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Zimbabwe

Mugabe entrouvre le jeu

Six millions de Zimbabwéens doivent voter pour des élections législatives, et ce dans un climat relativement apaisé.(Photo : AFP)
Six millions de Zimbabwéens doivent voter pour des élections législatives, et ce dans un climat relativement apaisé.
(Photo : AFP)
Près de six millions de Zimbabwéens se rendent aux urnes ce jeudi dans un climat apaisé par rapport aux élections précédentes. Les meetings politiques du parti MDC attirent d’ailleurs les foules, ce qui fait dire à de nombreux analystes que le score pourrait être plus serré que prévu entre le MDC et la Zanu PF (parti au pouvoir). Le parti du président Robert Mugabe, reste tout de même le favori de ces élections législatives.
Correspondance d’Harare

«Si vous m’aviez parlé comme ça en public lors des dernières élections, la police serait passée me voir le jour même, m’aurait enfermé dans une cellule et sûrement tabassé», reconnaît Elijah Manyeruke, du MDC (parti d’opposition) d’Harare Est, lors d’un rassemblement de son parti dans le petit quartier de Ruvimbo Park à quelques minutes du centre d’Harare, la capitale.

L’absence de violence domine en effet cette campagne électorale. Le MDC peut tenir des meetings publics particulièrement bien suivis par la population, les militants s’affichent ouvertement avec les tee-shirts de leur parti, représentant une main ouverte, un scénario improbable il y a cinq ans, où le MDC ne pouvait même pas se rendre dans certaines régions du pays, surnommées « no go area », sous peine de risquer leur vie.

Jusqu’à présent aucun incident majeur n’a été relevé, l’opposition évoque un militant tué, mais la police dément que le meurtre ait été motivé politiquement. Un calme attribué aux pressions de la SADC envers Robert Mugabe. En août dernier, le président du Zimbabwe, au pouvoir depuis 25 ans, a promis de tenir des élections libres et démocratiques, en accord avec la charte électorale de la SADC. La liberté d’expression semble être respectée, l’opposition peut s’exprimer, et plus de 300 journalistes étrangers ont été accrédités pour montrer la bonne volonté du Zimbabwe qui empêche de facto tout journaliste étranger d’exercer sur son sol depuis trois ans.

Certains diplomates expliquent aussi que Mugabe a peut être baissé la garde trop vite en pensant que le MDC, qui a longtemps dit qu’il ne participerait pas aux élections, se retirerait de la partie.

Electeurs fantômes, selon l’opposition

Mais tout est loin d’être sans ombre. L’opposition accuse le gouvernement d’avoir truqué les registres électoraux avec un million d’électeurs fantômes, «l’opposition doit le prouver et nous donner le nom des circonscriptions» rétorque la mission d’observation de la SADC qui n’a pas pu se rendre au Zimbabwe trois mois avant les élections comme le stipule la charte. Tous les médias publics font ouvertement de la propagande gouvernementale, les rares médias indépendants qui sont passés à travers les mailles du filet de la loi sur la presse sont très minoritaires et sont loin d’être accessibles dans l’ensemble du pays. La télévision publique montre les rassemblements de la Zanu et du MDC, mais pas de la même façon. La caméra reste fixée sur l’orateur du MDC et ne montre jamais la foule.

Les intimidations sont également toujours présentes, à commencer par Robert Mugabe lui-même qui accuse tout futur électeur du MDC de « traître » à la patrie. Des militants de la Zanu auraient même intimidé des électeurs en leur suggérant que l’urne transparente, une nouvelle règle, permettrait de voir pour quel candidat ils allaient voter.

Lors d’un meeting de Robert Mugabe à Chivhu, à 150 kilomètres d’Harare, un fief gouvernemental, le présence forcée de certains membres de l’audience était palpable, et le discours du président axé sur le rejet de « Bush et de Blair », peu adéquat aux besoins de la population, dont le souci principal est de se nourrir. «Les slogans anti-Blair ne remplissent pas l’assiette, depuis trois ans, la plupart des Zimbabwéens ne mangent plus le soir, le petit déjeuner tard à base de pain et de thé est devenue la norme dans un pays qui avait de quoi se nourrir», tonne Alex Maposa du MDC d’Harare.

Le président a concédé quelques manques lors de ces derniers jours, après avoir affirmé que la récolte serait bonne, il a reconnu que le pays allait manquer de nourriture « à cause de la sécheresse », et que certains « War Vets » (anciens combattants de la Zanu) avaient abusé de leur privilège en ne prenant pas au sérieux leur nouveau métier d’agriculteur. En l’an 2000, Robert Mugabe s’est lancé dans une vaste campagne de redistribution des terres des fermiers blancs à des anciens combattants noirs, qui a plongé le pays dans un marasme économique sans précédent.

«On ne renie pas ses parents parce qu’ils ne peuvent pas donner assez», s’est justifié Mugabe lors d’un rassemblement, affirmant que le Zimbabwe importait du maïs zambien et que personne ne manquerait de nourriture dans les mois à venir. Si le succès du parti de Robert Mugabe est l’hypothèse la plus répandue, la popularité du MDC ne semble pas faire de doute, en juin 2000, le MDC avait déjà remporté la moitié des sièges au Parlement, malgré le climat de violence.

par Stéphanie  Savariaud

Article publié le 30/03/2005 Dernière mise à jour le 30/03/2005 à 11:48 TU