Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Nations unies

La grande réforme de l’ONU

Le secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan. (Photo: AFP)
Le secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan.
(Photo: AFP)
Kofi Annan a présenté lundi à l'assemblée générale de l'ONU un ambitieux projet de réforme de l'organisation. Au programme: lutte contre la pauvreté, élargissement du conseil de sécurité, lutte contre le terrorisme codification de l'entrée en guerre et remplacement de la commission des droits de l'homme par un organe plus intègre.

De notre correspondant à New York (Nations unies)

Kofi Annan a fait de la réforme de l'ONU une affaire personnelle - la
marque de son second mandat. Face aux 191 Etats-membres des Nations unies, il a présenté lundi un projet étoffé, compilant une réflexion de longue haleine et les travaux de plusieurs groupes d'experts. Le ton était inhabituellement vigoureux, pour un homme qui a fait de la diplomatie une seconde langue. «J'exhorte les Etats membres à rendre le conseil de sécurité plus largement représentatif de la communauté internationale dans son ensemble, et des réalités géopolitiques d'aujourd'hui» a-t-il déclaré. «Cela fait trop longtemps que nous discutons de cette question cruciale» a-t-il poursuivi, allant
jusqu'à sermonner son auditoire : «Ces lieux ont entendus
suffisamment de grandes déclarations pour remplir les décennies à
venir. Nous connaissons tous les problèmes. Nous n'avons pas besoins de plus de discours ou de promesses. Nous avons besoin d'action
.» Note est donc prise.

L'élargissement du conseil de sécurité à 24 membres est un vieux
projet, bloqué jusqu'ici par les jalousies régionales - l'Italie
s'oppose à un siège permanent pour l'Allemagne, le Pakistan à un siège pour l'Inde etc. Kofi Annan se garde bien de définir les détails de cet élargissement: combien de permanents ? Avec ou sans veto ? Mais son rapport a été salué avec enthousiasme par les quatre candidats les plus sérieux à des sièges de permanent, le Brésil, l'Allemagne, l'Inde et le Japon. «Nous sommes très contents de ce rapport»  a confié à RFI Gunther Pleuger, le représentant de l'Allemagne à l'ONU. «Kofi Annan a préconisé qu'une décision soit prise avant le sommet de septembre. Et on a maintenant une dynamique de réforme que nous n'avons jamais eue avant.» Officiellement, ces pays n'ont pas renoncé à bénéficier d'un droit de veto, mais ils s'accommoderaient volontiers d'un siège permanent sans le veto dont seuls jouiraient toujours la France, les Etats-Unis, le Royaume uni, la Chine et la Russie. «Nous croyons qu'il serait mieux de ne pas faire de distinction entre les anciens et les nouveaux membres. Mais nous savons que chaque changement du statut des cinq permanents serait frappé d'un veto lors du processus de ratification. C'est pourquoi personnellement, je suis convaincu que si on veut une réforme, on ne touche pas le statut des cinq permanents» admet Gunther Pleuger.


Washington se méfie de tout ce qui pourrait restreindre sa politique étrangère


Sans doute inspiré par le conflit irakien, qui a déchiré le Conseil de
sécurité - en raison des menaces de veto français, le conseil n'a
jamais entériné l'intervention américaine -, Kofi Annan a suggéré que
«le conseil de sécurité renouvelé dise clairement, dans une
résolution, quels sont les principes qui le guideront lorsqu'il devra
décider d'autoriser ou non l'usage de la force
.» Cette codification
de l'entrée en guerre n'est pas du goût de Washington, qui se méfie de tout ce qui pourrait restreindre sa politique étrangère.

Les autorités américaines sont en revanche plus intéressées par les
efforts de Kofi Annan pour élever les droits de l'homme au même niveau que les questions de paix et de sécurité. «Je demande aux Etats membres de créer un nouveau conseil pour remplir un des objectifs primordiaux de l'organisation : la promotion des droits de l'homme. Cela remplacerait l'actuelle commission des droits de l'homme, dont l'aptitude à remplir sa mission a été sapée par une crédibilité et un professionnalisme en déclin» a déclaré Kofi Annan, en faisant allusion à la présence au sein de la commission basée à Genève de pays comme le Soudan, Cuba ou la Syrie, dont le bilan en matière de respect des libertés individuelles est loin d'être exemplaire. Le nouveau conseil qu'il préconise aurait des membres élus aux deux tiers de l'assemblée générale. Ils seraient moins nombreux, et plus
présentables.

Autre point sensible: une définition nouvelle du terrorisme. Jusqu'à
maintenant, à l'Onu, les terroristes des uns ont toujours été les
combattants de la liberté des autres. Kofi Annan veut lui définir
comme terroriste tout acte visant des civils, peu importe les
circonstances. Il rencontre déjà sur ce point les résistances de
plusieurs pays arabes, qui veulent protéger toute latitude pour les
efforts de lutte des Palestiniens, légitimes à leurs yeux. Si Kofi
Annan parvient malgré tout à imposer sa définition, une convention
internationale contre le terrorisme pourrait rapidement être adoptée.

Une  vaste réforme qui, insiste Kofi Annan, n'est pas «à la carte»

Dans le domaine du développement, Kofi Annan encourage les pays riches à respecter les généreuses promesses faites il y a bientôt cinq ans lors du sommet du millénaire à New York. Il incite notamment les pays riches à consacrer 0.7% de leur PIB à l'aide au développement - un niveau atteint aujourd'hui par seulement une poignée de pays.

Ce ne sont là que quelques points d'une vaste réforme, qui, insiste
Kofi Annan n'est pas «à la carte». Son projet se veut un ensemble
cohérent, le plus ambitieux depuis la création de l'ONU il y a presque
60 ans. C'est aussi un compromis soigneusement équilibré, dans lequel chaque pays trouvera des éléments de satisfaction et des éléments de déception. Pour faire adopter son plan, Kofi Annan devra avoir le soutien des cinq permanents du conseil de sécurité, et des deux tiers des 191 pays de l'assemblée générale. Le défi est de surmonter les rivalités régionales et les égoïsmes nationaux qui bloquent toute réforme depuis des années. Plusieurs pays ont déjà tendance à puiser uniquement ce qui les intéresse. Mais pour Kofi Annan, l'échec n'est pas permis. Ces derniers mois, il a été violemment attaqué aux Etats-Unis, pour son rôle et celui de son fils dans l'affaire pétrole contre nourriture. Les milieux conservateurs ont même réclamé sa démission. La réforme de l'ONU a pour lui des airs de rédemption.



par Philippe  Bolopion

Article publié le 22/03/2005 Dernière mise à jour le 22/03/2005 à 08:59 TU

Audio

Pierre-Edouard Deldique

Journaliste à RFI

«C’est à cause de la crise en Irak que le sentiment d’urgence a été ressenti aux Nations unies et c’est sans doute pour cela que Kofi Annan a essayé de promouvoir cette réforme»

Articles