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Islam de France

Au Bourget, les musulmans affichent leur unité

Invité au Bourget, Dalil Boubaker a plaidé pour «une juste place de l'islam dans la République».(Photo : AFP)
Invité au Bourget, Dalil Boubaker a plaidé pour «une juste place de l'islam dans la République».
(Photo : AFP)
Organisée chaque année par l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), la rencontre du Bourget est devenue au fil du temps le plus gros rassemblement musulman en Europe. Pour cette 22ème édition consacrée notamment à la question de la place de l’Islam dans l’hexagone, quelque 100 000 personnes étaient attendues, venues de toute la France mais aussi de Belgique, de Suisse ou de Grande-Bretagne. Et une fois n’est pas coutume, les organisateurs de cette manifestation ont choisi de jouer la carte de l’ouverture en invitant les différents courants qui composent l’islam de France à venir y participer. Un seul mot d’ordre : l’unité, pour une meilleure intégration dans la République.

Le recteur de la Mosquée de Paris à la tribune d’une manifestation organisée par l’UOIF ! On n’avait pas vu cela depuis douze ans. Et pour cause, les rivalités entre les différentes organisations qui affirment représenter les quelque cinq millions de musulmans français ont été telles, ces dernières années, qu’elles n’auraient pas permis pareil événement. Entre un Dalil Boubakeur, qui se veut le représentant d’un islam tolérant, et le très médiatique Fouad Alaoui dont le mouvement, proche des Frères musulmans d’Egypte, est considéré comme radical, la place pour le dialogue était en effet des plus réduites. Mais il faut croire que le fait de travailler ensemble, au sein notamment du Conseil français du culte musulman (CFCM), mis en place en 2003 par l’ancien ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy, a permis sinon de rapprocher les positions du moins d’ouvrir le débat. Et c’est sans doute ce nouvel état d’esprit qui a permis aux principales organisations musulmanes de France de présenter une image d’unité lors du 22ème rassemblement du Bourget.

Il faut dire que l’Union des organisations islamique de France, maître d’œuvre de cette manifestation où une centaine d’exposants sont également venus présenter les dernières publications sur l’islam mais aussi les dernières créations de mode féminine musulmane, avait tout fait pour que cette rencontre soit un succès. C’est ainsi que le plateau des conférenciers réuni pour l’occasion n’aura jamais été aussi consensuel. Cette année en effet il n’y avait pas de place pour le prédicateur suisse Hani Ramadan, le frère de Tariq, un habitué du Bourget qui avaient défrayé la chronique en justifiant la lapidation des femmes adultères, ni pour le très médiatique Youssouf al-Qaradhawi dont l’émission télévisée la Charia et la vie sur la chaîne qatarienne al-Jazira bat des records d’audience dans le monde musulman. Il semblerait que depuis qu’il a justifié les attentats suicide au Proche-Orient, ce théologien pourtant très respecté et dont les idées sont largement partagées au sein de l’UOIF serait devenu infréquentable aux yeux de l’organisation qui a également pris soin d’écarter de la tribune ses jeunes militants dont le discours trop musclé aurait pu ternir l’image d’unité quelle cherchait à promouvoir.

Le responsable de la communication de la rencontre du Bourget, Boubaker al-Haj Amor, ne s’en est d’ailleurs pas caché. «Nous essayons d’éviter les dérapages de ceux qui ne connaissent pas le contexte de l’islam français, a-t-il affirmé. Nous avons eu notre dose avec les sifflets contre Nicolas Sarkozy en 2003 –invité au Bourget, le ministre de l’Intérieur s’était fait huer– et nous ne voulons plus souffler sur les braises».

«Une juste place dans la République» 

L’UOIF se serait-elle assagie ? Toujours est-il que son pari d’ouverture aux autres organisations musulmanes de France est une réussite comme pouvait notamment en attester la présence au Bourget du recteur de la Mosquée de Paris. «Seules notre unité et notre organisation pourront conduire notre communauté à trouver sa juste place dans la République», a ainsi affirmé Dalil Boubakeur. «Malgré nos apparentes différences de méthodes, l'objectif est essentiellement le même: c'est la réussite de l'avenir de nos enfants en s'insérant harmonieusement dans le tissu des valeurs républicaines», a-t-il également insisté. Son discours semble avoir trouvé un large écho auprès du président de l’UOIF qui a renchéri en affirmant que «l'islam ne peut qu'être compatible avec la République». Ainsi, selon Lhaj Thami Breze, les musulmans français doivent allégeance en priorité à la France. Et soucieux de rompre avec l’image radicale qui colle à son organisation, il a estimé que l’islam de la république devait «s'émanciper des interprétations inadaptées à nos réalités et des traditions».

Alors oubliées les querelles autour du voile ? Loin s’en faut. Car si le président de l’UOIF a joué volontairement la carte du pragmatisme, son secrétaire général, Fouad Alaoui n’a, pour sa part, pas hésité à affirmer que la liberté religieuse était «compromise» aujourd'hui en France. «On prive des jeunes filles d'instruction pour une seule faute qu'elles auraient commise: refuser de montrer leurs oreilles!», a-t-il ainsi accusé, en référence à la récente loi interdisant des signes religieux ostentatoires à l'école publique. Un discours plus proche de celui tenu habituellement par l’UOIF.

Alors que la France célèbre cette année le centenaire de la loi de 1905 sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat, Fouad Alaoui a en effet tenu à préciser que cette célébration se faisait pour les musulmans avec «un pincement au cœur». «Aujourd'hui, nul ne remet en cause les deux principes fondamentaux de la laïcité: liberté de conscience, neutralité de l'Etat», a-t-il ajouté mais selon lui, la question est désormais de «garantir la liberté de conscience et non la discrimination religieuse». Selon lui, il y a urgence à normaliser les relations entre la République et l'islam. «Il faut en finir avec le postulat qui stipule que l'islam est une religion de l'étranger», a-t-il également insisté.


par Mounia  Daoudi

Article publié le 28/03/2005 Dernière mise à jour le 28/03/2005 à 16:13 TU