Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Islam en France

Former les imams pour lutter contre l’intégrisme

Prêche dans une mosquée à Strasbourg. Le gouvernement français veut lutter contre les imams «<i>extrémistes</i>». 

		(Photo: AFP)
Prêche dans une mosquée à Strasbourg. Le gouvernement français veut lutter contre les imams «extrémistes».
(Photo: AFP)
La décision d’expulser deux imams extrémistes accusés de troubler l’ordre public marque la volonté du gouvernement français de lutter fermement contre les dérives intégristes. Pour autant, il ne s’agit pas, a affirmé le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, de stigmatiser la communauté musulmane en France. Au contraire, l’objectif est, dans un contexte marqué par la recrudescence des violences racistes et antisémites, de garantir une «pratique sereine» du culte musulman. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le gouvernement prône une clarification du statut des imams en concertation avec le Conseil français du culte musulman.

Pas question de renoncer à expulser des imams étrangers s’ils constituent un danger pour la République, soit parce qu’ils diffusent des thèses qui incitent à commettre des actes contraires aux lois françaises, soit parce qu’ils entretiennent des relations avec des organisations terroristes. Dominique de Villepin, le ministre de l’Intérieur, a été très clair sur ce point lors d’une entrevue avec les présidents des conseils régionaux du culte musulman. Il a ainsi adressé une réponse sans ambiguïté aux protestations émises à la suite de l’interpellation récente de deux imams. Le premier, l’Algérien Abdelkader Bouziane, imam de la mosquée de Vénissieux, accusé d’avoir, dans une interview au mensuel Lyon Mag, défendu notamment le bien-fondé «des châtiments corporels» contre les épouses «infidèles ou désobéissantes», a été expulsé le 21 avril. Le deuxième, le Turc Midhat Guler, responsable d’une mosquée parisienne, est lui aussi sous le coup d’un arrêté d’expulsion en raison de ses liens avec le mouvement fondamentaliste Kaplanci qui prône, entre autres, la mise en place d’un Etat islamique en Turquie. Après le rejet d’une demande d’asile politique déposée pour tenter de couper court à son expulsion, il a été assigné à résidence en attendant l’aboutissement de la procédure.

Malgré les dénégations et les recours engagés par les deux hommes pour faire valoir leurs droits à rester sur le territoire français, les autorités semblent décidées à garder le cap. Le président Jacques Chirac a, lui-même, affirmé lors d’une conférence à l’Elysée, à propos d’Abdelkader Bouziane, que s’il revenait en France, il ferait «immédiatement l’objet de poursuites judiciaires». Il a même été jusqu’à déclarer que s’il le fallait, la législation serait modifiée pour permettre d’expulser les auteurs de propos qui portent «atteinte aux droits de l’homme». Le tribunal administratif de Lyon a, en effet, annulé l’arrêté ministériel d’expulsion donnant la possibilité à l’imam d’envisager un retour dans l’Hexagone. Cette décision a été utilisée par les défenseurs de Bouziane pour contester le bien-fondé de la procédure engagée contre lui par les autorités.

Des mesures contre les extrémistes pas contre les musulmans

La démarche du gouvernement français s’inscrit dans le cadre de la lutte contre l’intégrisme musulman et le terrorisme. Elle n’est d’ailleurs pas exceptionnelle en Europe. La Grande-Bretagne ou l’Allemagne, par exemple, ont aussi adopté des mesures destinées à favoriser l’expulsion des islamistes jugés dangereux. Pour le ministre de l’Intérieur, de telles décisions ne doivent pas être remises en cause car «il s’agit de notre sécurité à tous».

C’est pour cette raison que le gouvernement a appelé les représentants de la communauté musulmane de France à collaborer pour lutter contre les extrémistes qui ne respectent pas les lois de la République. Jean-Pierre Raffarin a expliqué cette position au président du Conseil français du culte musulman (CFCM), Dalil Boubakeur, lors d’une entrevue à Matignon avant la réunion du conseil interministériel consacré à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, lundi 3 mai. Le recteur de la mosquée de Paris en est ressorti satisfait de voir le Premier ministre manifester son désir «de rassurer la communauté musulmane» et de ne pas faire «d’amalgame» entre les extrémistes et l’ensemble des pratiquants de cette religion. Une mise au point nécessaire dans un contexte où la profanation d’un cimetière juif et la publication des chiffres sur l’augmentation des violences antisémites pouvaient être interprétés comme une mise en cause de cette communauté.

Par contre, Dalil Boubakeur a convenu de la nécessité de clarifier le statut des imams en France. Cette tâche fait d’ailleurs partie des attributions confiées au CFCM. Mais pour le moment, la commission chargée de ce dossier n’a pas beaucoup avancé. Un questionnaire a été envoyé aux quelque 1 500 imams présents sur le territoire pour obtenir des renseignements sur le «leur formation, leurs références, les carences et les besoins». Dans l’attente des résultats, de nombreuses incertitudes demeurent mais on estime qu’environ 300 imams seulement sont formés pour exercer cette fonction. Il n’y a pas, en effet, de filière de l’imanat. Et c’est d’ailleurs, selon Dalil Boubakeur, cette possibilité «d’autoproclamation» et «l’absence de contrôle» qui favorisent certaines dérives.

En France, le problème est accentué par le fait que la plupart des imams qui prêchent dans les mosquées et assurent l’enseignement religieux viennent de l’étranger. Certains ne parlent même pas le français. C’est pour cette raison que la création d’un institut français des études islamiques est à l’étude. Elle pourrait permettre d’assurer la formation des imams français dans le respect de la culture et des lois du pays où ils sont amenés à exercer leur fonction. Reste à préciser dans cette optique un point clef: quel doit-être le rôle des imams? Pour Dalil Boubakeur, ils doivent s’en tenir aux aspects spirituels: «Pour nous, le problème essentiel des imams en France, c’est qu’ils ne mélangent pas politique et religion». Mais cette vision de l’imam n’est pas partagée par l’ensemble des organisations musulmanes. Pour les représentants de l’Union des organisations islamistes de France (UOIF), elle aussi représentée au CFCM, les imams ont un rôle à la fois spirituel et social.

par Valérie  Gas

Article publié le 04/05/2004 Dernière mise à jour le 04/05/2004 à 16:14 TU