Mexique
Le nouveau visage des campagnes mexicaines
Malgré le renforcement des mesures de sécurité, il est plus facile de passer illégalement la frontière des États-Unis que de trouver du travail au Mexique. Poussés par la crise économique, la crise est aiguë dans les villes mais aussi dans les campagnes des états les plus pauvres comme celui du Oaxaca, dans le sud du Mexique.
De notre correspondant à Mexico
Cipriano Flores Cruz fait parti des rares élites indigènes. Il a quitté son village de Santiago Techitla, situé à deux heures de la ville de Oaxaca, au cœur de la Sierra Madre, à l’âge de douze ans, sans savoir un mot d’espagnol. Grâce au PRI, le Parti révolutionnaire institutionnel qui gouverne l’État depuis 74 ans sans discontinuité, il a gravi tous les échelons de la bureaucratie locale. Après avoir été président de l’Institut fédéral électoral, il est aujourd’hui mandaté par le bureau des Affaires indigènes de l’État de Oaxaca pour trouver des alternatives afin de freiner l’émigration considérable des habitants de la région aux États-Unis.
Dans cet État le plus pauvre du Mexique, l’unique solution pour survivre est de quitter le pays. Chaque année, depuis 1964, des milliers de Oaxaquenos émigrent aux États-Unis pour fuir la pauvreté. Ils étaient plus de 400 000 l’an dernier dont 120 000 se sont rendus dans la ville de Fresnos en Californie où il existe une très forte colonie originaire de Oaxaca. «Avec les attentats du 11 septembre, explique Cipriano Flores, le tourisme a considérablement diminué entraînant une baisse des services et des ventes de l’artisanat qui fait la renommée de cette région. Et cela malgré la hausse des coûts des passeurs qui exigent 1500 dollars pour faire traverser la frontière. Pour réunir cette somme, la plupart des candidats à l’émigration mettent leurs terres en gage, vendent leurs animaux et complètent ce qui manque en travaillant plusieurs mois, parfois un an, dans les grandes plaines du nord du Mexique ou comme employés dans les villes frontières».
Des campagnes qui se vident
Ce problème de l’émigration touche toute la république. Les chiffres parlent d’eux mêmes: le Mexique compte cent millions d’habitants, plus de 27 millions ont émigré aux États-Unis! Mais l’État de Oaxaca est l’un des plus touchés par ce phénomène migratoire. Dans le village de Cipriano Flores, sur 1300 habitants il y a une décennie, il en reste 500: une centaine d’enfants de moins de 17 ans, quelques femmes et des personnes trop âgées pour partir. 900 vivent à Los Angeles, 480 sont en route, travaillant dans les grandes villes, comme Mexico, Guadalajara, Hermosillo, qui s’égrènent jusqu’à la frontière nord. Mais quels que soient les villages que nous avons parcourus dans la sierra Madre ou la Vallée Centrale de Oaxaca, c’est une même plainte : il n’y a plus d’hommes, de moins en moins de femmes et l’émigration qui pendant longtemps n’était que saisonnière est de plus en plus définitive.
«Ce ne sont plus un ou deux fils qui partent, c’est toute la famille et bien souvent les belles-familles qui décident d’émigrer en groupe pour ne pas casser la communauté familiale», explique Alfredo Jimenez de la communauté indigène de La Chatao. Une catastrophe d’autant que bien souvent le départ des gens les plus dynamiques entraîne l’effondrement des quelques structures qui permettaient encore aux villages les plus dynamiques de survivre. A Tenotitlan del Valle où la population fabrique depuis plus de 100 ans les plus beaux tapis en laine du Mexique, les migrants sont partis emmenant avec eux le savoir faire traditionnel: «Les familles ont emporté avec elles les secrets des meilleures teintures, l’art de mélanger les pigments ou simplement nous ont laissé sans leurs réseaux de distribution qui permettaient d’écouler notre production», déclare Aurora Lopez qui présidait une petite réunion des teinturiers à la recherche de solutions pour sauver leur artisanat.
Ce thème redondant de l’émigration qui touche toute la population de Oaxaca était absent de la bataille électorale du 6 juillet dernier. L’autoritarisme du PRI, son omni-présence, la corruption et la répression n’ont pas permis à l’opposition de faire campagne. Le PRI, plutôt que de proposer une véritable politique pour enrayer ce flux migratoire, ne cherche qu’à verrouiller son vote «vert», profitant de la pauvreté et de la marginalisation pour se maintenir au pouvoir.
Mais de toute part, dans les campagnes, les indigènes commencent à s’organiser. Ceux qui refusent de partir cherche une meilleure représentation. Pour la première fois, un parti indigène pourrait voir le jour. Cipriano Flores qui en est l’un des instigateurs, ne cache pas qu’une de ses ambitions est d’avoir, avec l’aide financière des émigrés, quinze députés indigènes en 2006.
Cipriano Flores Cruz fait parti des rares élites indigènes. Il a quitté son village de Santiago Techitla, situé à deux heures de la ville de Oaxaca, au cœur de la Sierra Madre, à l’âge de douze ans, sans savoir un mot d’espagnol. Grâce au PRI, le Parti révolutionnaire institutionnel qui gouverne l’État depuis 74 ans sans discontinuité, il a gravi tous les échelons de la bureaucratie locale. Après avoir été président de l’Institut fédéral électoral, il est aujourd’hui mandaté par le bureau des Affaires indigènes de l’État de Oaxaca pour trouver des alternatives afin de freiner l’émigration considérable des habitants de la région aux États-Unis.
Dans cet État le plus pauvre du Mexique, l’unique solution pour survivre est de quitter le pays. Chaque année, depuis 1964, des milliers de Oaxaquenos émigrent aux États-Unis pour fuir la pauvreté. Ils étaient plus de 400 000 l’an dernier dont 120 000 se sont rendus dans la ville de Fresnos en Californie où il existe une très forte colonie originaire de Oaxaca. «Avec les attentats du 11 septembre, explique Cipriano Flores, le tourisme a considérablement diminué entraînant une baisse des services et des ventes de l’artisanat qui fait la renommée de cette région. Et cela malgré la hausse des coûts des passeurs qui exigent 1500 dollars pour faire traverser la frontière. Pour réunir cette somme, la plupart des candidats à l’émigration mettent leurs terres en gage, vendent leurs animaux et complètent ce qui manque en travaillant plusieurs mois, parfois un an, dans les grandes plaines du nord du Mexique ou comme employés dans les villes frontières».
Des campagnes qui se vident
Ce problème de l’émigration touche toute la république. Les chiffres parlent d’eux mêmes: le Mexique compte cent millions d’habitants, plus de 27 millions ont émigré aux États-Unis! Mais l’État de Oaxaca est l’un des plus touchés par ce phénomène migratoire. Dans le village de Cipriano Flores, sur 1300 habitants il y a une décennie, il en reste 500: une centaine d’enfants de moins de 17 ans, quelques femmes et des personnes trop âgées pour partir. 900 vivent à Los Angeles, 480 sont en route, travaillant dans les grandes villes, comme Mexico, Guadalajara, Hermosillo, qui s’égrènent jusqu’à la frontière nord. Mais quels que soient les villages que nous avons parcourus dans la sierra Madre ou la Vallée Centrale de Oaxaca, c’est une même plainte : il n’y a plus d’hommes, de moins en moins de femmes et l’émigration qui pendant longtemps n’était que saisonnière est de plus en plus définitive.
«Ce ne sont plus un ou deux fils qui partent, c’est toute la famille et bien souvent les belles-familles qui décident d’émigrer en groupe pour ne pas casser la communauté familiale», explique Alfredo Jimenez de la communauté indigène de La Chatao. Une catastrophe d’autant que bien souvent le départ des gens les plus dynamiques entraîne l’effondrement des quelques structures qui permettaient encore aux villages les plus dynamiques de survivre. A Tenotitlan del Valle où la population fabrique depuis plus de 100 ans les plus beaux tapis en laine du Mexique, les migrants sont partis emmenant avec eux le savoir faire traditionnel: «Les familles ont emporté avec elles les secrets des meilleures teintures, l’art de mélanger les pigments ou simplement nous ont laissé sans leurs réseaux de distribution qui permettaient d’écouler notre production», déclare Aurora Lopez qui présidait une petite réunion des teinturiers à la recherche de solutions pour sauver leur artisanat.
Ce thème redondant de l’émigration qui touche toute la population de Oaxaca était absent de la bataille électorale du 6 juillet dernier. L’autoritarisme du PRI, son omni-présence, la corruption et la répression n’ont pas permis à l’opposition de faire campagne. Le PRI, plutôt que de proposer une véritable politique pour enrayer ce flux migratoire, ne cherche qu’à verrouiller son vote «vert», profitant de la pauvreté et de la marginalisation pour se maintenir au pouvoir.
Mais de toute part, dans les campagnes, les indigènes commencent à s’organiser. Ceux qui refusent de partir cherche une meilleure représentation. Pour la première fois, un parti indigène pourrait voir le jour. Cipriano Flores qui en est l’un des instigateurs, ne cache pas qu’une de ses ambitions est d’avoir, avec l’aide financière des émigrés, quinze députés indigènes en 2006.
par Patrice Gouy
Article publié le 17/08/2003