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Mexique

Les cartels gangrènent le pays

Le mois de janvier a été particulièrement violent au Mexique. Règlements de compte, vendetta, embuscades meurtrières, le crime organisé semble agir à sa guise, faisant 63 morts en 30 jours. La police et l’armée paraissent dépassées par les évènements malgré quelques beaux coups de filets.
De notre correspondant à Mexico

Les 63 meurtres perpétrés en ce début d’année portent la marque des trafiquants de drogue. Dans tous les cas, les armes utilisées ont été de gros calibres pour ne laisser aucun survivant. Pour expliquer l’enchaînement de ses multiples exécutions, le procureur général de la République, Rafael Macedo de la Concha, adoptant un profil bas et reconnaissant la difficulté de sa police à empêcher cette violence, a expliqué dans une conférence de presse, qu’il s’agit «d’une recomposition entre les 7 cartels de la drogue à la recherche de nouveaux leaders dans les zones laissées vacantes par les meurtres ou les arrestations et de la fièvre des organisations criminelles pour tenter d’agrandir leurs territoires». Quand on sait que dans la sierra du Sinaloa, les autorités ont détecté 80 groupes armés qui cultivent et surveillent d’immenses plantations de drogue (Marijuana et pavots), on peut comprendre que cette guerre soit meurtrière.

Impuissance ou laisser-faire ?

S’il est indéniable que les forces de police et l’armée luttent frontalement contre les cartels de la drogue – en trois ans, ils ont arrêté 24 000 personnes liées aux trafics de stupéfiants dont 50 capots parmi les plus recherchés du monde –, on a l’impression qu’elles sont néanmoins impuissantes et que le trafic de drogue jouit d’une santé florissante : aucun des 31 Etats que compte le Mexique n’est épargné. Toutes les statistiques montrent un développement des cultures et la croissante pénétration de l’argent de la drogue dans l’économie et l’administration nationale. Quant à la consommation nationale qui était jusqu’alors inexistante, elle est en train de gagner du terrain.

La main mise des «narcos» sur la police est devenue si forte que le pouvoir s’en remet de plus en plus à l’armée qui, elle aussi, n’échappe pas à la corruption. Il y a quelques jours, par exemple, aux environs de Mexico, 2 éléments de l’AFI (le FBI mexicain) et un capitaine de l’armée ont été exécutés par un commando. La BMW blindée du capitaine, (estimée à 100 000 euros) est sortie de la route, ce qui a permis aux agresseurs de descendre de leur voiture et de tirer à bout portant plusieurs rafales d’AK-47 sur leurs occupants. Tout semble indiquer que ces 3 personnes appartenaient au cartel des Zetas et qu’ils assuraient la protection rapprochée d’un gros bonnet de la drogue qui, semble-t-il, a été enlevé. Dans le même ordre d’idée, la police vient de trouver, dans un cimetière clandestin, 11 corps dont plusieurs seraient ceux de policiers marrons, victimes, selon le Procureur de la République, de représailles du cartel de Vicente Carrillo.

La justice n’est pas plus épargnée par la corruption. Juges corrompus, agents de justice receleurs de cocaïne, procureurs véreux, directeurs de prison achetés, tout est pourri. Le ministre de la Défense, le général Clemente Vega, réclame au pouvoir judiciaire des lois qui ne bénéficient pas aux délinquants mais qui défendent la société, car même les lois semblent avoir été votées pour être détournées. Le trafic de drogue est certainement le principal problème du Mexique, un véritable problème de sécurité nationale qui renvoie aussi au blanchiment d’argent, à la contrebande d’armes, aux trafic de personnes. Le risque étant bien, que dans cette grande décomposition de la justice et de la police, les mafias parviennent à pénétrer les partis politiques et financent leurs candidats. L’expert en sécurité nationale et trafic de drogue, Jorge Chabat, appelle les autorités et la société à la vigilance car le Mexique présente toutes les conditions pour qu’à court terme les trafiquants de drogue parviennent, comme en Colombie, à intégrer le cercle politique.



par Patrice  Gouy

Article publié le 31/01/2004