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Mexique-Etats-Unis

Ouverture de la chasse aux migrants

A la frontière américano-mexicaine, vers San Diego (Californie), des panneaux mettent en garde contre la présence d'éventuels piétons migrants.(Photo: AFP)
A la frontière américano-mexicaine, vers San Diego (Californie), des panneaux mettent en garde contre la présence d'éventuels piétons migrants.
(Photo: AFP)
Si personne ne les en empêche, les volontaires du Minute Man Projet (MMP), venus de tous les États-Unis, vont renforcer la surveillance de leur frontière avec le Mexique. Une même action menée l’an passé s’était soldée par l’assassinat d’une vingtaine de travailleurs saisonniers.

De notre correspondant à Mexico

Deux mille volontaires racistes, recrutés sur Internet, par un vétéran de la guerre du Vietnam, vont passer le mois d’avril dans le désert de l'Arizona. L'objectif n'est pas de participer à quelques excursions botaniques, de dormir sous la tente ou d’observer la nature, mais d'entreprendre une véritable chasse à l’homme, avec un équipement très sophistiqué : jumelles à vision nocturne, engins volants de détection, caméras à infrarouge, 4x4 tous-terrain. Ces Nord-Américains estiment que la Border Patrol, la police des frontières, n’est pas assez nombreuse pour défendre les États-Unis contre les sans-papiers et qu’il faut donc l’aider. Les volontaires du MMP se réunissent le vendredi devant les mairies de Scheffelin et de Tombstone, dans l’État de l’Arizona, pour recevoir leurs ordres de mission et un bref cours d’orientation. Ce même jour, les organisateurs de l’opération, accompagnés de Bay Buchanan, directrice de l’association raciste Team America, tiendront une conférence de presse pour mettre en garde les migrants.

Migration saisonnière

A la fin de l’hiver et pour les semailles de printemps, 500 000 Mexicains et Centre-Américains passent illégalement la frontière pour louer leurs bras aux fermiers de la corn belt et aux cotonniers, une tradition de travail saisonnier qui a plus de cent ans. Faute d’un permis de travail temporaire qu’ils réclament depuis des années, ces travailleurs agricoles n'ont pas d'autre choix que de passer la frontière par le désert de l'Arizona. Ce permis leur est nié car il est bien plus avantageux pour les employeurs d’avoir des illégaux que l’on ne déclare pas aux assurances, que l’on paye mal, qui sont corvéables à merci et que l’on peut dénoncer à tout moment à la police. Depuis les attentats du 11 septembre, la frontière a été verrouillée et il ne reste, pour passer clandestinement, que le désert de l’Arizona.

C’est là que les attendent les «nouveaux justiciers» de l’Amérique. Respectueux de la loi, ils affirment qu’ils ne seront là que pour détecter les illégaux et prévenir la police de leur localisation. Mais des dérapages sont à craindre, car, en réalité, ces xénophobes n’hésitent pas, dans leur chasse à l’homme, à acculer les migrants à prendre des risques. Il faut entre quatre et cinq jours pour traverser le désert et lorsqu’ils rencontrent les hommes du MMP, les migrants sont généralement à bout de forces. L’an dernier, une vingtaine sont morts d’épuisement et de soif en tentant de fuir.

Condamnation américaine

Les protestations des gouvernements mexicains et centre-américains contre la chasse aux migrants semblent se perdre dans le désert. Le 23 mars, le président George W. Bush s’est  prononcé «contre les activités de surveillance civile à la frontière.» La secrétaire d’État, Condolezza Rice, assure que «le gouvernement ne pardonnera aucune action de ces groupes s’ils agissent en marge de la loi» mais souligne «que le gouvernement ne peut aller à l’encontre des activités des citoyens américains.» Washington condamne du bout des lèvres mais refuse  d’intervenir au nom des libertés individuelles des citoyens américains. Le ministre des Relations extérieures, Ernesto Derbez, a menacé de porter l’affaire devant la Cour internationale de justice de La Haye et a demandé à tous les consulats du Mexique en Arizona de prêter main-forte aux travailleurs saisonniers qui pourraient être détenus illégalement par des particuliers.

Cette chasse à l’homme, qui rappelle celles menées autrefois contre les esclaves marrons, ne fait qu’exacerber le sentiment anti-américain des Mexicains mais ceux-ci n’ont pas vraiment le choix et ils sont chaque année plus nombreux à tenter leur chance pour obtenir un travail qui sera toujours mieux payé que ce qu’ils pourraient trouver chez eux puisque la campagne mexicaine, depuis l’entrée du Mexique dans l’Alena, ne leur fournit plus de quoi subsister. Même la peur de mourir dans le désert ne les arrête pas.


par Patrice  Gouy

Article publié le 05/04/2005 Dernière mise à jour le 05/04/2005 à 12:02 TU