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Patrimoine

La beauté redéployée de Vaux-le-Vicomte

La logique du «jardin à la française» est née à Vaux-le-Vicomte et a été reprise dans l’Europe entière dès le XVIIe siècle.(Photo: Dominique Raizon/RFI)
La logique du «jardin à la française» est née à Vaux-le-Vicomte et a été reprise dans l’Europe entière dès le XVIIe siècle.
(Photo: Dominique Raizon/RFI)
Une restauration complète de la Chambre du Roi et l’acquisition de nouvelles tapisseries du XVIIe siècle enrichissant les salons d’apparat font la fierté du château de Vaux-le-Vicomte à l’occasion de sa réouverture. Des propriétaires passionnés d’Histoire redonnent à la demeure du surintendant des Finances de Louis XIV, Nicolas Fouquet, les lettres de noblesse dont il a longtemps été privé pour cause de jalousie royale. La préoccupation majeure des maîtres des lieux est de restituer les fastes d’origine et de réparer les outrages de l’Histoire avec le maximum de fidélité au bel ouvrage d’origine. Mais la réhabilitation onéreuse nécessite des fonds, et fidélité à l’Histoire doit rimer avec esprit d’entreprise.

Vaux-le-Vicomte: la Chambre du Roi.
(Photo: CDA/B de Genest)
Cette année le château de Vaux-le-Vicomte est fier de présenter la Chambre du Roi et son plafond à voussures dites à l’italienne, entièrement restaurée et remeublée dans le respect des documents d’origine. Riche de peintures de Charles Le Brun, de stucs audacieux et d’or à profusion, la Chambre du Roi est (peut-être) la plus somptueuse des pièces du château car, comme le rappelle Patrice de Voguïé, l’actuel propriétaire, la tradition le voulait ainsi: «sous l’Ancien Régime, un château se devait de conserver une chambre plus richement décorée pour être offerte au roi s’il venait à requérir l’hospitalité». Cabinet d’ébène, tapis au point, tapisserie de Renaud et Armide d’après Vouet, rien n’a été oublié. Le choix des étoffes n’a pas été un caprice né de l’imagination et du goût personnel des propriétaires: couleur cramoisi, vert et or, elles ont fait l’objet d’une étude rigoureuse et d’une confrontation internationale.

Seize bassins attendent un mécène

Vaux-le-Vicomte: parterre de fleurs.
(Photo: F. Milochau)
Six tapisseries exceptionnelles issues des collections du cardinal Barberini et de deux portières provenant de la manufacture de Maincy (qui avaient franchi les océans en 1975) viennent de réintégrer les salons d’apparat de Vaux. Il s’agit de pièces correspondant au «temps de l’Exubérance», un style de tapisserie antérieur à Louis XIV, dont toute l’Europe à l’époque fut friande. Fouquet, se souvenant du souci d’Henri IV de concurrencer les tapisseries flamandes, avait fondé la manufacture du Maincy. En 1875, un particulier, Alfred Sommier, ayant racheté la propriété, s’était appliqué à remeubler le château avec des œuvres d’art d’époque. Vaux poursuit patiemment et obstinément la tâche, ne cessant de programmer les travaux, les prochains chantiers prévus étant la restauration de la chambre de Madame Fouquet- qui servit de support à la conception de la Galerie des glaces de Versailles-, et celle des seize bassins manquants qui attendent aujourd’hui encore un mécène.

Tout en multipliant les démarches pour trouver des mécènes, les acteurs de Vaux (la famille de Voguïé, père et fils associés) multiplient les initiatives et rivalisent d’imagination à l’instar de ce qui se fait ailleurs en Europe, pour rendre l’entreprise aussi florissante qu’attractive. Le château s’est mis à l’heure d’Internet et pour connaître le calendrier des programmations, une visite virtuelle s’impose sur le site officiel. D’ores et déjà, dès le retour des beaux jours et jusqu’à l’automne, reviennent les féeries aquatiques et les jeux d’eau, les programmations des soirées musicales aux chandelles et en plein air, les représentations théâtrales des farces de Molière comme la Jalousie du barbouillé, le Médecin volant, dans le théâtre de verdure, là même où Molière fit jouer pour la première fois sa pièce, les Fâcheux. A ces festivités viennent s’ajouter deux expositions: l’une consacrée à L’art disparu des maîtres carrossiers au musée des équipages, qui présente un ensemble rare en Europe d’équipages et de voitures à cheval; l’autre est dévolue à l’architecte paysager André Le Nôtre qui dévoile la genèse du «jardin à la française», une conception des jardins, née à Vaux le Vicomte, reprise dans l’Europe entière dès le XVIIe siècle.

Réhabilitation de Vaux, jadis pillé pour mieux habiller Versailles

Vaux-le-Vicomte: les écuries.
(Photo: Dominique Raizon/RFI)
Vaux-le-Vicomte n’a rien à envier à Versailles. Vaux-le-Vicomte en fut même le prélude puisque l’ordonnance de ce dernier fut inspirée de l’harmonie existant entre le bâti et l’architecture des jardins de Vaux. C’est la jalousie du Roi Soleil qui valut à Vaux-le-Vicomte de rester à l’abandon pendant quelques années. Le brillant surintendant des Finances de Louis XIV, Nicolas Fouquet, à la tête d’une des plus grandes fortunes de France du XVIIe siècle, mécène et amateur éclairé de Belles Lettres, n’a eu qu’un tort, celui de faire de l’ombre au Roi Soleil en le recevant avec moult et somptueuses festivités un mémorable soir, le 17 août 1661. Voltaire l’a résumé mieux que personne: «Le 17 août, à six heures du soir, Fouquet était roi de France; à deux heures du matin, il n’était plus rien». Fouquet fut arrêté et emprisonné à vie, et son château fut déshabillé pour mieux habiller Versailles –le délestant, entre autres, de 120 tapisseries de la manufacture du Maincy qui ornaient ses murs.

Mais l’intelligence et la beauté des lieux ont traversé les siècles, sans rien perdre de leur élégance qui attire chaque année quelque 300 000 visiteurs. Vaux-le-Vicomte, qui est un des rares châteaux privés (et le plus grand d'entre-eux) que l'on visite entièrement des cuisines voûtées juqu'aux charpentes du dôme attire une clientèle étrangère qui compte essentiellement des Anglais, des Américain, des Japonais, des Russes et des Hongrois.


par Dominique  Raizon

Article publié le 23/03/2005 Dernière mise à jour le 23/03/2005 à 14:23 TU