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Chine-Taiwan

Visite controversée du Kuomintang à Pékin

Lors de son voyage en Chine, le vice-président du Kuomintang P.K. Chiang (à gauche) a été reçu par le numéro 4 du régime chinois Jia Qinglin ( à droite).(Photo : AFP)
Lors de son voyage en Chine, le vice-président du Kuomintang P.K. Chiang (à gauche) a été reçu par le numéro 4 du régime chinois Jia Qinglin ( à droite).
(Photo : AFP)
Une trentaine d'élus, d'hommes d'affaires et intellectuels du Kuomintang (parti nationaliste chinois) sont rentrés vendredi à Taiwan, après un voyage de cinq jours en Chine. Un voyage très controversé qui a commencé deux jours après la vaste manifestation qui a vu plusieurs centaines de milliers de Taiwanais descendre dans la rue pour dire leur opposition à la loi chinoise anti-sécession, adoptée par le congrès national du Peuple le 14 mars.

Ce «retour en Chine» du Kuomintang, l'ennemi des révolutionnaires communistes à la fin des années 40, devait avoir une forte connotation historique : voyage sur les traces des fondateurs, à la rencontre des débuts d'un parti qui, entre la Chine et Taiwan, est resté au pouvoir pendant près de 90 ans. La délégation se rendit d'ailleurs sur divers lieux de mémoire du parti, notamment la tombe de Sun Yat Sen, fondateur de la République de Chine, qui est encore aujourd'hui le nom officiel de Taiwan.

Mais dans le contexte des relations très tendues entre les deux rives du détroit, il était impossible d'imaginer que ce voyage ne serait pas également hautement politique. Car même si des voyages plus discrets d'émissaires du Kuomintang en Chine ont déjà eu lieu, cette visite officielle du principal parti d'opposition fut perçue comme un vrai défi au président Taiwanais, Chen Shui Bian, avec lequel Pékin a, de longue date, exclu tout dialogue.

Signature d’un accord avec le Parti communiste chinois

Pour ajouter l’insulte à la blessure, la délégation du Kuomintang a signé un accord avec le parti communiste chinois, comprenant dix clauses sur l'amélioration des relations bilatérales, notamment commerciales. Les sujets abordés relevant pourtant de l'autorité du gouvernement et non d'un parti politique, qui plus est dans l'opposition.

Pékin aurait également indiqué son intention de faciliter l'accès de Taiwan à certaines rencontres de l'OMC, une institution à laquelle Taiwan réclame de participer depuis huit ans, en vain. Enfin, le chef de la délégation, un ancien vice-président du parti nationaliste chinois, P.K. Chiang, a reçu une invitation officielle pour le Président du Kuomintang, Lien Zhan, à se rendre à Pékin. «Votre visite ouvre la voie à un dialogue entre nos deux partis pour la première fois depuis plus de cinquante ans. Il s'agit d'un évènement majeur dans les relations entre les deux rives du Détroit de Taïwan», a même déclaré le numéro 4 du régime chinois après sa rencontre avec les Taiwanais.

De quoi faire enrager le président Chen Shui Bian et le gouvernement, plutôt indépendantistes, restés à Taipei, qui disent tout faire pour établir un dialogue constructif avec Pékin, mais n'essuient que des refus. A vrai dire, le gouvernement de Taipei refuse la condition préalable à toute rencontre imposée la Chine : que Taiwan reconnaisse «une seule Chine». Et Pékin de son coté refuse la condition préalable de Taiwan : que les deux pays se rencontrent sur un pied d'égalité.

Certes le Kuomintang cherche à regagner une légitimité en prônant des relations plus paisibles avec la Chine continentale mais «s'allier avec le diable» est tout de même un pari risqué pour le Kuomintang qui s'est vu accusé de trahison à l'heure où Taiwan s'affirme de plus en plus Taiwanaise. «Le Parti nationaliste n'est pas pro-chinois», s'était défendu le chef de la délégation avant son départ. «Nous voulons promouvoir la paix et l'harmonie dans le détroit».

Vendredi, le président Chen Shui Bian a toutefois fustigé cette délégation et ses initiatives déplacées. Selon le président, «différents partis politiques peuvent avoir différentes vues». «Mais en ce qui concerne l'extérieur, il n'y a qu'un intérêt national, il ne peut y avoir qu'une voix.»  «Le KMT (diminutif du Kuomintang) devient un outil de propagande des communistes», a déclaré pour sa part le secrétaire général du DPP, le parti présidentiel. «Ils ne sont pas en train de construire un pont, ils sont en train de semer la discorde», a déclaré un porte-parole du gouvernement taiwanais.  Quant au ministre en charge des relations avec la Chine, Joseph Wu, il a estimé que l'intervention du Kuomintang sur des questions par ailleurs en négociation, comme celle des liaisons aériennes, allait causer «une terrible migraine». «Il n'y a pas d'autres cas dans le monde ou l'on verrait des députés partir en voyage négocier avec un pays sans aucun mandat du gouvernement», a ajouté Joseph Wu. P.K. Chiang, tentant de calmer la tempête avant son retour sur l'île, a promis qu'il ferait un rapport détaillé de sa visite en Chine au gouvernement taiwanais.


par Florence  de Changy

Article publié le 02/04/2005 Dernière mise à jour le 02/04/2005 à 20:03 TU