Taiwan
Un «carnaval démocratique» pour la paix
(Photo: AFP)
C’est dans une ambiance colorée et festive que plusieurs centaines de milliers de personnes sont descendues dans les rues de Taipeh pour protester contre la loi anti-sécession adoptée par l’Assemblée nationale populaire, les organisateurs de cette manifestation ayant décidé d’en faire un «carnaval pour la démocratie». Et ils avaient symboliquement choisi de faire porter à 706 enfants des autocollants anti-guerre, de manière à dénoncer le nombre équivalent de fusées pointées par la Chine sur Taiwan. Dans la dizaine de cortèges qui ont conflué vers la présidence taiwanaise, les manifestants ont scandé des slogans en faveur de la démocratie. Accompagné de membres de sa famille, le président Chen Shui-bian a lui même rejoint l’un des cortèges. Un an après avoir échappé à un attentat, il a logiquement fait l’objet d’importantes mesures de sécurité. Il n’a pas souhaité prononcer de discours pour ne pas attiser le sentiment anti-chinois qui règne sur l’île, se contentant de reprendre des slogans comme «Soutenez la démocratie, aimez la paix, protégez Taiwan ».
Cette marche pacifiste répondait à l’adoption le 14 mars par les députés de l’Assemblée nationale populaire d’une loi anti-sécession permettant au pouvoir communiste de recourir à des «moyens non pacifiques» en cas de déclaration d’indépendance formelle de Taiwan. L’île est séparée de fait de Pékin depuis 1949 mais elle est toujours considérée comme une partie intégrante de la Chine. Jamais auparavant la Chine n’avait inscrit cette menace dans ses textes de loi. Mais les inquiétudes des autorités chinoises ne cessent de grandir depuis l’élection en 2000 du président Chen, réélu en 2004, un homme aux aspirations indépendantistes.
L’UE prône le dialogueLa loi adoptée par les députés chinois a suscité les condamnations des Etats-Unis et du Japon et provoqué des dissensions au sein de l’Union européenne (UE) sur l’opportunité d’une levée de l’embargo sur les ventes d’armes à la Chine. «L’Union européenne continue de travailler à la levée de l’embargo sur les armes contre la Chine. Mais la loi anti-sécession de Pékin suscite chez nous des réserves» a déclaré samedi Javier Solana, Haut représentant pour la politique étrangère de l’UE. «La menace de l’emploi de moyens non-pacifiques pour résoudre le problème de Taiwan contredit la position européenne, à savoir que la politique d’une Chine unitaire doit uniquement être menée par la voie du dialogue», a estimé M.Solana.
Pour Taiwan, la levée de l’embargo décrété par l’UE en juin 1989 après la répression sanglante des manifestations de Tienanmen contribuerait à augmenter la pression militaire déjà exercée par Pékin. Et les autorités taiwanaises misent du coup beaucoup sur le soutien de la communauté internationale dans le bras de fer engagé avec Pékin. Comme à leur habitude, les médias officiels chinois ont choisi de passer complètement sous silence la mobilisation organisée samedi à Taipeh. L’agence Chine nouvelle a simplement noté que le défilé avait provoqué «un grave embouteillage» des principales artères de la capitale. Et elle rapporte les propos de Wang Chinping, président de la China Foundation de Taiwan qui a qualifié cette manifestation de «carnaval politique organisé avec de l’argent public».
par Olivier Bras
Article publié le 26/03/2005 Dernière mise à jour le 26/03/2005 à 21:29 TU