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Constitution européenne

Le «non» progresse dans l’opinion française

Selon le dernier sondage publié par l’institut CSA plus de la moitié des Français voteraient «non»  lors du référendum sur la Constitution européenne.DR
Selon le dernier sondage publié par l’institut CSA plus de la moitié des Français voteraient «non» lors du référendum sur la Constitution européenne.
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La publication des résultats du premier sondage où le «non» à la Constitution européenne arrive en tête en France marque une étape dans la campagne pour le référendum du 29 mai. La progression du camp des opposants au Traité, engagée depuis plusieurs semaines, est donc confirmée par cette enquête qui montre aussi que les indécis sont encore très nombreux. Du côté des partisans du «oui», on veut positiver cette mauvaise nouvelle et l’utiliser pour mobiliser toutes les énergies afin de convaincre les Français du caractère historique d’un vote en faveur de la Constitution européenne.

Si le «oui» l’emporte, ce sera à l’arrachée. Car à en croire les sondages, ce sont les opposants à la ratification de la Constitution européenne qui ont le vent en poupe depuis quelques semaines en France. Certes, le dernier sondage publié par l’institut CSA selon lequel 51 % des Français voteraient «non» contre 49 % «oui», lors du référendum, n’est pas une fin en soi. D’autant que cette même enquête montre aussi que 53 % des personnes interrogées ne savent pas trop à quoi s’en tenir et hésitent entre l’abstention, le vote blanc ou nul. Il ne faut néanmoins pas négliger cet indicateur de l’évolution de l’opinion des citoyens.

Les défenseurs du «oui» en sont conscients. Et s’ils ont tous essayé de cacher leur inquiétude derrière une combativité sans faille, ils savent que la ratification du Traité n’est pas dans la poche. Nicolas Sarkozy, le président de l’Union pour un mouvement populaire (UMP), en est tellement persuadé qu’il a fait l’effort, lors de son premier meeting de campagne à Strasbourg, d’éviter de parler du sujet qui fâche lorsqu’on évoque l’Europe en France : l’adhésion de la Turquie. Contrairement à ses habitudes, l’ancien ministre de l’Economie s’est contenté de militer pour la ratification de la Constitution, histoire de ne pas être accusé de mélanger les enjeux. Il s’est même engagé à aller convaincre les Français «un par un» si nécessaire. Car, pour lui, un vote en faveur du «non» signifierait «soit la paralysie en Europe, soit l’isolement de la France». Deux perspectives aussi néfastes l’une que l’autre.

Un enjeu «historique»

Jean-Pierre Raffarin se veut, quant à lui, serein dans l’adversité. Il estime que «l’incertitude» sur le résultat final du vote des Français participe à leur faire prendre conscience de l’enjeu «historique» de ce référendum et du rôle qu’ils doivent donc jouer pour préserver l’avenir de la France. Le Premier ministre a déclaré : «Le ‘oui’ a besoin d’un débat pour gagner». Les socialistes lui envieront peut-être cette capacité à voir le bon côté des choses et à rester optimiste malgré tout. Leur analyse des résultats du sondage qui place le «non» en tête des intentions de vote est, en effet, un peu moins paisible. Le porte-parole du parti, Julien Dray, en a conclu, comme pour se convaincre lui-même, qu’il ne fallait «pas paniquer» mais faire «un travail pédagogique» dans l’espoir de «convaincre». Et il n’a pas hésité à rappeler un souvenir douloureux dans la mémoire socialiste : celui du premier tour de l’élection présidentielle d’avril 2002 à l’occasion duquel Lionel Jospin avait été éliminé du second tour par Jean-Marie Le Pen. Une manière de rappeler qu’un vote de protestation peut parfois avoir des conséquences plus graves qu’on ne l’imagine.

Il est vrai que la détérioration du climat social en France et le mécontentement des salariés face à la politique menée par le gouvernement ne sont pas étrangers à la progression du «non» à la Constitution européenne. Il est intéressant de voir que c’est chez les électeurs de gauche que le retournement en faveur du «non» est le plus significatif. Entre février et mars, le «oui» a chuté de 27 points parmi les militants socialistes dans les enquêtes réalisées par CSA. Et c’est peut-être cela la plus mauvaise nouvelle pour la direction d’un parti dont les militants se sont prononcés en faveur du «oui» lors d’un référendum interne, mais où de nombreux dissidents s’entêtent à défendre le «non», comme Henri Emmanuelli ou Jean-Luc Mélenchon.

La position de la direction du Parti socialiste est d’autant plus difficile qu’il doit trouver un équilibre entre la critique de la politique du gouvernement et la campagne en faveur de la Constitution européenne. Alors que les deux thèmes sont étroitement liés dans l’esprit des opposants à la ratification. C’est pour cette raison que Julien Dray a estimé que le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin portait «une part de responsabilité» dans cette évolution de l’opinion qui fait de l’Europe «un bouc-émissaire». Le Premier secrétaire du PS, François Hollande, a quant à lui insisté sur le fait qu’il ne fallait pas transformer le référendum sur la Constitution européenne en référendum sur Jacques Chirac, qualifiant cette démarche de «faute».

Quelles qu’en soient les raisons, la tentation du «non» révélée par les sondages commence à inquiéter au-delà des frontières hexagonales. A Bruxelles, la perspective d’une ratification ratée en France donne des sueurs froides. La porte-parole de la Commission européenne, Françoise Le Bail, s’est ainsi alarmée sur les conséquences «d’une semaine agitée» et a espéré que les conditions d’un «débat apaisé» soient bientôt réunies en France. Elle a ainsi fait allusion à la polémique concernant la directive sur la libéralisation des services, dite «Bolkestein», dont les Français ne veulent pas, et qui est venue interférer dans la campagne sur la Constitution européenne. Le président de la Commission, José Manuel Durão Barroso, dont les déclarations sur ce sujet sensible ont été à l’origine d’un nouvel émoi anti-Europe, est aussi intervenu pour tenter de calmer le jeu. Il a expliqué : «La Constitution n’a rien à voir avec la directive sur les services…et donc j’espère que la France, un pays fondateur, un pays qui est au cœur de l’Europe, montre son attachement à l’idée européenne car nous avons besoin d’une France à l’avant-garde de la construction européenne». Et pour montrer à quel point il est de bonne volonté, il a accepté de participer, au moins d’avril, à une émission politique sur la télévision publique française consacrée au référendum sur la Constitution.


par Valérie  Gas

Article publié le 18/03/2005 Dernière mise à jour le 18/03/2005 à 16:57 TU