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Le gouvernement doit répondre à la grogne

Si le gouvernement ne donne aucun signe encourageant aux syndicats, il prend le risque de devoir faire face à une colère grandissante.(Montage: AFP/RFI)
Si le gouvernement ne donne aucun signe encourageant aux syndicats, il prend le risque de devoir faire face à une colère grandissante.
(Montage: AFP/RFI)
Le succès des défilés organisés à l’appel des confédérations syndicales le jeudi 10 mars met le gouvernement français dans l’embarras. Motivée en priorité par la colère provoquée par la baisse du pouvoir d’achat, la grogne sociale ne faiblit pas. Au contraire. Et le gouvernement ne va pas pouvoir jouer la carte du pourrissement du mouvement sans donner quelques preuves de bonne volonté.

Jean-Pierre Raffarin a parlé. Au lendemain des manifestations qui ont réuni, suivant les sources, entre 500 000 et un million de personnes dans les villes de France, le Premier ministre a été obligé de montrer qu’il avait entendu le message de la rue, tout en rappelant qu’il était aux commandes et que son rôle, certes parfois ingrat, était de mener une politique «lucide». Il a ainsi déclaré : «Le courage est à la fois dans l’écoute et la détermination».

En signe de bonne volonté, le chef du gouvernement a tout de même demandé à ses ministres de «poursuivre le dialogue avec les organisations syndicales» et de continuer «l’effort d’explication sur les réformes en cours». Une manière d’affirmer qu’il n’est pas question de les abandonner. Aucune promesse concrète n’a donc été faite, notamment concernant la hausse des rémunérations demandée par les manifestants. L’idée d’un «Grenelle des salaires», en référence à la négociation qui avait permis après mai 68 de procéder à une réévaluation générale des rémunérations, n’est pas du tout à l’ordre du jour. Jean-François Copé, le porte-parole du gouvernement, s’est exprimé sur cette revendication et en a écarté d’emblée la perspective.

Il a, en revanche, essayé de calmer les esprits en ne minimisant pas l’importance du mécontentement exprimé par les milliers de salariés du secteur public, mais aussi du privé, qui sont descendus dans la rue à trois reprises ces dernières semaines, sans que leur mobilisation ne faiblisse. Il a ainsi estimé qu’il fallait «entendre le message exprimé» par les manifestants. Mais il a aussi mis en valeur la «diversité» de leur revendication et la nécessité d’apporter «des réponses précises à chacun d’entre eux».

Eviter une nouvelle dégradation sociale avant le référendum

Autrement dit le gouvernement veut poursuivre sa politique que ce soit sur les salaires, sur les 35 heures, sur l’éducation… et éviter toute négociation globale. Pour autant, il ne peut se contenter de prendre simplement acte du mécontentement en attendant que les choses se calment d’elles-mêmes. D’autant que le président de la République a désormais fixé la date du référendum sur la Constitution européenne (le 29 mai) et que l’impact d’une dégradation sociale sur cette consultation est particulièrement redouté par le gouvernement mais aussi par l’ensemble des partisans du «oui».

Un fait est d’ailleurs assez significatif de ce point de vue. Peu de représentants socialistes favorables à l’adoption de la Constitution européenne ont participé aux défilés. Alors que les opposants au texte qui ont fait entendre leur voix  au sein du parti, comme Laurent Fabius, ont été beaucoup plus actifs. Il est vrai que la grogne sociale a actuellement tendance à rejoindre le sentiment anti-européen et que le mélange des genres pourrait avoir des conséquences sur le référendum aussi difficiles à gérer pour la droite que pour la gauche. Le Premier secrétaire du PS, François Hollande, n’a malgré tout pas voulu rester en dehors du mouvement de protestation face à la politique du gouvernement et a demandé à Jean-Pierre Raffarin de prendre «une décision claire et rapide» sur le thème du pouvoir d’achat.

Il est vrai que si le gouvernement ne donne aucun signe encourageant aux syndicats, il prend le risque de devoir faire face à une colère grandissante. Bernard Thibaut, le secrétaire général de la CGT, a d’ailleurs promis que les choses n’en resteraient pas là si aucun effort n’était fait pour répondre aux attentes des salariés. «Il faut qu’il y ait du sonnant et du trébuchant pour le secteur public et le secteur privé… J’attends qu’on nous propose des dates de rendez-vous pour de réelles négociations sur le sujet».

Sans prendre d’engagement précis, le gouvernement a fait quelques ouvertures. Tout d’abord, le ministre de la Cohésion sociale, Jean-Louis Borloo, a annoncé la réunion de la Commission nationale de la négociation collective, le 18 mars, pour proposer des revalorisations salariales dans le privé. L’objectif est d’essayer de relancer des négociations par branche entre les organisations syndicales et patronales. Une tâche qui s’annonce ardue. Mais surtout, le gouvernement entend développer la participation des salariés dans les entreprises. A un moment où l’annonce des très bons résultats d’un certain nombre de groupes français a renforcé l’incompréhension des salariés, qui ont l’impression de perdre leur pouvoir d’achat alors que les entreprises gagnent de l’argent, il s’agit pour le Premier ministre de mettre en œuvre les moyens d’une meilleure redistribution des bénéfices en revalorisant la part des salariés par rapport à celle des actionnaires traditionnels. Il devrait donc faire des propositions allant dans ce sens le 23 mars prochain, au Conseil économique et social.

Reste le dossier épineux de la revalorisation des salaires dans la fonction publique où les syndicats estiment que des «mesures d’urgence» sont nécessaires pour compenser une perte de pouvoir d’achat évaluée à 5 % par rapport à l’inflation depuis 2000. Jean-François Copé avait d’ailleurs essayé de calmer les revendications sur ce thème en expliquant que «les marges de manœuvres étaient limitées». Et le ministre de la Fonction publique, Renaud Dutreil avait, quant à lui, précisé qu’il n’avait pas «de mandat» pour négocier sur les salaires. Au soir des manifestations, le discours est pourtant devenu moins ferme et Renaud Dutreil a obtenu le feu vert pour proposer aux syndicats de les rencontrer avant la fin du mois de mars de manière à «évoquer tous les sujets, sans tabou».


par Valérie  Gas

Article publié le 11/03/2005 Dernière mise à jour le 11/03/2005 à 17:28 TU