sont entrés en clandestinité », confie un responsable de l’association des consommateurs du Niger.
« Les personnes arrêtées seront jugées (…) et subiront les rigueurs de la loi », promet Mounkaïla Mody, le ministre de l’Intérieur du Niger. Les responsables des manifestations sont accusés de « complicité et d’actes de vandalisme et de destruction de biens publics ». Or, selon les organisateurs de la manifestation, la dispersion des militants se serait passée sans incidents et des groupes de casseurs auraient agi quelques heures après en « pillant des boutiques et en cassant des feux tricolores et des éclairages publics ».
« Ce ne sont pas les arrestations de nos militants ou de nos dirigeants qui vont émousser la lutte », affirme Ali Idrissa un responsable de la « Coalition contre la vie chère » qui exige par ailleurs la libération sans conditions de leurs militants et responsables. La coalition a aussi invité les populations à redescendre dans la rue, le 22 mars prochain pour dénoncer à nouveau « la flambée sauvage des prix des produits de première nécessité ».
Ailleurs en Afrique de nombreuses organisations syndicales organisent des mouvements sociaux pour revendiquer une amélioration des conditions de vie des travailleurs. Ainsi au Mali ce sont les cheminots qui ont observé une grève de 48 heures en guise d’avertissement aux pouvoirs publics, pour une revalorisation équitable de la grille des salaires. La ligne de chemin de fer Dakar-Kayes-Bamako qui participe au désenclavement du Mali par l’ouest a été paralysée du 15 au 17 mars. Au Sénégal, un mouvement de grève des enseignants de 72 heures est lancé par les syndicats, le 15 mars, pour une revalorisation de certaines indemnités de 35 à 50%. Au Tchad, ce sont les fonctionnaires de la santé publique et de l’action sociale qui ont entamé une grève de trois jours à compter du 16 mars pour exiger le paiement des arriérés de salaires et le versement des primes de risque. Hôpitaux et dispensaires n’assurent qu’un service minimum. Au Burundi, la fonction publique est frappée par des grèves de revendications salariales, mais les pouvoirs publics répondent que « les caisses sont vides ». Au Gabon, les chauffeurs de taxi de la capitale, Libreville, ont entamé une grève d’avertissement de trois jours à compter du 16 mars pour protester contre les « contrôles abusifs et rackets » des agents de la gendarmerie et de la police affectés à la circulation.
Aux yeux des organisations syndicales et des associations de défense des droits humains, tous ces foyers de tension dans des secteurs d’activité différents témoignent d’un certain malaise social généralisé et révèlent un certain état de misère auquel les politiques africains n’apportent pas de réponses adéquates.
par Didier Samson
Article publié le 17/03/2005 Dernière mise à jour le 17/03/2005 à 19:16 TU