Politique française
Victoire de Chirac à Bruxelles, campagne électorale en France
(Photo: AFP)
«L’Europe a voulu faire plaisir à Chirac avant le référendum». C’est ainsi qu’Alain Madelin, ancien ministre de l’Economie, a commenté les résultats du sommet de Bruxelles. «Bien évidemment les Européens ne souhaitent pas que le non l’emporte en France». Mais selon Alain Madelin, «la libéralisation des services est inscrite dans le traité de Rome depuis l’origine et elle est absolument nécessaire. La France, qui a une très forte industrie des services, a tout à y gagner», a-t-il encore expliqué. Entre le secteur du tourisme et celui de la publicité notamment, la France aurait une carte à jouer dans ce domaine. Mais puisque le «non» est en jeu, la directive Bolkestein sera revue. A Bruxelles, Jacques Chirac en a profité pour critiquer une exception qui perdure : le chèque remis chaque année par la Commission à la Grande-Bretagne pour cause de participation jugée excessive au budget de l’Union. «Ce chèque ne se justifie plus», a déclaré le président français.
Chirac et les agriculteurs français, en principe, même combat. Après sa victoire politique, mercredi à Bruxelles, reste maintenant au président français à convaincre les paysans de voter «oui». Pour le moment, c’est «non». Les sondages l’indiquent : la majorité des agriculteurs français a l’intention de rejeter le nouveau traité européen, à l’occasion du référendum du 29 mai prochain.
Les paysans ont l’intention de voter « non »
La côte d’amour entre les agriculteurs et le président français n’est plus ce qu’elle était. La dernière réforme de la Politique Agricole Commune est en train de se concrétiser dans les campagnes. Le «découplage» des aides passe mal. Habitués à produire le plus possible, les paysans n’acceptent pas de penser d’abord aux aides européennes et ensuite à quelles cultures pourraient correspondre ces aides. C’est ainsi qu’ils interprètent la réforme dont le but est de limiter la course aux rendements et de moins privilégier les grandes exploitations agricoles. La dernière réforme de la PAC oblige également les agriculteurs à respecter de nouvelles règles afin de protéger l’environnement ou de faciliter l’identification du bétail. Si ce cahier des charges n’est pas respecté, l’Europe pourra prélever des pénalités financières sur les aides. Les paysans français ont donc le blues et selon un sondage récent de l’institut Ipsos, entre 69 et 85% d’entre eux ont l’intention de voter «non» au référendum sur la Constitution.
Le désaveu des agriculteurs s’est déjà manifesté dans de précédents scrutins. Alors cette fois, bon nombre de leaders politiques partisans du « oui » auront fait le voyage au Mans, pour s’exprimer à la tribune de la FNSEA. Le plus grand syndicat agricole français tient actuellement son congrès annuel dans la Sarthe. Le président de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles, Jean-Michel Lemétayer, a annoncé que personnellement, il a l’intention de voter «oui». Et la direction du syndicat ne donnera pas de consigne de vote à ses adhérents.
Chantage au «oui»
Malgré cette victoire de Chirac contre l’Europe libérale, les partisans du «non» français ne désarment pas. A la tribune de la FNSEA, au Mans, Alain Bocquet, président du groupe communiste à l’Assemblée nationale, a déclaré que « la vague du non qui enfle dans le pays est une lame de fond. Contrairement à ce qu’affirment certains prophètes de malheurs, une victoire du non ne conduirait pas à l’isolement de la France ». Alain Bocquet a également affirmé que « la fameuse directive Bolkestein menace aussi l’agriculture car la déréglementation généralisée des services offrira aux plus puissants la possibilité de casser leurs coûts de production, et portera une atteinte irréversible à la survie de beaucoup d’autres».
Pour sa part Nicolas Sarkozy a mis en garde les agriculteurs contre un «non» qui serait lourd de conséquences dans les futures négociations dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce. François Hollande, Premier secrétaire du Parti socialiste démontrait que le «oui» permettrait de défendre les acquis de la Politique agricole commune.
Le dernier leader politique à s’exprimer au Mans sera le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin. Une apparition devant les ruraux puis dans la soirée, un passage au journal télévisé pour continuer de rassurer sur le pouvoir d’achat tout en montrant la face sociale de l’Union européenne. Le premier ministre a pris le relais de Jacques Chirac. Au lendemain de sa victoire à Bruxelles, il déclarait : «Dans le monde d’aujourd’hui, l’Europe est ce que nous décidons d’en faire».Les lycéens, eux, ont une fois encore manifesté - au Mans – pour refuser la réforme Fillon.
par Colette Thomas
Article publié le 24/03/2005 Dernière mise à jour le 24/03/2005 à 16:50 TU