Constitution européenne
Un référendum plus rapide que prévu
(Photo : AFP)
Aller plus vite que la progression du «non» : il s’agit, semble-t-il, du nouvel objectif du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin. Lors de l’ouverture du débat sur la modification de la Constitution française, au Sénat, le Premier ministre a ainsi clairement exprimé son souhait de ne pas perdre de temps : «Ce qui nous paraît important, c’est d’aller vite dans l’organisation du Congrès, après le vote du Sénat, de manière à ce que rapidement puisse s’engager dans le pays le débat sur le traité constitutionnel [européen]». Les sénateurs l’ont entendu et ont adopté sans le modifier le texte qui était passé devant l’Assemblée nationale le 1er février. Reste maintenant à fixer la date de la convocation du Congrès du Parlement à Versailles, où la modification de la Constitution devra obtenir un vote favorable de la part des trois cinquièmes des élus pour pouvoir entrer en vigueur. Une date circule d’ores et déjà : le 7 mars. Mais elle n’a pas encore été confirmée.
La consultation des Français prévue par Jacques Chirac «avant l’été» 2005 pourrait donc bien avoir lieu au printemps, entre le 22 mai et le 5 juin au plus tard. Le président de la République choisira la date qui lui semble la plus adéquate pour organiser ce référendum à haut risque. L’exercice est périlleux car il faut à la fois tenir compte des délais incompressibles nécessaires pour organiser le scrutin et la campagne qui doit le précéder, mais aussi des aléas du calendrier des fêtes, nombreuses en cette période de l’année. Etant donné l’enjeu de cette consultation, le Premier secrétaire du Parti socialiste, François Hollande, a appelé le chef de l’Etat à prendre l’avis des représentants des grandes formations politiques avant de fixer une date. «Je crois que ça ne peut être la décision d’un seul. Ce doit être une décision partagée parce que c’est l’ensemble des familles politiques qui ont souhaité le référendum».
Convaincre les FrançaisEn quelques jours, la pression est donc montée autour de la question du référendum. Il est vrai que les derniers sondages font état d’une progression du «non» dans les intentions de vote des Français. On se situerait aujourd’hui dans un rapport où le «oui» ne l’emporterait plus que par 58 % contre 42 %. Il est vrai que les partisans du refus du texte sont de plus en plus actifs depuis quelques semaines. Des communistes aux syndicalistes de la CGT, en passant par les sceptiques du Parti socialiste, les membres du Mouvement républicain et citoyen (MRC), ou ceux du Mouvement pour la France (MPF), ils n’ont cessé de dénoncer les lacunes sociales du projet de constitution ou le danger qu’il représente pour la souveraineté nationale. Sans parler du débat au sein même de l’UMP (Union pour un mouvement populaire), le parti chiraquien, à propos d’une éventuelle entrée de la Turquie dans l’Union européenne, à laquelle certains membres s’opposent farouchement, qui est venu brouiller le message en faveur de la ratification de la Constitution européenne.
Le gouvernement a donc décidé de donner un coup d’accélérateur à la campagne. Dans l’espoir de ne pas se trouver dans la même situation que lors du référendum sur le Traité de Maastricht, en 1992, qui n’avait été adopté qu’à une très courte majorité à l’issue d’une trop longue campagne. A en croire les responsables politiques, il ne s’agit pas pour autant d’escamoter le débat et de tenter simplement de prendre de vitesse la progression du camp des sceptiques. Mais plutôt de convaincre les Français de la nécessité de ratifier ce texte pour préserver l’avenir du pays. Jean-Pierre Raffarin a ainsi expliqué la nouvelle hâte du gouvernement à engager le débat par «la capacité qu’a le «oui» à être une bonne réponse aux inquiétudes des Français». Il a donc appelé les parlementaires à mener une campagne de «proximité» et à faire preuve de «pédagogie» pour convaincre les électeurs. Le ministre des Affaires étrangères, Michel Barnier, a quant à lui essayé de mettre en valeur l’enjeu fondamental pour la place de la France de la ratification de la Constitution européenne. Il a déclaré : «Aucun de nos pays européens n’est capable d’être à la table des grands tout seul. Nous y serons en tant qu’Européens ou nous n’y serons pas», ajoutant que «si la France ne reste pas en tête de ce projet [de Constitution], alors personne ne devra s’étonner ou se plaindre que les idées françaises ne restent pas en tête».
Les responsables politiques français espèrent aussi bénéficier d’un mouvement de contagion en provenance des Etats voisins, notamment de l’Espagne et de l’Allemagne. Dans ce premier pays, les habitants sont appelés à se prononcer sur le traité constitutionnel le 20 février. Et sauf surprise majeure, tout porte à croire que le texte devrait être ratifié. Dans la foulée de cette consultation, le président du gouvernement espagnol José Luis Zapatero, doit d’ailleurs venir prendre la parole devant les députés français. De là à y voir une occasion de tirer profit immédiatement de l’enthousiasme européen des Espagnols, il n’y a qu’un pas. En Allemagne, la ratification ne doit pas faire l’objet d’un référendum mais d’un vote au Parlement. Néanmoins, il semble probable -Paris en aurait fait la demande- que celui-ci soit aussi organisé avant la consultation des Français dans l’espoir de renforcer un mouvement transfrontalier en faveur du «oui».
par Valérie Gas
Article publié le 17/02/2005 Dernière mise à jour le 17/02/2005 à 17:11 TU