Chine
Les députés votent une loi « anti-sécession » contre Taiwan
(Photo : AFP)
De notre correspondant à Pékin
L’Assemblée nationale populaire était placée sous le thème d’un nouveau slogan : « Harmonie sociale ». A en croire la volonté affichée des dirigeants, il s’agit de « faire progresser toute la société en même temps sans exclusion ».
L’équipe au pouvoir depuis deux ans et demi, emmenée par Hu Jintao et son premier ministre Wen Jiabao se targue d’être plus « à l’écoute » des problèmes du peuple, à une période où la croissance spectaculaire ne profite qu’à une minorité. La surprise de cette année dans le domaine social, c’est qu’en dehors des déclarations d’intentions habituelles, des mesures concrètes ont été décidées. D’abord, la suppression de l’impôt pour les agriculteurs. C’était l’une des sources principales de tension dans les campagnes chinoises, avec de nombreuses révoltes dues aux taxes trop élevées.
Dès l’an prochain la taxe obligatoire sera complètement supprimée. Pékin espère ainsi « favoriser le développement du milieu rural », un euphémisme pour dire que les campagnes pauvres où vivent les deux tiers des Chinois sont dans une situation alarmante, avec des revenus réels qui stagnent et par endroits baissent.
Gérer au plus près
Toujours pour les campagnes, la loi sur l’éducation a été modifiée, pour assurer dès cette année l’école gratuite jusqu’à 16 ans pour l’ensemble des élèves en milieu rural défavorisé. Cela concerne près de quinze millions de jeunes, qui pour la plupart sont contraints d’arrêter leur scolarisation faute d’argent. Car la Chine a beau être communiste, l’école –obligatoire– y est pourtant payante. Un fonds d’un milliard d’euros a par ailleurs été débloqué pour lutter contre le chômage qui gagne du terrain en Chine. Dernière mesure sociale, une enveloppe de 300 millions d’euros a été allouée pour la modernisation des mines de charbon, qui sont en Chine les plus meurtrières au monde.
Là encore, le contraste est important par rapport aux années passées où seules des mesures symboliques avaient été prises. A première vue on pourrait penser que les dirigeants de Pékin ont pris une orientation sociale importante. Mais il s’agit avant tout de maintenir l’ordre social, et de gérer au plus près l’instabilité causée par le fossé entre riches et pauvres. La structure du système reste la même, et aucune réforme politique n’a été annoncée, tout au plus le renforcement de la lutte contre la corruption qui se généralise. Ainsi les budgets de la Santé et de l’Éducation stagnent comme les années précédentes, tandis que le budget de l’armée est encore une fois celui qui se voit allouer la plus forte augmentation, +12,6% , pour moderniser les équipements et réduire de 200.000 le nombre de militaires.
Loi antisécession
Dans le domaine stratégique, le texte qui inquiète le plus les autres pays est la loi « antisécession » que les délégués chinois ont approuvée lundi. Elle vise à rendre illégale toute déclaration d’indépendance formelle de Taiwan, en autorisant à user de moyens « non-pacifiques » au cas où l’île se doterait d’une constitution lui donnant un statut d’État. Cette loi a suscité la fureur et l’incompréhension de la majorité des habitants de l’île, mais elle ne change pourtant pas la situation actuelle. Pékin a en effet toujours menacé d’utiliser la force en cas de déclaration d’indépendance taiwanaise, même si ce n’était pas inscrit dans la loi.
Sans avoir le statut d’un pays, Taiwan est indépendante de facto depuis 1949, avec son propre gouvernement, sa propre monnaie, son drapeau et son armée. Alors pourquoi passer cette loi « antisécession » aujourd’hui ? Selon la logique de Pékin, il s’agit de couper l’herbe sous le pied aux indépendantistes, qui préparent de leur côté un référendum sur la constitution. Le député qui a présenté la loi « antisécession » a précisé que des mesures non-pacifiques ne seraient utilisées que lorsque toutes les possibilités d’une réunification pacifiques auront été épuisées. Il a également promis que les forces armées chinoises feraient « tout leur possible » en cas de guerre pour « protéger » les civils taiwanais.
par Abel Segrétin
Article publié le 15/03/2005 Dernière mise à jour le 15/03/2005 à 14:51 TU