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Jordanie

Abdallah II s’en prend à la Syrie et à l’Iran

Abdallah II a tenu à informer George Bush que la Jordanie avait déjà déjoué plusieurs tentatives du Hezbollah <I>«d’envoyer des terroristes en Israël»</I> par son territoire.(Photo: AFP)
Abdallah II a tenu à informer George Bush que la Jordanie avait déjà déjoué plusieurs tentatives du Hezbollah «d’envoyer des terroristes en Israël» par son territoire.
(Photo: AFP)
Selon la presse israélienne, le roi Abdallah II de Jordanie a tenu des propos très durs contre les régimes iranien et syrien lors d’une réunion à Washington avec des représentants de la communauté juive américaine. Il les a accusés d’être la principale cause d’instabilité dans la région et a recommandé à Israël de bien vérifier l’origine des attaques dont pourrait être victime l’Etat hébreu.

Si l’absence du roi Abdallah II au sommet arabe d’Alger et son choix de maintenir une visite prévue de longue date aux Etats-Unis avaient déjà suscité certains commentaires acides, les déclarations qu’il a prononcées mardi à Washington, lors d’une rencontre avec différents représentants de la communauté juive américaine, risquent de déclencher une cascade de critiques acerbes dans le monde arabe. Selon le quotidien israélien Yedioth Aaronoth, le souverain jordanien a averti au cours de cette réunion que la Syrie et l’Iran, ainsi que la milice libanaise du Hezbollah soutenue par ces deux pays, «encouragent les attaques terroristes contre Israël afin de détourner l’attention du monde des événements au Liban». Une attaque en règle contre deux nations qui représentent, pour le souverain hachémite, la principale menace à la stabilité de la région.

Selon le quotidien Haaretz, qui rapporte également les propos échangés lors de cette réunion à laquelle participaient notamment des représentants du Congrès juif américain et du Comité juif américain, le roi Abdallah II a indiqué qu’il avait récemment conseillé au Premier ministre israélien Ariel Sharon «de bien vérifier, en cas d’attaque, qui en est à l’origine pour ne pas riposter contre la mauvaise cible», laissant ainsi entendre que le Hezbollah, et non pas les Palestiniens, doit en être tenu pour responsable. Et il a ajouté que son pays avait récemment déjoué plusieurs tentatives du Hezbollah «d’envoyer des terroristes en Israël via la Jordanie». Des informations qu’il avait déjà pu transmettre directement la semaine dernière au président américain George Bush, avec qui il s’était entretenu à la Maison Blanche. Après cette réunion, le président américain avait d’ailleurs déclaré redouter que le Hezbollah ne tente «de faire dérailler le processus de paix entre Israéliens et Palestiniens».

Jamais auparavant la Jordanie, l’un des meilleurs alliés des Etats-Unis dans la région, n’avait lancé une attaque aussi virulente contre son voisin syrien, un pays sur lequel Washington exerce des pressions grandissantes depuis l’assassinat de l’ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri. A l’instar de la plupart des pays arabes, les autorités jordaniennes avaient hésité à prendre position dans la crise qui oppose les Etats-Unis à la Syrie. Amman est, cette fois, clairement sorti de sa réserve. Et ces déclarations d’Abdallah II ne devraient pas améliorer les relations mouvementées qu’entretiennent les deux pays depuis de longues années.

Solidarité arabe avec la Syrie

Chargé de justifier l’absence d’Abdallah II à Alger, le ministre jordanien des Affaires étrangères, Hani Moulki, avait expliqué que le souverain hachémite avait pris «un engagement depuis cinq mois avec 1 000 investisseurs aux Etats-Unis», en expliquant que ce déplacement était «important pour le développement économique de la Jordanie». Mais le roi de Jordanie a peut-être préféré éviter de participer à une réunion au cours de laquelle il risquait d’essuyer un échec diplomatique. Amman avait en effet suggéré que soit discuté au cours du sommet d’Alger un projet de résolution qui provoquait de nombreuses réticences. Les autorités jordaniennes défendaient l’idée d’une nouvelle mouture du plan saoudien adopté par le sommet arabe de Beyrouth en 2002, une initiative qui visait à réactiver les pourparlers de paix au Proche-Orient. Selon des informations divulguées par l’un des participants aux réunions préparatoires du sommet d’Alger, la Jordanie plaidait en faveur d’une formulation plus modérée sur la question du droit au retour des Palestiniens et demandait aux Etats arabes de s’engager dans la normalisation de leurs relations avec Israël sans poser de conditions préalables.

La tentative jordanienne a été accueillie avec beaucoup de méfiance par certains pays arabes, les participants du sommet d’Alger préférant réactiver l’initiative de paix décidée voilà trois ans au Liban. «Les dirigeants ont affirmé que la paix au Proche-Orient ne peut se réaliser que par un retrait total et définitif d’Israël de tous les territoires arabes occupés, l’instauration d’un Etat palestinien avec Jérusalem pour capitale et le règlement de la question des réfugiés palestiniens conformément à la résolution 194 de l’Onu datant de 1948», indique la déclaration finale du sommet d’Alger. Un document dans lequel les participants ont également tenu à exprimer «leur solidarité totale avec la Syrie» et à «condamner les sanctions contre ce pays».

Les récents propos du roi Abdallah II sur le rôle déstabilisateur de ce pays dans la région risquent donc d’accroître le sentiment de méfiance à son égard. Onze ans après la signature de la paix avec l’Etat hébreu, la Jordanie fait l’objet d’attaques régulières dans le monde arabe pour les liens qu’elle entretient avec Israël et pour le soutien qu’elle a offert aux Américains lors de leurs différentes offensives militaires contre l’Irak. De plus, ses relations avec les autorités irakiennes se sont considérablement dégradées au cours des derniers mois, une vive crise diplomatique ayant éclaté cette semaine entre les deux pays en raison de l’implication présumée d’un kamikaze jordanien dans un attentat en Irak. Une tension supplémentaire dans un contexte régional déjà très tendu qui oblige les autorités jordaniennes à réaliser un exercice diplomatique de plus en plus périlleux.


par Olivier  Bras

Article publié le 23/03/2005 Dernière mise à jour le 23/03/2005 à 16:53 TU