Politique française
Le Congrès adopte la Constitution européenne
(Photo : AFP)
Pour la 13e fois depuis le début de la Ve République, les députés et sénateurs français se sont réunis en Congrès pour intégrer la Constitution européenne à la Constitution française. Le titre XV de cette dernière, qui était déjà entièrement consacré à l’Union européenne, est complètement réécrit. Les modifications ne prendront effet que lorsque le nouveau traité européen entrera en vigueur. Auparavant, il faut que dans chacun des 25 pays membres, les assemblées parlementaires ratifient ce texte, comme les 907 parlementaires français. Si pour une raison ou une autre le nouveau traité européen n’entrait pas en vigueur, l’ancien article de la Constitution française sur l’Union européenne serait rétabli.
« Exercer en commun certaines compétences »
« Dans les conditions fixées par le traité établissant une Constitution pour l’Europe, signée le 29 octobre 2004, la France participe à l’Union européenne, constituée d’Etats qui ont choisi librement d’exercer en commun certaines de leurs compétences ». Cet article général encadre l’adaptation de la constitution française et détaille les transferts de compétence à venir, si tout le processus européen parvient à son terme.
Autre aspect de cette réforme constitutionnelle, un référendum sera désormais organisé pour décider de toute nouvelle adhésion à l’Union européenne, en dehors de la Bulgarie, de la Roumanie, et de la Croatie. Jacques Chirac a pris cet engagement concernant d’autres élargissements. Le but, c’est de donner l’assurance aux Français qu’ils pourront se prononcer au suffrage universel quand se posera la question de l’adhésion de la Turquie à l’Union.
Les traités de Maastricht et d’Amsterdam avaient déjà donné lieu à la convocation du Congrès à Versailles. Chaque fois, l’Assemblée et le Sénat votent d’abord, et séparément, un projet de loi constitutionnel. Les parlementaires, de droite comme de gauche, avaient massivement approuvé ce projet de loi.
Le « non » progresse
Après cette révision de la Constitution, des entretiens sont prévus cette semaine entre Jacques Chirac et les deux présidents des deux assemblées ainsi qu’avec les responsables des partis politiques. Ensuite, le président de la République annoncera la date à laquelle se tiendra le référendum. Cette consultation au suffrage universel se déroulera au plus tard en juin. Le chef de l’Etat ne devrait pas choisir une date trop lointaine car le « non » progresse. Les intentions de voter « oui » restent majoritaires en France mais le « non » a fait une percée dans les sondages. En janvier, le « oui » l’emportait à 63%, en février il passe à 58% des personnes interrogées. Du côté du « non », une partie de la gauche estime que le nouveau traité européen, destiné à remplacer les précédents, est trop libéral. Plusieurs syndicats envisagent d’ailleurs de suivre la voie tracée par la CGT et de dire « non » à ce texte. Dimanche, le très médiatique José Bové, ancien représentant de la Confédération Paysanne, s’est lui aussi rallié au « non ». Un autre courant alimente les arguments du « non ». Ce courant met en avant la question de l’adhésion de la Turquie.
Avant de se lancer dans la bataille électorale pour le « oui », le gouvernement Raffarin a commencé par faire d’une pierre deux coups avec ce Congrès de Versailles. Les députés et les sénateurs ont également intégré la Charte de l’environnement à la Constitution. Son préambule est modifié. Désormais, il continuera à rappeler l’attachement des Français aux droits de l’homme (1789), aux droits économiques et sociaux (1946). Mais ce préambule énoncera en plus les principes résumés dans la Charte de l’environnement. Une modification de l’article 34 de la Loi fondamentale est également prévue pour y indiquer que les règles liées à la préservation de l’environnement sont du domaine de la loi.
Une charte de l’environnement
Si changer la Constitution, pour intégrer la nouvelle donne européenne, n’a pas posé de problème dans la classe politique dans son ensemble, il n’en a pas été de même pour la Charte de l’environnement. Ces jours derniers, les socialistes ont reproché à Jacques Chirac d’avoir empêché le débat sur le contenu de cette Charte puisqu’il a profité de la révision liée au nouveau traité pour intégrer également les nouveaux principes environnementaux dans le préambule de la Constitution. Les choses se sont finalement arrangées quelques heures avant le vote. Les socialistes risquaient de déplaire aux écologistes en refusant cette Charte. Elle représente tout de même une avancée pour la défense de l’environnement. Finalement, les parlementaires socialistes ont choisi « la non participation au vote ». François Hollande, le secrétaire général du Parti socialiste, a déclaré : « J’ai fait prévaloir l’esprit de responsabilité qui, reconnaissons-le, va permettre au texte de passer… Le refus de vote permet d’exprimer notre réserve sur la méthode ».
En dehors du « oui » à la Charte de l’environnement, trois possibilités s’offraient aux socialistes pour montrer leur désaccord sur la méthode : le « non », l’abstention, et « la non participation au vote ». Cette dernière solution a été décidée après concertation entre socialistes. Ils ont donc quitté le Congrès avant le vote sur la Charte. Leur suffrage ne peut être comptabilisé. Trois-cinquièmes au moins des députés et sénateurs présents doivent l’approuver pour qu’une modification soit adoptée.
par Colette Thomas
Article publié le 28/02/2005 Dernière mise à jour le 28/02/2005 à 16:55 TU