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Somalie

Soldats sans frontières

Les trafics d'armes alimentent la guerre des clans.(Photo : AFP )
Les trafics d'armes alimentent la guerre des clans.
(Photo : AFP )

Difficile d’assurer l’installation à Mogadiscio des nouvelles autorités somaliennes cooptées fin 2004 en exil, à Nairobi, sous l’égide de l'Autorité intergouvernementale de développement, l’Igad qui rassemble Djibouti, l'Erythrée, l'Ethiopie, le Kenya, le Soudan, l'Ouganda et la Somalie. Le 5 janvier dernier, pour accélérer l’installation du gouvernement fédéral de transition dans la capitale somalienne, l’Igad avait retenu l’offre ougandaise de fournir des troupes avant le 30 avril. Cette avant-garde devait donner le temps à l’Union africaine (UA) de concrétiser la Mission de maintien de la paix en Somalie promise en décembre dernier. Déjà, les chefs de guerre associés à la transition criaient aux loups éthiopien ou kényan suspectés d’ingérences. Jeudi, une bataille rangée les a opposés à Nairobi. Les premiers casques blancs africains viendront donc de pays non-frontaliers, l’Ouganda et le Soudan.


Elu président de la République de Somalie le 10 octobre 2004 par 275 seigneurs de la guerre et chefs de clan, Abdullahi Yusuf, le chef du Puntland sait pouvoir lui-même compter sur le soutien de l'Ethiopie. Il souhaite en tout cas vivement que les 10 000 soldats promis par l’UA et la Ligue arabe soient déployés au plus vite, afin de pouvoir s’installer en toute sécurité à Mogadiscio, où les chefs de guerre locaux sont bien sûr d’un avis contraire. En réalité, nombre d’entre eux ne souhaitent nullement voir quelque uniforme étranger que ce soit déranger dans la capitale leurs petites et grandes affaires. Mais jeudi, lorsque le rejet des contributions militaires de l'Ethiopie, de Djibouti et du Kenya s’est profilé à l’horizon, contre l’avis du Premier ministre Mohammed Gedi, les partisans de ce dernier ont vu rouge.

Réunis dans l’hôtel qui leur sert de parlement à Nairobi, les 200 députés cooptés par les différents clans en août 2004 ont en majorité voté contre la motion Gedi. La déception de leurs adversaires s’est transformée en mêlée générale. La rixe a fait des blessés et des dégâts matériels. Le ministre somalien du Commerce, Musa Sudi Yalahow, ainsi que deux parlementaires, Hussein Harale et Maalim Mahamoud Mohammed, ont été interpellés par la police kényane. Celle-ci les a toutefois relâchés dès dimanche, ces arrestations menaçant de relancer la guerre des clans. Finalement, pour calmer le jeu, tout en restant polie avec l’ensemble de ses membres, l’Igad a annoncé vendredi que «le déploiement initial de troupes en Somalie dans le cadre d'une force régionale qui aidera à la réinstallation du gouvernement de ce pays sera assuré par les pays de l'Igad qui y sont prêts, c'est-à-dire l'Ouganda et le Soudan».

La Somalie «un marché aux armes»

Les autres pays de l'Igad – et en particulier ceux qui partagent une frontière et des arrières-pensées avec la Somalie – fourniront seulement «la logistique, l'équipement, l'aide d'urgence et la formation de l'armée et de la police somaliennes» précise la résolution produite le 18 mars par l’organisation régionale. En même temps, l’Igad lance une mise en garde aux chefs de guerre et aux dignitaires religieux «qui tenteront d'aller à l'encontre de l'initiative de paix», les menaçant notamment de prendre «des mesures pour les isoler», voire pour les traduire devant la Cour pénale internationale (CPI), en invoquant les crimes de guerre dans lesquels chacun d’entre eux s’est illustré depuis le renversement de Siad Barre en 1991. Reste qu’en quatorze ans de guerre, ni les menaces, ni même les précédentes opérations internationales (1993-1995) ne sont parvenues à imposer la paix. Pire encore, la Somalie est plus que jamais une passoire pour des trafics d’armes qui ont même tendance à se renforcer depuis la formation des institutions de transition chargées de conduire à des élections dans cinq ans.

Le 15 mars, le Conseil de sécurité des Nations unies a reconduit pour six mois le «groupe de contrôle» formé en décembre 2003 pour enquêter sur les bénéficiaires des violations de l’embargo sur les armes imposé à la Somalie depuis janvier 1992. Le 9 mars dernier, ses enquêteurs relevaient en effet que ces infractions «se poursuivent à un rythme soutenu et inquiétant,…en dépit de l'élection récente du gouvernement fédéral de transition, ou peut-être, de ce fait». Leur rapport évoque «une filière d'environ 67 personnes, sociétés et entités participant volontairement ou involontairement au commerce des armes», le plus souvent «par voie maritime».

Selon le groupe de contrôle onusien, «les derniers envois d'armes ont renforcé la capacité militaire des éléments de l'opposition qui ont exprimé publiquement leur intention de s'opposer par la force au gouvernement fédéral de transition et à tous les partisans internationaux susceptibles d'envoyer leur aide militaire en Somalie». Ces opposants sont identifiés comme étant «les hommes d'affaires, les chefs de guerre, les fondamentalistes, ainsi que certains membres du gouvernement fédéral de transition», bref, toute la galaxie des clans somaliens qui se livrent une guerre d’influence et une concurrence commerciale sans merci.

Le rapport de l’Onu pointe la ville somalienne de «Bakaaraha et un État du Golfe» comme les têtes de pont d’un réseau où les fondamentalistes sont aux premières loges dans une Somalie décrite comme un «marché aux armes».


par Monique  Mas

Article publié le 21/03/2005 Dernière mise à jour le 21/03/2005 à 17:23 TU