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La «stratégie de Lisbonne» peine à trouver ses marques

Le luxembourgeois Juncker (à dr.) face au président de la Commission, José Manuel Durao Barroso: selon le Premier ministre du Luxembourg, le bilan de «l'agenda de Lisbonne» est «<i>lamentable</i>». (Photo: Conseil de l'Union européenne)
Le luxembourgeois Juncker (à dr.) face au président de la Commission, José Manuel Durao Barroso: selon le Premier ministre du Luxembourg, le bilan de «l'agenda de Lisbonne» est «lamentable».
(Photo: Conseil de l'Union européenne)
Les leaders politiques européens sont réunis en sommet à Bruxelles pour faire le bilan à mi-parcours de la «stratégie de Lisbonne». L’occasion également d’enterrer la première mouture de la directive Bolkestein, jugée trop libérale.

Le programme de réformes économiques visant à faire de l’Union européenne la première puissance économique du monde a été «listé» en l’an 2000, à l’occasion d’un sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union, dans la capitale portugaise. L’ensemble de ces projets a pris le nom d’ «Agenda de Lisbonne». Il concerne tous les secteurs d’activités des 25. L’objectif affiché à l’époque pour une échéance en 2010, c’était que l’Europe devienne «l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale». 

Ce Conseil européen de Bruxelles a pour but de faire le point à mi-parcours de ce programme de réformes. Et ce bilan est «lamentable», selon les mots du président en exercice de l’Union européenne, le Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker. Le pessimisme concernant le bilan de ces cinq premières années a été éclipsé par le débat sur la directive Bolkestein qui prévoyait de libéraliser les services dans toute l’Europe. Mais de l’aveu même de la Commission, qui avait commandé un rapport sur la question, les objectifs de cet agenda sont loin d’avoir progressé. Emploi, croissance, recherche n’atteindront pas les résultats escomptés dans cinq ans. Selon ce rapport, le niveau d’emploi de la population européenne reste insuffisant même si six millions d’emplois ont été créés depuis 1999. L’objectif était d’atteindre un taux d’emploi de 70% des actifs. Les jeunes, les personnes les plus âgées et les femmes restent les plus touchés par le chômage. Plutôt que de régresser, son niveau a continué de grimper. Théoriquement, la «stratégie de Lisbonne» visait le plein emploi.

Menaces de dumping social

En outre, la croissance n’a aucune vitalité, elle stagne en dessous de 3% en moyenne. Du coup, les promesses des gouvernements d’augmenter les crédits pour la recherche n’ont pas été respectées. Ce secteur se maintient à 2% des budgets nationaux, sans décoller vers les 3% promis par la «stratégie de Lisbonne». C’est la quadrature du cercle : comment trouver de nouveaux financements pour la recherche et l’innovation, alors que le Pacte de stabilité impose aux Etats de freiner les dépenses pour juguler les déficits?

La polémique sur la directive Bolkestein et la libéralisation des services (prévue dans sa version initiale) a rappelé que, même pour grappiller quelques traces de croissance, Bruxelles ne pouvait pas mettre à mal le modèle social européen. L’objectif de réaliser un marché intérieur des services était prévu dans l’«agenda de Lisbonne». «Le potentiel considérable de croissance et de création d’emplois dans le domaine des services n’a pas pu être réalisé jusqu’à présent en raison de nombreux obstacles qui entravent le développement des activités de services dans le marché intérieur». Pour des raisons de politique intérieure, la France s’est emparée du débat sur cette directive à la connotation trop libérale pour une partie de l’opinion publique. Les menaces de dumping social (la possibilité de choisir, entre deux législations du travail, la moins contraignante) ont eu raison de cette restructuration des services. La morale sociale a pris le pas sur  la création potentielle d’emplois. Pour raison de référendum sur la Constitution et de «non» en progression dans les sondages, la France a «eu la peau» de la directive Bolkestein. L’Allemagne, la Belgique, la Suède et le Danemark ont suivi. «Quand des pays nous rejoignent (ceux de l’Europe de l’Est), ce n’est pas pour faire du dumping social à l’intérieur de l’Union européenne, c’est pour progresser, c’est pour harmoniser vers le haut», a déclaré le ministre belge des Finances, Didier Reynders.

L’Europe de l’Est aurait bénéficié de cette libéralisation

Jacques Chirac pour sa part «exclut» l’idée de maintenir «le principe du pays d’origine» dans la refonte de la directive Bolkestein. «Nous sommes prêts à étudier les modalités d’une ouverture du marché des services, à condition que ce soit un marché qui permette de tirer tout le monde vers le haut et non vers le bas», a déclaré le président français. Les nouveaux Etats membres de l’UE venus d’Europe orientale auraient bénéficié de cette libéralisation des services car leurs charges sociales sont plus faibles, le coût de leur main-d’œuvre moins élevé. Ces pays se sont tout de même incliné devant l’abandon de la directive Bolkestein afin de ne pas compromettre l’adoption de la Constitution européenne, aujourd’hui malmenée par une opinion publique française qui veut du donnant-donnant de la part de son gouvernement.

En dehors de ces convulsions sur la plus récente des réformes de l’Union, le sommet de Bruxelles va revoir à la baisse les ambitions de la «stratégie de Lisbonne». Elle devrait se recentrer sur quelques objectifs de base comme la croissance et l’emploi. 


par Colette  Thomas

Article publié le 23/03/2005 Dernière mise à jour le 21/04/2005 à 14:47 TU

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Yves Gazzo

Représentant de la Commission européenne à Paris

«L’Europe recherche la compétitivité avec l'inclusion du social, à la différence des Etats-Unis.»

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