Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Etats-Unis

Condoleeza Rice promet une offensive diplomatique

La secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice, a entamé mardi une tournée en Amérique du Sud qui la conduira successivement au Brésil, en Colombie, au Chili et au Salvador.(Photo : AFP)
La secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice, a entamé mardi une tournée en Amérique du Sud qui la conduira successivement au Brésil, en Colombie, au Chili et au Salvador.
(Photo : AFP)
Lors du passage de son grand oral devant les sénateurs de son pays, mardi à Washington, la nouvelle secrétaire d’Etat américaine a défendu le bilan de la première présidence de George W.Bush et annoncé la volonté de Washington de travailler avec la communauté internationale. Cet examen de pure forme, dont l’issue ne fait aucun doute, permet d’évaluer les dispositions de la nouvelle administration en matière de politique étrangère. Elle sera offensive.

L’exercice s’inscrit dans la tradition des usages politiques américains. Avant d’être officiellement investi de sa charge, vraisemblablement mercredi soir pour Condoleeza Rice, la ministre se présente devant le Sénat et annonce quelles seront les grandes lignes de sa politique étrangère. Il ne s’agit pas d’un programme, mais davantage d’une profession de foi prononcée à partir d’un tour d’horizon très complet de l’actualité internationale. La journée de mardi n’y a pas suffi. S’agissant d’un pays comme les Etats-Unis, à la veille du second mandat du président Bush, cette « rencontre » constitue en tout cas un premier indicateur de l’état d’esprit qui prévaut au sein de la nouvelle équipe dirigeante de la super-puissance.

Après ces dernières années marquées par les conséquences du traumatisme des attentats du 11 septembre 2001 et un engagement militaire massif sur plusieurs fronts, Condoleeza Rice a donc manifesté la volonté de son pays de privilégier la diplomatie. « Le temps de la diplomatie est venu (…) Notre interaction avec le reste du monde doit se fonder sur le dialogue, pas le monologue », a déclaré Mme Rice, qui a également annoncé l’intention de son administration de travailler avec le reste de la communauté internationale. « Des alliances et des institutions multilatérales peuvent multiplier la force des pays qui aiment la liberté », a-t-elle dit aux sénateurs, citant notamment l’Otan, l’Union européenne et les alliés démocrates de Washington en Asie de l’Est comme ses « partenaires les plus proches ».

« Nous allons répandre la liberté et la démocratie à travers le monde »

Condoleeza Rice a également expliqué au service de quoi devait se mettre cette activité diplomatique renouvelée, en déclinant les « trois grandes tâches » fixées par le président Bush à la diplomatie de son pays pour les années à venir. « D’abord nous allons rassembler la communauté des démocraties autour de l’établissement d’un système international basé sur nos valeurs communes et le respect de la loi. Nous allons renforcer la communauté des démocraties pour lutter contre les menaces à notre sécurité commune et réduire le désespoir qui nourrit le terrorisme. Et, troisièmement, nous allons répandre la liberté et la démocratie à travers le monde ».

Bien que l’échange de Mme Rice avec les sénateurs ait été décrit comme généralement cordial, un certains nombre d’entre eux n’ont pas manqué d’épingler l’engagement américain en Irak et le souci de l’exécutif de redéfinir a posteriori les motifs de guerre, lorsqu’il s’est avéré qu’il n’y avait pas d’armes de destruction massive dans ce pays. Condoleeza Rice a reconnu que les soldats américains rencontraient de « gros défis tactiques pour parvenir à notre objectif stratégique » de stabiliser le pays. Refusant de s’engager sur un calendrier de retrait des troupes, elle estime que « le succès de la liberté en Afghanistan et en Irak renforcera et encouragera les réformistes à travers la région, et accélérera le rythme des réformes déjà engagées ».

Le refus de la future secrétaire d’Etat de condamner la pratique d’interrogatoires musclée pour obtenir des renseignements de détenus soupçonnés de liens avec le terrorisme a été qualifié de « décevant » et « troublant » par plusieurs sénateurs démocrates. « Je ne pense pas qu’il serait approprié que je parle de techniques. Je ne pense pas que ce serait bon pour la sécurité des Etats-Unis », a déclaré Mme Rice, tandis qu’un sénateur démocrate estimait qu’« il n’était simplement pas correct de tergiverser sur une question comme la torture ».

Parmi les grands chantiers qui s’annoncent, la successeure de Colin Powell s’attend à beaucoup travailler sur le dossier du conflit entre Palestiniens et Israéliens. « Il y a une opportunité et nous devons la saisir. Nous somme très encouragés par l’élection d’un nouveau dirigeant palestinien (…) Je m’attends à consacrer d’énormes efforts à cela, mais je ne peux pas me substituer aux parties et à leur disposition à prendre leurs responsabilités, et c’est le message que nous devons adresser », a indiqué Mme Rice, insistant « beaucoup pour que les Palestiniens s’attaquent au terrorisme ».

Multilatéralisme ou diplomatie offensive ?

Enfin, lors de son intervention, un nouvel « axe du mal » a été tracé. Désormais six pays figurent au palmarès des « postes avancés de la tyrannies » : Cuba, le Zimbabwe, la Birmanie, la Biélorussie, enfin la Corée du Nord et l’Iran, deux pays avec lesquels la communauté internationale entretient un très lourd contentieux nucléaire. D’ailleurs, sur l’Iran, Condoleeza Rice a implicitement confirmé que le règlement du dossier atomique ne solderait pas les comptes entre Téhéran et Washington, relançant ainsi les spéculations sur la volonté américaine de désigner l’Iran comme prochaine cible américaine.

A quelques heures de la désignation de Condoleeza Rice à la tête de la diplomatie américaine, après une première présidence Bush caractérisée par un contournement des institutions multilatérales, et à la veille d’un second mandat dont on dit qu’il est consacré à faire entrer le président dans l’histoire, il est difficile, à partir de ce simple exercice, d’évaluer les parts de permanence et de changement dans la position qu’adopteront prochainement les Etats-Unis sur la scène internationale. Tout est aussi question de circonstances. Mercredi matin, les commentaires reprenaient volontiers les références au multilatéralisme et à la diplomatie dans les propos de Mme Rice. Mercredi soir, Le Monde évoquait plutôt une « diplomatie offensive ».


par Georges  Abou

Article publié le 19/01/2005 Dernière mise à jour le 19/01/2005 à 17:56 TU

Audio

Roger Cohen

Éditorialiste au «New York Times» et au «Herald Tribune»

«C'est une chose d'avoir une alliée comme la Mongolie ou la Bulgarie en Irak, c'en est une autre d'avoir la France et l'Allemagne.»

Articles