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Mexique

Wal Mart à l’assaut des pyramides

Le Front civique de défense de la vallée de Teotihuacan est sur le point de perdre la bataille contre la construction du supermarché américain Wal Mart.
 

		(Photo : AFP)
Le Front civique de défense de la vallée de Teotihuacan est sur le point de perdre la bataille contre la construction du supermarché américain Wal Mart.
(Photo : AFP)
La construction d’un centre commercial de Wal Mart dans la zone archéologique de Teotihuacan blesse profondément les Mexicains. Depuis plusieurs semaines, le Front civique de défense de la vallée de Teotihuacan mobilise les énergies pour empêcher cette construction, mais ni le gouvernement de Vicente Fox, ni le gouverneur de l’Etat de Mexico ne veulent entendre parler de patrimoine culturel. Considérant que le numéro un mondial de la distribution satisfait toutes les exigences lui permettant de s’installer aux portes du site le plus prestigieux du Mexique.

De notre correspondant à Mexico

« Wal Mart, hors de Teotihuacan. A bas les  transnationales ! Gringos rentrez chez vous ! » Des centaines d’ONG, l es défenseurs de l’histoire et de l’archéologie, les habitants de la zone, des artistes, des étudiants, des intellectuels et tout simplement des promeneurs se mobilisent depuis plusieurs semaines pour réclamer la suspension immédiate de la construction d’un supermarché à Teotihuacan. Pour tous ces gens, c’est un crime de lèse-majesté, un manque de respect pour le passé, une atteinte au patrimoine national. « Nous ne comprenons pas comment le gouvernement peut laisser faire ça, déclare Amanda du Front civique de défense de la vallée de Teotihuacan, c’est un manque total de sensibilité sociale, Teotihuacan fait partie de notre identité ».

Tout ce monde s’insurge de voir le gouvernement de Vicente Fox se mettre du côté de la transnationale. Teotihuacan est le berceau de la mésoamérique, le centre cérémoniel préhispanique où  les Dieux sont nés. Sur la Chaussée des Morts, se dressent les pyramides du Soleil et de la Lune qui accueillent plusieurs millions de visiteurs par an, faisant de ce site archéologique l’un des plus visités du monde.

La contestation a commencé avec les premiers coups de bulldozers en juillet dernier. Sans enquête d’utilité publique, sans concertation, le projet a été vu et approuvé par l’INAH, l’Institut national d’anthropologie et d’histoire, responsable du patrimoine culturel mexicain qui n’a rien trouvé à redire comme si les instructions venaient de plus haut. Les manifestants ont immédiatement tenté de faire suspendre les travaux. Plusieurs personnes se sont mis en grève de la faim pendant 15 jours, des plaintes ont été déposées à l’UNESCO et à l’ICOMOS (le Conseil international des monuments et sites), des lettres ont été adressées au président de la République, au ministre de la Culture, une plainte a même été déposé auprès du tribunal dénonçant les autorités locales qui auraient donné le permis de construire sans concertation et de manière illégale. En vain. Les travaux de construction se poursuivent, redoublant l’allure afin qu’il ne puisse y avoir de remise en question du projet.

 Interrogé par la presse, le directeur de l’INAH, s’est justifié en déclarant  qu’il ne pouvait s’y opposer car «  il n’est juridiquement pas interdit de construire dans ce périmètre de la zone archéologique ». En ayant scrupuleusement respecté les règlements, Wal Mart estime pour sa part qu’il n’a enfreint aucune loi, aucune interdiction et qu’il est inattaquable devant les tribunaux.

Commerce contre morale

« Il ne s’agit pas de savoir si la construction est légale ou non, explique Francisco Vargas, mais s’il est moral de construire une chaîne de supermarchés dans un  lieu symbolique de l’ histoire du Mexique ». Francisco indigné se demande si le Pape accepterait qu’aux abords de la place Saint Pierre soit construit un Wal Mart. Pour le groupe parlementaire du PRD (centre gauche), cette autorisation n’est pas gratuite mais participe, au contraire, à l’idéologie dominante du gouvernement  Fox qui verrait volontiers une mercantilisation totale des espaces culturels. Dans un manifeste, ces députés exigent l’intervention immédiate des autorités pour que soient suspendus les travaux, arguant que «l’espace entourant une zone archéologique de cette magnitude ne peut être cédé à qui que ce soit et que le gouvernement trop aux ordres des transnationales ferait mieux de modifier ses priorités car il n’est pas possible de faire du développement social en détruisant le patrimoine culturel ».

Wal Mart qui possède plus de 500 établissements au Mexique minimise cette opposition civile, affirmant qu’il a le soutien de la population locale car il crée de nombreux emplois et offre dans ses établissements les prix les plus bas du marché. En marge de tous sentiments, Wal Mart assure que son supermarché sera imperceptible depuis la zone archéologique, qu’aucun vestige ne sera endommagé et que le toit du centre commercial tout de même visible depuis le haut des pyramides sera, comme le lui a suggéré l’INAH, peint couleur cactus pour mieux  se fondre dans le paysage.



par Patrice  Gouy

Article publié le 24/10/2004 Dernière mise à jour le 24/10/2004 à 11:57 TU