Zimbabwe
Législatives : premiers résultats favorables à l’opposition

(Photo : AFP)
Dans les grandes villes, les longues files d’attente formées devant les bureaux de vote montrent que tout se passe dans le calme, sans indication de violences comme celles rapportées lors des dernières élections. Les deux candidats principaux placent leur bulletin dans l’urne et se disent confiants de remporter ces élections législatives. Dans le township de Chitungwisa, à quelques kilomètres d’Harare, la capitale, le soutien au MDC (Mouvement pour le Changement Démocratique) est évident. «C’est la première fois que je vote», sourit Rachel Mudzimu, montrant son petit doigt fraîchement trempé dans l’encre rose indélébile. «Avant j’étais ignorante, mais ça va tellement mal, la nourriture, le travail, j’espère que le nouveau gouvernement changera tout cela», dit la jeune femme, son bébé sur le dos.
Le député MDC de la circonscription ne tourne pas autour du pot : «Ce serait une surprise si je perdais». Dans la plupart des bureaux de vote en milieu urbain, les gens affichent ouvertement leur soutien au MDC. Mais dans les zones rurales, fiefs traditionnels de soutien au Zanu PF, le parti de Robert Mugabe, le son de cloche diverge. Plus de 8 000 bureaux de vote ont été éparpillés dans tout le pays, et dans la circonscription de Zvimba Nord dans le Mashonaland Ouest, deux bureaux se trouvent à moins d’un kilomètre l’un de l’autre. En suivant les indications pour se rendre dans l’un d’entre eux, on tombe sur la barrière d’une ferme avec un garde à l’entrée qui note soigneusement la plaque d’immatriculation de la voiture et l’identité des passagers. Le bureau de vote se trouve sur la propriété de la ferme du gouverneur Zanu PF de la province. Les observateurs électoraux de la SADC (Communauté de développement de l’Afrique australe) restent quelques minutes dans le bureau minuscule et silencieux, personne n’est là pour voter, et repartent aussitôt.
Des irrégularités constatéesPlusieurs assesseurs du MDC ont été refoulés dans les bureaux de vote de la région. «Cela peut-être un problème de communication entre les différents bureaux», explique Prince Chibanda, candidat local du MDC. «Nous essayons de régler le problème, mais d’autres irrégularités ont été signalées, sur les registres électoraux, beaucoup de personnes sont décédées», ajoute-t-il. En tout, plus de 133 000 personnes ont été refoulées, soit 10% des électeurs qui se sont rendus aux urnes, a indiqué la commission électorale zimbabwéenne, mais les organisations non gouvernementales parlent de 25%. «Certains n’étaient pas au courant de la nouvelle délimitation de leur circonscription, ou n’avaient pas de carte électorale en bon et due forme», a déclaré Reginald Matchaba-Hove du Zimbabwean Election support network, lors d’une conférence de presse.
Dans le centre d’Harare, plus de 200 femmes qui priaient pour «une intervention divine» à la veille des résultats ont été arrêtées. Deux journalistes de l’Agence France Presse qui couvraient l’évènement ont également été brièvement détenus. Un journaliste et un photographe du journal britannique Sunday Telegraph, qui réalisaient des interviews près d’un bureau de vote sans accréditation, ont également été arrêtés et accusés d’avoir enfreint la loi sur les médias. Le ministre de l’Information a annoncé que les journalistes seraient expulsés.
Morgan Tsvangirai, président du MDC, a déclaré après avoir voté que ces élections ne sont pas «libres et équitables». Et d’ajouter : «Mais je suis sûre que la population va s’exprimer et franchira les obstacles». S’il est difficile d’avoir une image précise du niveau d’intimidation dans l’ensemble du pays, la tension dans les bureaux des zones rurales était palpable jeudi.
«La peur est présente depuis des années et elle est suspendue comme une épée de Damoclès», a commenté Brian Kagoro, de l’ONG Zimbabwe crisis coalition, expliquant que l’intimidation résultait de plusieurs années de contrôle policier.
Malgré les accusations, les Zimbabwéens ont clairement exprimé leur mécontentement, en se déplaçant en masse aux rassemblements du MDC, qui concentre son discours sur le manque d’investissements étrangers, le chômage et le manque de nourriture. La réforme agraire lancée en l’an 2000 n’a pas maintenu les niveaux de production des années précédentes. Robert Mugabe a reconnu que «des abus» avaient été commis par certains bénéficiaires de cette réforme, et qu’il fallait importer du maïs, mais cite toujours la sécheresse comme principale cause. L’économie zimbabwéenne a chuté de 50% en cinq ans, le chômage frise les 70% et les trois quarts de la population vivent en-dessous du seuil de pauvreté.
par Stéphanie Savariaud
Article publié le 01/04/2005 Dernière mise à jour le 01/04/2005 à 14:22 TU