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Niger

La crise sociale vire au politique

Le gouvernement de Mamadou Tandja accuse les leaders de «la Coalition contre la vie chère» de «complot et de provocation d'attroupements non armés».(Photo : AFP)
Le gouvernement de Mamadou Tandja accuse les leaders de «la Coalition contre la vie chère» de «complot et de provocation d'attroupements non armés».
(Photo : AFP)
Les revendications sociales encadrées par les associations et syndicats tournent au bras de fer et à un affrontement politique entre le pouvoir et organisations sociales.

Le pouvoir nigérien qui avait misé sur le pourrissement du mouvement revendicatif a été surpris par sa popularité. Faire la sourde oreille n’est pas la solution alors on a improvisé en faisant le choix de la fermeté. Les déclarations menaçantes du ministre de l’Intérieur, qui accusait les organisateurs des manifestations de « fauteurs de troubles », ont été mises en application. Mais les arrestations, loin de saper le mouvement de protestation contre l’application de la loi de finances instaurant une TVA de 19%, ont mobilisé davantage les travailleurs et leurs organisations syndicales.  

Il n’en fallait pas plus au gouvernement pour crier au « complot contre la sûreté de l’Etat ». La « Coalition contre la vie chère », le collectif des associations et syndicats ligués contre la TVA, se retrouve aujourd’hui sans ses principaux dirigeants, cinq au total, accusés de « complot » et de « provocation d’attroupements non armés ». Le gouvernement nigérien cherche, par ce chef d’accusation, à dissuader les manifestants d’obéir aux mots d’ordre de rassemblement lancés par la coalition pour le 31 mars et le 5 avril prochains.

Le mouvement de contestation de l’application de la TVA de 19% n’est pas un mouvement spontané, mais découle d’un malaise social qui couve depuis plusieurs mois au Niger. Déjà en septembre 2003, un Forum social avait tenté de faire le point sur les « échecs du Niger » qui installaient ce pays parmi les derniers du monde selon les indicateurs de développement humain des organisations internationales. Cet état des lieux avait nettement mis en évidence la faillite des politiciens nigériens arc-boutés sur des principes imposés par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international. L’ajustement structurel, le libéralisme qui ne disait pas son nom, avaient exclusivement profité à une classe politique affairiste qui a ruiné des pans entiers de l’économie nationale. L’éducation, la santé et la fonction publique ont été les secteurs les plus touchés sur le plan social.

Le poids des associations et des syndicats

« Le politique » qui avait regagné un peu la confiance des populations, au début des années 90, grâce à la Conférence nationale souveraine, après des décennies de régime militaire, a perdu à nouveau du terrain lorsque les Nigériens ont noté les alliances et ballets politiques qui ne changent rien à leur quotidien. Les partis politiques se bâtissent sur fond ethnique et par groupes d’intérêts dont les discours restent invariables d’un parti à un autre. Les associations communautaires et de promotion sociale ont alors trouvé le filon de la mobilisation et de l’action concrète sur le terrain en jouant aussi des subventions et partenariats avec des institutions étrangères et internationales.

C’est à travers ces souches que le nouveau discours politique s’est construit, renforçant le poids social des associations et des syndicats devenus essentiellement revendicatifs. Les droits humains, la défense des salariés ou des corporations trouvent dans les syndicats, les associations et autres ONG des caisses de résonance dont les résultats sont immédiats. Les projets de société ne sont plus portés par les partis politiques qui ne se battent pas sur le terrain idéologique. Le progrès social est désormais porté par les organisations sociales qui font du pouvoir d’achat un nouveau discours politique au Niger. Aujourd’hui, « la Coalition contre la vie chère » en fait la démonstration.


par Didier  Samson

Article publié le 28/03/2005 Dernière mise à jour le 28/03/2005 à 17:48 TU