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Laïcité

Jacques Chirac : «<i>Le communautarisme ne saurait être le choix de la France»</i>

Le président de la République française Jacques Chirac s’est exprimé mercredi soir devant 400 invités réunis dans le grand salon de l’Elysée. A l’occasion d’un discours qu’il a voulu très solennel, il a rappelé qu’en France la «laïcité est au cœur de la République» et que face à l’apparition «de revendications identitaires», il s’agit aujourd’hui de continuer à la «faire vivre». Il a aussi tranché le débat sur le port de signes religieux à l’école en demandant l’élaboration d’une loi qui les interdit.
«Quelle France voulons-nous ? Pour nous, pour nos enfants ?» Du point de vue de Jacques Chirac, c’est à cette question que le débat engagé depuis plusieurs mois en France autour du respect de «la laïcité, de l’intégration, de l’égalité des chances, des droits des femmes» renvoie tout simplement. Après plus d’une demi-heure d’un discours ferme qu’il a débuté en affirmant qu’il n’avait nullement l’intention de «modifier les frontières de la laïcité» «pierre angulaire de la République», le chef de l’Etat a finalement confirmé qu’il fallait interdire, à l’école, le port «de tenues ou de signes qui manifestent ostensiblement l’appartenance religieuse» et qu’une loi était «nécessaire» pour y parvenir. Elle devrait être mise en œuvre dès la rentrée prochaine. Jean-Pierre Raffarin a d’ailleurs précisé, peu après, que le gouvernement allait présenter «en urgence» un texte sur l’interdiction du voile.

C’est aussi par la loi qu’il faut, selon le président de la République, «rappeler les règles élémentaires du vivre ensemble» en mentionnant l’interdiction pour un patient de refuser «par principe, de se faire soigner par un médecin de l’autre sexe», lorsqu’il s’adresse à l’hôpital public. Le chef de l’Etat demande, de la même manière, au ministre du Travail d’engager des consultations auprès des chefs d’entreprises et de soumettre, «si besoin», au Parlement «une disposition» leur permettant de réglementer le port de signes religieux lorsque des impératifs de sécurité sont en jeu ou lorsque les contacts avec la clientèle peuvent en pâtir.

D’une manière générale, le chef de l’Etat s’est prononcé en faveur de l’élaboration d’un «Code de la laïcité» qui réunirait tous les principes et règles, et serait remis à l’ensemble des fonctionnaires et agents publics lorsqu’ils entrent en fonction. Car Jacques Chirac a tenu à réaffirmer «avec force la neutralité et la laïcité du service public». Il a d’ailleurs rappelé l’interdiction pour les agents «d’afficher» leurs croyances ou religions. Tout comme, il a réaffirmé que les usagers ne pouvaient «récuser» un agent public en fonction de leurs convictions. Dans le même ordre d’idée, Jacques Chirac a annoncé la création d’un Observatoire de la laïcité dont la mission sera d’alerter «sur les risques de dérive ou d’atteinte» à ce principe.

Refonder la politique d’intégration

Ces décisions, le président de la République les a prises après avoir largement «consulté». Le rapport de la commission Stasi qu’il avait chargée de réfléchir sur la laïcité et à laquelle il a tenu à rendre hommage, l’a évidemment inspiré. Le chef de l’Etat a d’ailleurs suivi un grand nombre de ses recommandations à l’exception, notable il est vrai, de l’instauration de deux jours fériés supplémentaires pour les fêtes juive et musulmane, qu’il a rejetée. Jacques Chirac a aussi tenu compte du constat inquiétant réalisé par les différentes enquêtes concernant les dérives communautaires dont les affaires de voile islamique à l’école sont un symptôme. C’est vraisemblablement la raison pour laquelle, il a voulu rappeler à tous les principes républicains chers à la France.

Le président de la République a ainsi dressé le portrait d’une France «ouverte, accueillante, généreuse» qui place la diversité au «cœur» de son «identité», et dans laquelle «une laïcité apaisée» a rassemblé tous les Français depuis la loi sur la séparation de l’église et de l’Etat en 1905. Une France qui a trouvé grâce au «respect de valeurs communes», «un équilibre subtil et fragile», que le chef de l’Etat refuse de voir menacé par la montée de «particularismes qui séparent». «La laïcité est une des grandes conquêtes de la République. Elle est un élément de la paix sociale et de la cohésion nationale». De ce point de vue, le président estime que «le communautarisme ne saurait être le choix de la France».

Jacques Chirac a aussi voulu montrer qu’il était conscient des raisons qui expliquent ces dérives, qui ne se trouvent pas simplement dans la religion –il d’ailleurs rappelé que l’islam avait toute sa place en France- mais aussi dans les phénomènes d’exclusion sociale. C’est pourquoi il a dénoncé l’existence de «ghettos à l’urbanisme inhumain» que l’on trouve dans les «quartiers» où la notion «d’égalité des chances» n’a plus de sens. Il a encore rappelé que «tous les enfants de France sont les fils et les filles de la République» et que dans cet esprit, il est indispensable de «refonder» la politique d’intégration pour ne pas laisser de côté les jeunes issus de l’immigration qui se heurtent souvent à des discriminations du fait de leur origine. Il a appelé à ce niveau à «une réaction énergique» et annoncé la création d’une autorité indépendante chargée de lutter contre toutes les formes de discrimination dès le début de l’année 2004.

Pour favoriser l’intégration, le chef de l’Etat a demandé de développer l’enseignement «du fait religieux» à l’école pour «améliorer la connaissance et la compréhension de l’autre». Il a aussi incité à assurer la formation d’imams français pour «affirmer la personnalité d’un islam de culture française».

Garantir la protection des principes de la République, c’est donc pour le chef de l’Etat défendre la laïcité et ne pas «tolérer que sous couvert de liberté religieuse, on conteste les lois», favoriser l’intégration, mais aussi mener le combat de l’égalité homme-femme, notamment dans le domaine professionnel, car «le degré de civilisation d’une société se mesure d’abord à la place qu’y occupent les femmes». Jacques Chirac a conclu sur ce thème en annonçant qu’il entendait s’engager «personnellement» dans ce domaine «dans les prochaines semaines».


Ecouter le discours de Jacques Chirac, 33'39"



par Valérie  Gas

Article publié le 17/12/2003