Social
Raffarin ouvre la porte aux augmentations de salaires
(photo : AFP)
Matignon a changé de ton. A un Jean-Pierre Raffarin déterminé à ne pas gouverner sous la pression de la rue vendredi, a succédé, dimanche, un Premier ministre bienveillant vis-à-vis des revendications «légitimes» sur le pouvoir d’achat exprimées par les salariés. Juste le temps pour le chef du gouvernement de mesurer l’impact des manifestations qui ont réuni dans les rues de France entre 500 000 et un million de personnes, mais aussi d’entrevoir qu’à moins de trois mois du référendum sur la Constitution européenne, il n’était pas vraiment de bon ton de laisser la mauvaise humeur sociale s’installer.
C’est pour cette raison que Jean-Pierre Raffarin a annoncé sur Radio J qu’il avait demandé au ministre de la Fonction publique, Renaud Dutreil, d’engager d’ici la fin du mois de mars des négociations avec les syndicats de fonctionnaires. Il a néanmoins tenu à préciser que ces discussions devaient porter, certes sur les revalorisations salariales, mais aussi plus largement sur la «modernisation» de la fonction publique. En mettant en valeur ce dernier point, le Premier ministre a voulu montrer que son désir de continuer les réformes était intact. Quelles que soient les ouvertures auxquelles il voulait bien consentir.
Jean-Pierre Raffarin a, d’autre part, justifié sa pirouette sur la question de l’augmentation des salaires des fonctionnaires, jusqu’ici toujours repoussée au nom de la maîtrise des dépenses publiques, par la découverte d’une petite manne budgétaire dont il espère pouvoir profiter pour financer cette rallonge. Le chef du gouvernement a ainsi expliqué qu’il comptait sur les recettes fiscales supplémentaires que devrait générer la croissance en 2005. Ce ballon d’oxygène pourrait donc permettre d’engager, dès le 22 mars, une discussion sur la base des exigences des syndicats concernant une réévaluation des salaires d’environ 1 % supplémentaire par rapport aux augmentations déjà prévues (0,5 % en février, 0,5 % en novembre). Le Premier ministre a tout de même voulu rester prudent en se gardant bien d’annoncer des objectifs chiffrés avant le début des rencontres : «J’ouvre la discussion, je ne la ferme pas en annonçant des chiffres».
En attendant le point de vue du MedefCette main tendue aux fonctionnaires de la part de l’Etat employeur a été globalement saluée comme un effort allant dans le bon sens par les syndicats, qui n’ont pas manqué, tout de même, de faire valoir que le Premier ministre avait été contraint à céder par la forte mobilisation des salariés lors la journée de grève du 10 mars. En acceptant de dialoguer, le gouvernement a franchi le cap psychologique. Reste maintenant à passer de la parole aux actes. Et c’est à ce tournant que les syndicats l’attendent. Car ils jugeront les bonnes intentions affichées en fonction des «résultats concrets» qu’elles permettront d’atteindre.
Les organisations syndicales ont, par contre, exprimé leur déception concernant l’implication du gouvernement pour faciliter l’ouverture de négociations salariales dans le privé. Au-delà de la convocation, le 18 mars, de la commission nationale de la négociation collective placée sous la présidence du ministre du Travail, Gérard Larcher, ils attendent que le Premier ministre fasse preuve de plus de fermeté face au patronat pour le contraindre à engager des négociations par branche sur la question de la rémunération. Même si les propositions concernant le développement de l’intéressement des salariés dans l’entreprise et la redistribution des bénéfices, que Jean-Pierre Raffarin doit présenter le 23 mars, sont jugées intéressantes, les syndicats ont indiqué qu’elles ne seraient de toute manière pas suffisantes pour remplacer des revalorisations de salaires.
Et sur ce point, quelle que soit la bonne volonté du Premier ministre pour que le gouvernement joue «pleinement son rôle d’incitateur», il n’a pas toutes les cartes en main. Si d’un côté, les organisations syndicales qui représentent les salariés font peser la menace d’une relance du mouvement social pour le contraindre à intervenir, de l’autre celles qui représentent le patronat n’ont pas l’intention de s’engager dans une négociation qui pourrait leur coûter cher, quoi qu’en pense le gouvernement. Le président de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME), Jean-François Roubaud, a d’ailleurs tout de suite réagi aux propos de Jean-Pierre Raffarin concernant les salaires. Il a ainsi affirmé : «L’Etat n’a pas à s’immiscer dans la gestion de nos petites et moyennes entreprises». Cette déclaration donne le ton. Mais c’est le point de vue du Medef, dont le président Ernest-Antoine Seillière doit donner les détails mardi 15 mars, qui sera le plus révélateur.
par Valérie Gas
Article publié le 14/03/2005 Dernière mise à jour le 14/03/2005 à 17:22 TU