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Mexique

La violence irrite les Américains

Le président mexicain Vicente Fox a immédiatement réagi aux déclarations américaines alertant les Américains en visite au Mexique.(Photo : AFP)
Le président mexicain Vicente Fox a immédiatement réagi aux déclarations américaines alertant les Américains en visite au Mexique.
(Photo : AFP)
Les Mexicains ont très mal pris les déclarations de l’ambassadeur américain Tony Garza et celle du département d’Etat qui mettent en garde les citoyens américains des dangers à visiter le Mexique.
De notre correspondant à Mexico

Dans une lettre adressée au Procureur général de ce pays, le diplomate texan montre sa préoccupation pour la violence qui existe sur la frontière, soulignant «l’incapacité des forces de l’ordre à faire face à ce problème». Cette lettre qui «exige une meilleure protection pour les citoyens américains et mexicains» est publiée au moment où le Mexique tente de rétablir l’ordre dans les prisons de haute sécurité.

Depuis plusieurs semaines, les ministères de l’Intérieur et de la Défense nationale ont pris des mesures drastiques pour récupérer le contrôle des prisons. En effet, les barons de la drogue et les plus dangereux criminels du pays avaient, grâce à la corruption, transformé les pénitenciers où ils se trouvaient détenus en des succursales de leurs cartels. Les opérations coup de poing, avec tanks, hélicoptères, déploiement d’importantes forces de l’ordre ont mis en relief le disfonctionnement du système pénitentiaire, la corruption de la police et de la justice. Rien de bien nouveau pour les Mexicains qui ne se font aucune illusion sur la corruption généralisée de la société mais ils n’aiment pas voir les Américains leur faire la morale ou s’immiscer dans leurs affaires intérieures.

Le président Vicente Fox a donc immédiatement réagi en déclarant que  «cet avertissement était exagéré et erroné et que son gouvernement n’admettait aucun jugement, ni qualificatif d’un gouvernement étranger sur son action politique». S’il reconnaît que «la violence existe bien au nord du pays», il estime que «les observations qui ont été faites ne reflètent, d’aucune manière la situation du Mexique rappelant d’autre part qu’il a déployé des stratégie conjointes qui ont donné de bons résultats» et qui ont permis l’arrestation de nombreux barons de la drogue ainsi que les chefs de bande spécialisées dans les enlèvements.

Une mise en garde pour la sécurité

Mais en appelant à livrer «la mère de toutes les batailles» contre le crime organisé, Vicente Fox a bouleversé un certain ordre établi. Pratiquement tous les barons de la drogue sont sous les verrous, près de 100 000 passeurs et petits trafiquants ont été condamnés depuis son arrivée au pouvoir il y a quatre ans. Ces arrestations ont déclanché des guerres de succession sans merci entre trafiquants pour s’emparer des territoires laissés vacants. D’autre part, certains barons se sont réorganisés pour diriger leurs opérations depuis les prisons de haute sécurité en profitant d’une administration gangrenée par la corruption. Cette guerre que livre le gouvernement contre les cartels rappelle ce qui se passait en Colombie dans les années 80, et la vague d’assassinats qui effraye le nord du Mexique commence à préoccuper sérieusement le gouvernement de George W. Bush. En effet, un tel combat est synonyme de violence et donc d’instabilité à un moment où Washington cherche à renforcer la sécurité sur ces frontières.

Pour d’autres analystes, l’avertissement lancé par les États-Unis à travers son Département d’Etat et son ambassadeur n’a rien de nouveau. C’est un prétexte peu diplomatique et une manière arrogante pour annoncer aux Mexicains que le second gouvernement Bush ne sera pas identique au premier et que la relation bilatérale sera plus difficile. Il n’a échappé à personne que cette déclaration menaçante est la première émanant de Condeleezza Rice comme secrétaire d’Etat et qu’il y a trois messages à lire entre les lignes.

Le premier est un refus catégorique de la candidature du chancelier mexicain Ernesto Derbez à la tête de l’OEA (Organisation des Etats américains). Le second est un cinglant rappel à l’ordre au gouvernement car les enlèvements et la violence nuisent aux investisseurs et investissement étrangers. Le troisième message donne le ton de la visite que Vicente Fox doit rendre dans les prochaines semaines à George W. Bush. Elle ne sera pas placée sous le signe de l’amitié comme il y a quatre ans et par conséquent, le dossier migratoire ne sera pas forcement au centre des discussions.

Le gouvernement de Vicente Fox a tenté de se justifier. Après les atermoiements de toute la classe politique mexicaine, l’ambassadeur Tony Garza a clos l’incident, niant que Washington ait voulu blesser son voisin. Il a réaffirmé que les bonnes relations entre les deux pays devaient prévaloir et que Mexico et Washington pouvaient fumer le calumet de la paix.

par Patrice  Gouy

Article publié le 03/02/2005 Dernière mise à jour le 03/02/2005 à 11:19 TU