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Etats-Unis

Un faucon ambassadeur à l'ONU

John Bolton, devant les Nations unies à Genève, en 2001.(Photo: AFP)
John Bolton, devant les Nations unies à Genève, en 2001.
(Photo: AFP)
Le président américain George Bush a créé la surprise en nommant le très conservateur John Bolton ambassadeur des Etats-Unis auprès des Nations unies. Sous-secrétaire d’Etat chargé du désarmement, cet avocat de 56 ans s’est en effet distingué par ses critiques virulentes à l’encontre de l’organisation internationale, se montrant notamment peu sensible à la question des arriérés de cotisations que Washington lui doit. Qualifiée de signal négatif en direction des partenaires européens des Etats-Unis, la nomination de John Bolton a été vivement dénoncée par l’opposition démocrate.

Les espoirs des Européens de voir la nouvelle administration Bush adopter une approche plus multilatéraliste dans la gestion des grands dossiers du moment ont considérablement été douchés par la nomination du nouvel ambassadeur américain auprès de l’ONU. La réputation de John Bolton sur le peu de considération qu’il porte aux organisations et traités internationaux n’est en effet plus à faire. L’homme s’est distingué plus d’une fois par ses positions très controversées notamment sur les Nations unies avec lesquelles il devra pourtant composer désormais. «L’immeuble de l’ONU à New York comporte trente-huit étages. S’il devait en perdre dix, cela ne ferait pas grande différence», avait-il lancé il y a onze ans de cela. Depuis, l’homme n’a pas vraiment changé d’opinion, défendant bec et ongles une politique américaine unilatérale. Il a ainsi largement contribué en 2001 à saborder le protocole destiné à renforcer la convention sur les armes biologiques. «Cette convention est morte et rien ne la ressuscitera», avait-il estimé. La même année, il a joué un rôle central dans le retrait des Etats-Unis du Traité sur la limitation des missiles anti-balistiques.

Plus récemment il a été, en mai 2002, l’un des principaux signataires d’une lettre au secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, entérinant la décision des Etats-Unis de renoncer à toute participation à la Cour pénale internationale, le tribunal chargé de juger les crimes de guerre et contre l’humanité. Sa fonction au sein du département d’Etat ne le destinait pourtant pas à intervenir dans ce dossier sensible au sujet duquel il n’a pas hésité à demander une dérogation à sa hiérarchie. John Bolton a également été le plus farouche partisan d’une guerre préventive contre le régime de Saddam Hussein, estimant qu’il représentait la menace la plus sérieuse contre les Etats-Unis après la nébuleuse Al-Qaïda du terroriste Oussama Ben Laden. Et lorsqu’en septembre 2002, le président Bush tentait d’obtenir l’aval des Nations unies pour attaquer l’Irak, il avait estimé qu’il s’agissait-là d’une décision politique qui n’était «certainement pas une nécessité légale».  

Un diplomate «coriace»

Le nouvel ambassadeur américain auprès de l’ONU n’est pas non plus réputé pour user d’un langage très diplomatique. En charge du dossier du désarmement au sein de l’administration Bush depuis 2001, il s’est en effet attiré les foudres du régime nord-coréen qu’il a ouvertement qualifié de «cauchemar diabolique» alors que Washington tentait pourtant de persuader Pyongyang de renoncer à son programme nucléaire. Prônant une ligne dure envers «les Etats voyous» comme l’Iran ou la Corée du Nord, John Bolton a ainsi été le principal avocat au sein de l’administration Bush d’un renvoi du dossier nucléaire iranien devant le Conseil de sécurité en vue de sanctions. Et dans cette perspective, il n’a eu de cesse, mais en vain, de réclamer la tête de l’Egyptien Mohammed al-Baradeï, le chef de l’Agence internationale de l’énergie atomique, accusé d’être trop laxiste avec le régime de Téhéran.

Justifiant le choix d’une personnalité aussi controversée que celle du nouvel ambassadeur américain, la secrétaire d’Etat Condoleezza Rice a expliqué que «John Bolton savait comment faire avancer les choses». Selon elle, «c’est un diplomate qui a la tête froide. Il est expérimenté mais aussi coriace». La décision du président Bush de le nommer a d’ailleurs été largement approuvée par les néoconservateurs américains dont il est l’une des figures de proue. Avant sa confirmation par le Congrès en 2001 au poste de sous-secrétaire d’Etat au désarmement, il avait ainsi été soutenu par l’un des pères de la droite isolationniste américaine, Jesse Helms. «John Bolton est le type d’hommes avec qui je voudrais me trouver le jour de l’Apocalypse pour la bataille finale entre le bien et le mal», avait notamment déclaré à son sujet ce sénateur très conservateur.

Les démocrates américains ont, comme il fallait s’y attendre, vivement critiqué la nomination de John Bolton à un tel poste. «Si le président est sérieux dans son intention de tendre la main au reste du monde, pourquoi choisir quelqu’un ayant exprimé un tel mépris pour le travail en coopération avec nos alliés ?», s’est indigné le sénateur John Kerry, candidat malheureux à la présidentielle de novembre. Beaucoup plus dur, le chef de fil des démocrates au Sénat, Harry Reid a pour sa part dressé un bilan désastreux de la dernière mission de John Bolton, faisant valoir que depuis qu’il est sous-secrétaire d’Etat aux désarmement «l’arsenal nucléaire nord-coréen a quadruplé et l’Iran a fait des pas dangereux vers le développement de l’arme nucléaire». 

Quoi qu’il en soit, la décision du président Bush de nommer ambassadeur auprès des Nations unies l’un des théoriciens de son projet de démocratisation du Grand Moyen-Orient est loin d’être anodine. Et si pour l’ancien ambassadeur américain en Arabie saoudite, Chas Freeman, elle équivaut à «lancer une bombe à neutrons dans l’enceinte des Nations unies», d’autres estiment en revanche qu’elle pourrait au contraire contribuer à accélérer la réforme de l’ONU. Se défendant d’être un isolationniste, John Bolton s’est empressé d’assurer que son bilan personnel «démontrait un clair soutien pour une diplomatie multilatérale effective». Il n’a cependant pas nié avoir fréquemment «écrit de manière critique sur les Nations unies». «Le leadership américain est capital pour le succès de l’organisation», a-t-il ajouté, dévoilant s’il en était encore besoin l’inflexion qu’il compte donner à la politique américaine à l’ONU.


par Mounia  Daoudi

Article publié le 08/03/2005 Dernière mise à jour le 08/03/2005 à 18:02 TU