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Constitution européenne

Interrogations sur l’impact du «oui» espagnol

La vice-présidente suédoise de la Commission européenne Margot Wallstroem se félicite de la victoire du «oui» au referendum espagnol mais met en garde contre un trop plein d'enthousiasme prématuré.(Photo : AFP)
La vice-présidente suédoise de la Commission européenne Margot Wallstroem se félicite de la victoire du «oui» au referendum espagnol mais met en garde contre un trop plein d'enthousiasme prématuré.
(Photo : AFP)
«Oui massif» selon les uns au référendum sur la Constitution, «décevant» selon les autres: si, à la lecture des résultats, le référendum espagnol devait avoir une valeur de test pour les pays qui ont pris le risque de soumettre la Constitution au suffrage des électeurs, peut-on dire que ces résultats constituent réellement un «signal fort» aux citoyens des neuf autres pays de l’UE ? Les Espagnols ont répondu certes par un «oui» net avec 76,73% des voix, mais le taux d’abstention record étant de 57,68%, il revient à dire qu’un peu plus du quart (ou seulement un peu plus du quart) de la population espagnole s’est exprimé clairement en faveur de cette constitution. On est loin d’un «oui» majoritaire. Pourtant, «nous vous invitons à suivre le chemin que nous avons ouvert en Espagne», a déclaré le président du gouvernement espagnol José Luis Rodriguez Zapatero, auquel les présidents Jacques Chirac, en France, et Gerhard Schroeder, en Allemagne, avaient prêté main forte lors de sa campagne en faveur du «oui». Suivre ou ne pas suivre, tout est question d’interprétation.

L’Espagne croyait la partie gagnée d’avance, l’ensemble des grands partis politiques de droite et de gauche se montrant favorable au projet. Globalement, la victoire du «oui » a été accueillie avec satisfaction, mais la «nette victoire du oui» selon les uns, est un «échec» selon les autres, chacun interprétant à sa façon si cette participation donne réellement matière à se réjouir. En France, le président Jacques Chirac et le premier secrétaire du Parti socialiste François Hollande ont reconnu dans ce «oui» espagnol un «symbole fort». Le président de la Commission européenne, le Portugais José Manuel Durão Barroso, a estimé qu’il était susceptible d’avoir «un impact positif» sur les autres pays de l’UE. A Bruxelles, le commissaire responsable de la politique étrangère, l’Espagnol Javier Solana- s'est réjoui.

Les résultats de dimanche ont été observés avec attention en France, en raison de l’effet boule de neige que pourrait constituer ce premier scrutin espagnol. Or, parmi les partisans du «oui», on distingue ceux qui préfèrent saluer un succès électoral «encourageant» en dépit du fort taux d’abstention, et ceux qui sont inquiets de cette abstention record. Ainsi, en ouvrant le bal, l’Espagne a surtout permis à ses voisins, et plus particulièrement aux Français (qui seront appelés aux urnes courant du mois de mai) et aux Portugais (appelés à se prononcer en avril), de prendre la température de l’opinion, et de mesurer le travail d’explication et d’information qui s’impose encore sur le texte de cette constitution pour mobiliser les électeurs. A ce titre, un chiffre mérite qu’on y prête attention car il éclaire en partie le déficit des participations: à la veille du scrutin, et selon un sondage de l’institut CIS, 90,6% des électeurs espagnols considéraient que leur degré de connaissance du traité constitutionnel était «bas, très bas, ou nul».

«Oui bof», peut mieux faire !

Soucieux d’éviter une pareille démobilisation, plusieurs responsables politiques ont plaidé en France pour une «campagne pédagogique». Valéry Giscar d’Estaing, ancien président de la Convention européenne qui a rédigé le projet de Constitution a plaidé pour une «campagne très explicative» car les «partis peuvent donner l’impression qu’ils se trompent de campagne». Faisant référence à la victoire du «oui», Claudie Haigneré, la ministre des Affaires européennes, espère «pouvoir suivre ce chemin-là», mais suivre en faisant mieux car, au-delà des motifs propres aux Espagnols, l’abstention massive au referendum de dimanche pourrait servir de signal d’alarme à l’Union européenne (UE) qui devrait populariser davantage son image si elle ne veut pas céder à ses détracteurs. Des responsables socialistes espagnols, favorables au «oui», attribuent une part de l’abstention à la tiédeur supposée des conservateurs à défendre ce «oui». Mais au-delà de la tiédeur de la campagne, les journaux français relèvent la difficulté de dissocier les enjeux de politique européenne et de politique intérieure et, en ce sens, considèrent avant tout le scrutin espagnol comme un «avertissement». L’ensemble de la presse européenne salue un «oui bof», mais s’inquiète davantage des raisons de ce fort taux d’abstention.

La forte abstention de dimanche est porteuse d’un certain nombre de leçons. Probablement l’Espagne paie-t-elle une précipitation qui l’a conduite à vouloir être la première à organiser un vote, mais le referendum n’échappant pas à la politique, on voit déjà des partisans fermes du «non» comme le socialiste Henri Emmanuelli en France s’empresser de déclarer que ce vote était «la confirmation d’une véritable carence démocratique de l’Europe qui devient très, très, très préoccupante», ou le sénateur socialiste Jean-Luc Mélenchon, également opposé au texte, parler quant à lui d’un «immense flop», rejoignant par là le coordinateur général de la gauche unie en Espagne, Gaspar Llamazares, qui déclare que la somme des «non» et des abstentions «prive le processus constitutionnel européen de légitimité et de crédibilité tant en Espagne qu’en Europe».

Appelé à entrer en vigueur le 1er novembre 2006, le traité constitutionnel européen signé par les chefs d’Etat et de gouvernement le 29 octobre dernier à Rome, doit être ratifié par les Vingt-Cinq, par voie parlementaire ou référendaire. Parmi les dix pays qui ont choisi cette voie référendaire, on compte les Pays-Bas, la France, le Portugal, le Luxembourg, la Pologne, l’Irlande, le Danemark, le Royaume-Uni, la République tchèque, et l’Espagne. En Allemagne, où la Constitution devrait être ratifiée d’ici l’été par voie parlementaire - à l’instar de la Lituanie, la Hongrie et la Slovénie qui ont déjà choisi cette voie- le ministre allemand des Affaires étrangères, Joschka Fischer, s’est réjoui que «les Espagnols aient voté si nettement en faveur du ‘oui’, ce qui donne un signal clair à toute l’Europe».


par Dominique  Raizon

Article publié le 21/02/2005 Dernière mise à jour le 21/02/2005 à 17:54 TU

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«L'important n'est peut être pas dans ce qui est dit, plutôt dans le fait de le dire ensemble.»

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